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Le fait de la semaine

Alerte rouge sur le recrutement

Le fait de la semaine | publié le : 24.01.2022 | Gilmar Sequeira Martins

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Emploi : Alerte rouge sur le recrutement

Crédit photo Gilmar Sequeira Martins

 

Alors que se tient, le 20 et 21 janvier, le Salon du travail et de la mobilité professionnelle, les recruteurs sont invités à sortir des sentiers battus pour trouver des candidats. Car la pénurie de main-d’œuvre est bien réelle !

En privé, de nombreux DRH sont parfois au bord de la crise de nerfs quand arrive la question du recrutement. Les profils se font rares, au point parfois que certaines annonces ne suscitent aucune candidature… « Nous sommes touchés de plein fouet, dans le domaine informatique mais aussi en comptabilité, relève ainsi Marine Rusch, responsable développement des compétences pour l’école de commerce Audencia. Il y a un vrai manque de profils et les candidats sont frileux quand il s’agit de changer de poste. »

Une situation qui risque de durer… Les perspectives de l’Apec ne laissent en effet présager aucune embellie. Les informations recueillies auprès des acteurs économiques pour dresser le tableau des intentions de recrutement, qui sera publié fin mars, font apparaître la situation paradoxale, explique Gilles Gateau, directeur général de l’Apec : « Le premier constat est la difficulté de beaucoup d’entreprises à se projeter, ce qui n’empêche pas un taux élevé d’intentions de recrutement : le marché de l’emploi des cadres est revenu à son niveau d’avant-crise. » Depuis octobre 2021 se produit même un rattrapage, puisque les entreprises réalisent les embauches qui ont été empêchées entre le printemps 2020 et l’été 2021. Au début de l’année 2020, l’Apec anticipait 300 000 recrutements sur l’année. Le déclenchement de l’épidémie et les confinements ont fortement réduit les embauches réelles, qui ont plafonné à 230 000. « Cela représente un déficit potentiel de 70 000 recrutements, souligne Gilles Gateau. S’ils se reportent réellement sur la fin 2021 et en 2022, l’impact sera très fort. » L’hypothèse pourrait se confirmer puisque l’Apec constate depuis octobre 2021 que le volume d’offres d’emploi diffusées est supérieur de 20 % en moyenne au niveau observé à la même période en 2019.

Changer d’optique

Le phénomène ne touche pas que les cadres, souligne Jérôme Bouron, directeur général du cabinet de conseil Sémaphores : « Au troisième trimestre 2021, le taux d’emploi des 15-64 ans avait atteint 67,5 %, un niveau historiquement inédit : les tensions de recrutement touchent toutes les classes d’âge. La part des jeunes qui ne sont ni en emploi ni en formation a aussi fortement baissé pour être aujourd’hui à 11,9 %, le plus bas taux depuis 2008. »

Que faire face à cette situation ? « L’urgence actuelle est de faire que la pénurie ne s’aggrave pas en limitant les départs des salariés », estime Estelle Sauvat, directrice générale du groupe Alpha (cabinet de conseil). Elle pointe aussi l’attitude des recruteurs : « J’observe un net décalage entre les exigences attendues et les rémunérations proposées », dit-elle.

De nombreux acteurs invitent les recruteurs à changer d’optique s’ils veulent réduire leurs difficultés. Pour Gilles Gateau, les entreprises doivent « faire bouger leur périmètre de recherche », autrement dit : ne plus refuser les candidats expérimentés, de plus de 50 ans notamment… Autre voie possible : cesser de chercher le candidat disposant de toutes les compétences techniques attendues et miser sur le « savoir-être », plaide Sylvain Humeau, président du réseau des responsables de formation (Garf) : « Il ne faut pas oublier que 80 % des ruptures survenant en périodes d’essai sont dues à un problème de soft skills. Elles sont essentielles pour une intégration réussie. Les hard skills s’acquièrent bien plus facilement que des soft skills », souligne-t-il.

Quant à Jérôme Bouron, il invite les recruteurs à se pencher sur des solutions alternatives. « Je crois à des initiatives comme les groupements d’employeurs, les GEIQ1, qui mettent différents employeurs, même s’ils sont parfois concurrents, dans une même dynamique », dit-il. L’Apec rappelle de son côté l’intérêt des PMSMP (Période de mise en situation en milieu professionnel) pilotées par Pôle emploi. Ce dispositif permet à un candidat de s’immerger dans une entreprise pendant une durée allant jusqu’à un mois, le temps de découvrir des profils inhabituels et de vérifier leurs capacités mais aussi de faciliter des reconversions.

Rôle des branches

La mobilité interne devient parfois la seule option possible, comme c’est le cas chez Audencia. « Nous avons effectué 80 recrutements en 2021 et 15 ont été réalisés grâce à des mobilités internes », explique Marine Rusch. Malgré son efficacité, cette option reste peu utilisée tant les schémas restent figés, regrette Jérôme Bouron : « Il y a un grand travail culturel à mener dans les entreprises pour montrer la valeur des salariés présents dans l’entreprise, leur attachement fort, leur connaissance des processus internes, la valeur du réseau qu’ils ont construit, source d’efficacité et de productivité. Ce levier commence à être activé mais des freins culturels sont encore là. »

Les entreprises ne sont pas les seules pouvant changer la donne, ajoute Jérôme Bouron : « Les branches peuvent avoir un rôle déterminant sur l’attractivité d’un secteur. En proposant une augmentation moyenne de 16 % des rémunérations, le secteur de l’hôtellerie, cafés, restauration se donne les moyens d’attirer de nouveaux profils. La qualité de vie au travail sera aussi très importante dans les secteurs qui connaissent des difficultés de recrutement. »

Au-delà de dispositifs de court terme, c’est l’adéquation de la formation aux besoins des entreprises qu’il faut assurer, estime Estelle Sauvat, et une partie de la solution doit venir des acteurs : « Le plus souvent, les entreprises expriment des besoins immédiats mais pas à moyen ou long terme. Il reste donc à mener un chantier immense pour faire mieux coïncider système de formation et besoins des entreprises. L’un des enjeux actuels est d’intégrer la discussion des plans de compétences dans le dialogue social, car la formation peut résoudre une partie du problème », dit-elle. Enfin, pour sortir du « jeunisme », la directrice générale du groupe Alpha en appelle aussi aux pouvoirs publics : « Ils pourraient jouer sur le niveau des cotisations retraite ou pénaliser les entreprises qui recourent aux ruptures conventionnelles pour faire partir les seniors », avance-t-elle. Autant d’options qui rappellent que l’élection présidentielle se tient dans moins de cent jours…

(1) Groupement d’employeurs pour l’insertion et la qualification.

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins