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« Le système Transco a été construit à l’envers » (Bertrand Martinot, Siaci Saint Honoré)

Le point sur | publié le : 24.01.2022 | Dominique Perez

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« Le système a été construit à l’envers »

Crédit photo Dominique Perez

 

Pour Bertrand Martinot, directeur du conseil en formation et développement des compétences du cabinet Siaci Saint Honoré, si le dispositif Transitions collectives montre ses limites, c’est qu’elles sont inhérentes à la situation de l’emploi actuelle, mais sont aussi dues à la lourdeur de sa mise en place.
 
Les transitions collectives démarrent assez lentement, comment l’expliquez-vous ?

Aujourd’hui, il doit exister une quinzaine d’accords signés en Île-de-France, et en septembre dernier, 80 salariés étaient inscrits dans le dispositif pour l’ensemble du pays, dont un peu plus de 50 dans des opérations menées par Siaci Saint Honoré. On est donc assez loin des ambitions initiales, même si le dispositif a le mérite d’exister et du potentiel. Plusieurs raisons à cela. D’abord, il a été conçu à partir et pour des entreprises qui sont en sureffectifs. Or, ce que l’on constate, c’est que beaucoup d’entreprises embauchent et rencontrent de fortes difficultés de recrutement, mais que peu, en face, connaissent des sureffectifs. Le système a donc été construit à l’envers. On est parti des besoins supposés de ces entreprises qui allaient connaître ces sureffectifs, parce que, pendant la phase aiguë de la crise, on redoutait que le marché du travail s’effondre. Non seulement cela n’a pas été le cas, mais le marché a rebondi d’une manière particulièrement vigoureuse. On prévoit cette année environ 600 000 à 650 0000 créations nettes d’emplois…

Le système est également considéré comme complexe…

Dans les grandes entreprises, après l’accord collectif de GEPP (gestion prévisionnelle des emplois et des parcours professionnels), chaque salarié doit remplir un dossier, le même que dans le cadre d’un PTP (projet de transition professionnelle, ex-CIF). C’est certes compliqué, mais pas plus… Ensuite, il doit passer par un CEP (conseil en évolution professionnelle), ce qui demande du temps. Enfin, il y a la période de découverte des métiers, puis de formation… La procédure suppose donc une très bonne coordination entre les entreprises et le CEP, des mondes qui ne se connaissent pas très bien à l’origine, et également que les ATpro (Associations Transitions professionnelles, présentes dans chaque région) fassent diligence et aillent assez vite, alors qu’elles sont souvent débordées. Si la procédure pouvait être allégée, cela pourrait sans doute faciliter la démarche. La troisième question est celle du financement. L’État fait un effort considérable avec une prise en charge du dispositif à hauteur de 40 % pour les entreprises de plus de 1 000 salariés, mais il reste quand même 60 % à charge de l’employeur ! Une entreprise qui est capable de payer 60 % des rémunérations des personnes qu’elle va, à terme, probablement perdre, et parfois sur une durée de plus d’un an, est quasiment héroïque ! Et les partenaires sociaux et le gouvernement ont permis dernièrement que cette période aille jusqu’à 36 mois… Là, c’est carrément utopique ! Les entreprises ne sont pas des organisations philanthropiques, ni des services publics de l’emploi. Pour des parcours de trois ou quatre mois, ce n’est pas très compliqué, en revanche, pour des reconversions lourdes, cela l’est beaucoup plus.

Et pour les PME ?

Pour les PME, on trouve d’autres difficultés, a priori cela concerne de petits volumes de salariés, mais elles rencontrent toujours le problème de trouver une entreprise d’accueil qui accepte d’investir du temps, en formation, en tutorat, etc. pour quelques personnes. Cet investissement en temps n’est pas complètement évident et à cela s’ajoute une certaine complexité administrative. Pour une PME de plus de 300 salariés, qui a une direction des ressources humaines, c’est envisageable, mais pour une entreprise de 50 qui comprend trois salariés concernés, cela ne vaut pas toujours le coup, il vaut mieux faire trois projets de transition professionnelle (PTP). Les entreprises majoritairement concernées sont donc celles de plus de 1 000 salariés, puisqu’il faut, pour mener à bien le dispositif, une véritable organisation, une DRH, une identification de compétences pouvant « matcher » entre deux métiers et une proximité géographique entre les sociétés participant à l’opération, ce qui favorise les entreprises à réseau, présentes sur tout le territoire, comme celles de la grande distribution.

Vous évoquez également la question des rémunérations des salariés concernés…

Les salariés ne vont pas passer d’un métier à un autre si le salaire est inférieur. Or, parmi les entreprises qui nous sollicitent, certaines proposent des rémunérations qui ne sont pas du tout compétitives et ont un problème certain d’attractivité, y compris auprès des demandeurs d’emploi… Comment voulez-vous que quelqu’un percevant un salaire mensuel de 2 000 ou 2 500 euros, non directement menacé par un PSE, accepte de débuter dans un nouveau métier en perdant 20 % de sa rémunération ?

Auteur

  • Dominique Perez