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Le fait de la semaine

Union européenne : Le social avant tout pour la présidence française du Conseil de l’UE

Le fait de la semaine | publié le : 13.12.2021 | Olivier Hielle

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Union européenne : Le social avant tout pour la présidence française du Conseil de l’UE

Crédit photo Olivier Hielle

 

Tandis que la France s’apprête à prendre la présidence du Conseil de l’Union européenne pour la première moitié de l’année 2022, le gouvernement veut principalement travailler sur les enjeux sociaux. Avec, à la clé, un accord sur un salaire minimum européen. L’égalité salariale femmes-hommes est aussi au programme.

Dès le 31 août dernier, devant les ambassadeurs, le Premier ministre Jean Castex annonçait l’ambitieux objectif du gouvernement en vue de la prochaine présidence du Conseil de l’Union européenne, que la France prend à partir du 1er janvier 2022 pour six mois : obtenir un accord sur une directive relative au salaire minimum en Europe. Après la Slovénie, dont elle prend la suite, la France pourra en effet s’appuyer sur les avancées sociales héritées de la présidence portugaise de la première moitié de l’année 2021.

Reste que le projet d’instauration de règles communes sur un salaire minimum, initié le 28 octobre 2020 avec une proposition de directive de la Commission européenne, ne fait pas l’unanimité parmi les États membres… Le 11 novembre dernier, le Parlement européen a bien réussi à arracher une position commune, selon une idée forte, celle de « garantir un niveau minimum de protection des salaires dans tous les États membres, afin d’assurer des conditions de vie décentes pour les travailleurs », et sur le principe, la plupart des États et des députés semblent s’entendre.

Points de discorde

Mais sur les conditions pratiques, les points de discorde sont nombreux : « Sur la concrétisation et la compétence, les visions sont divergentes, explique ainsi l’eurodéputée Marie-Pierre Vedrenne (MoDem). Les pays du Nord estiment que ce n’est pas à l’UE de le faire mais aux conventions collectives, au niveau national. Il faut réussir à démontrer que chaque État a un intérêt à mettre en place ce salaire adéquat, ce qui prend beaucoup de temps. » « Le Danemark ou la Suède bloquent, car l’idée d’un salaire minimum au niveau national s’inscrit en contradiction avec leur modèle d’établissement de normes sociales en matière de salaires. Et en Roumanie, il n’y a que 20 % des salariés couverts par les conventions collectives », ajoute sa collègue Sylvie Brunet, membre de la commission emploi et affaires sociales au Parlement européen. Autant dire que sur ce sujet, l’exécutif français va avoir fort à faire pour réussir à dégager un consensus des gouvernements de l’Union.

La transparence des salaires versés aux femmes et aux hommes est un autre sujet majeur que devra traiter la présidence française. « Un texte emblématique sur les droits des femmes », souligne Sylvie Brunet, déjà en cours d’élaboration et à l’issue duquel les entreprises européennes devront publier les écarts de salaire constatés, puis les corriger. « Nous avons des discussions sans fin sur les questions de seuils d’effectifs, poursuit l’eurodéputée. Certains proposent 50 salariés, d’autres 10. Or, au niveau européen, il faut être assez général pour que ça colle avec les politiques internes des États », ajoute-t-elle. En outre, le gouvernement français devra veiller à ce que ce projet de texte ne mette pas à mal sa propre législation et l’index de l’égalité professionnelle.

Autres priorités patronales

Autre difficulté pour la France, BusinessEurope n’a pas du tout les mêmes priorités… L’organisation patronale pousse avant tout la question des pénuries de main-d’œuvre, apparues avec la reprise économique au sortir de la crise sanitaire. « La reprise a vu beaucoup d’entreprises être en mesure de créer des nouveaux emplois, expose Maxime Cerutti, directeur du département des affaires sociales à BusinessEurope. Le problème, c’est qu’il n’y a pas de salariés avec les compétences nécessaires… »

L’organisation souhaite donc augmenter la participation au marché du travail, en attirant dans l’emploi davantage de personnes en âge et en mesure de travailler. Elle propose également d’instituer au niveau européen des fonds nationaux pour la formation, dont la gouvernance serait assurée par les partenaires sociaux. Une position qui se heurte au dispositif français du compte personnel de formation, donnant libre cours aux choix individuels. « Le problème avec ce système, c’est qu’il y a un décalage entre l’utilisation des ressources et les besoins du marché du travail, explique Maxime Cerutti. Pour les entreprises qui financent 90 % de la participation des salariés à la formation, ce n’est pas acceptable. »

Le constat est partagé par la présidente de l’Association nationale des directeurs de ressources humaines (ANDRH), Audrey Richard : « La pénurie de main-d’œuvre est la problématique numéro un, explique-t-elle. Il faut vraiment enclencher des actions sur la formation et l’apprentissage en garantissant une bonne corrélation avec les besoins du marché qui a évolué. »

Ce sont donc ces divers sujets sociaux, aussi importants les uns que les autres, que le gouvernement français devra s’efforcer de faire avancer en Europe. Une occasion rêvée pour le président Macron, profondément européen, qui pourra ainsi imposer ces thèmes en vue de la campagne présidentielle de 2022.

Un rôle éminemment politique

En relation particulière avec la Commission européenne et le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne (CUE) représente l’ensemble des États membres de l’Union. Son rôle est d’amender, avec le Parlement, les propositions législatives de la Commission (directive, règlement). En effet, la Commission a le monopole de l’initiative. Ce sont ensuite le CUE et le Parlement européen qui amendent et adoptent les textes, dans un processus de codécision. Le rôle de la présidence du CUE est éminemment politique : même si l’agenda des institutions est déjà fixé, elle peut influer sur l’ordre du jour ou la mise au vote de résolutions. Bien sûr, le pouvoir d’influence est d’autant plus grand que la présidence est assurée par un poids lourd de l’Union, comme l’Allemagne en 2020 et la France l’année prochaine. Concrètement, c’est tout le gouvernement français qui va prendre place dans cette institution européenne, qui comprend dix « formations », réunissant les ministres des États membres par domaines de compétence : environnement, agriculture, affaires économiques et financières. Les questions sociales sont logées dans la formation « emploi, politique sociale, santé et consommateurs », qui sera donc présidée par Élisabeth Borne.

Auteur

  • Olivier Hielle