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Le fait de la semaine

Mixité : Les entreprises recherchent des talents scientifiques féminins

Le fait de la semaine | publié le : 07.02.2022 | Natasha Laporte

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Mixité : Les entreprises recherchent des talents scientifiques féminins

Crédit photo Natasha Laporte

À l’heure de la Journée internationale des femmes et des filles de science, le 11 février, celles-ci restent encore sous-représentées dans les filières sciences, technologies, ingénierie et mathématiques. Face à ce constat, certaines entreprises accélèrent leurs actions. Question d’équité, mais aussi de nécessité pour innover et mieux saisir leur marché.

D’un côté, moins de 33 % des chercheurs dans le monde (26 % en France) sont des chercheuses, selon l’Unesco. Proportions similaires parmi les ingénieurs : 28 % seulement sont des femmes, d’après la Société des ingénieurs et scientifiques de France – ou parmi les codeurs : moins d’un tiers des rangs sont féminisés. Et de l’autre, des entreprises qui, à l’heure de l’économie de la connaissance et du tout digital, ont soif de talents pour créer et innover. Un écart, donc, qui découle d’une sous-représentation des filles et des jeunes femmes dans les filières STEM (sciences, technologies, ingénierie et mathématiques), notamment dans les pays développés, pourtant les plus avancés par ailleurs en matière d’égalité hommes-femmes…

En France, « les femmes font des sciences, beaucoup de biologie et de plus en plus de chimie, mais elles sont toujours absentes de certains cursus en ingénierie ou dans l’informatique », indique Louis-Alexandre Erb, doctorant en économie des inégalités à l’université Gustave Eiffel. Pourquoi un tel phénomène ? Les stéréotypes, qui se construisent dès la petite enfance, jouent un rôle clé dans les choix d’orientation. « Les métiers que les petites filles et les petits garçons se représentent comme prestigieux ou valorisants ne sont pas les mêmes », précise-t-il. Avec pour conséquence un accès plus difficile à des métiers d’ingénierie et d’informatique, très porteurs…

Susciter les vocations

Autre risque, la conception d’outils comportant des biais de genre, dans l’intelligence artificielle, mais aussi dans la santé, notamment.

« Beaucoup d’études montrent que plus les entreprises sont diverses et équilibrées, mieux elles se portent, plus elles innovent et sont créatives, tout simplement parce que tout ce qui est déséquilibré a du mal à se renouveler », abonde Stéphane Dubois, directeur groupe responsabilités humaines et sociétales de Safran. Au-delà des questions d’innovation et de pénurie actuelle de candidats, la diversité est aussi vitale pour une autre raison : « Si l’on veut s’assurer qu’une entreprise soit durable et comprenne ses clients, elle doit être connectée au terrain », martèle-t-il. Autant de raisons qui poussent le motoriste et équipementier aéronautique à accélérer sur les questions de mixité. En France, il comptait, en 2020, environ 30 % de femmes dans ses activités de production, notamment de câblage. Mais le bât blesse dans la R&D : 14 % seulement des effectifs sont féminins. « Nous nous imposons de recruter entre 30 % et 35 % de femmes ingénieures. Mais cela reste difficile car dans les écoles d’ingénieurs, le vivier de femmes reste faible », analyse ce responsable. De quoi engager une lutte contre les stéréotypes en partenariat avec l’association Elles bougent, qui sensibilise, dans les lycées et les collèges, aux métiers de l’industrie. Le groupe, qui affiche un score de 89/100 à l’Index de l’égalité professionnelle et compte à ce jour 15 % des femmes parmi les cadres dirigeants (et en vise 17 % en 2022), mise aussi sur d’autres initiatives. « En créant des parcours différents pour permettre à des femmes d’accélérer vers ces positions », indique le DRH de Safran, dans un secteur où les cadres dirigeants ont généralement eu une carrière très industrielle. Et « en proposant une organisation permettant un bon équilibre entre vie professionnelle et personnelle », ajoute-t-il.

En outre, le groupe dispense des formations, notamment au leadership, pour soutenir les femmes dans leur parcours professionnel. Tout l’enjeu réside, selon Stéphane Dubois, dans les rôles modèles, afin de donner envie aux femmes de s’engager dans les métiers industriels, comme celui de Ghislaine Doukhan, issue d’une école de commerce et aujourd’hui directrice générale de Safran Power Units, après avoir dirigé Safran Analytics. Une dynamique de mixité bien enclenchée, sur laquelle le DRH de ce fleuron tricolore est optimiste pour atteindre ses objectifs.

Briser le plafond de verre

Dans un tout autre domaine industriel, celui de la cosmétique, la problématique est moins d’attirer les talents féminins que de « les amener à des postes clés. Pour ce faire, nous nous efforçons de construire des parcours internationaux qui le permettent, explique Blandine Thibault-Biacabe, DRH Recherche &Innovation du groupe L’Oréal. Au comité de direction monde de la recherche, nous avons 41 % des femmes. » D’ailleurs, « nous avons récemment nommé six patronnes de métiers au niveau mondial », ajoute-t-elle. Parmi celles-ci, Anke Hadasch, Global Vice President color and digital, occupe un poste clé au sein du groupe, la digitalisation étant un enjeu majeur pour le champion français des cosmétiques, qui vise à développer des produits toujours plus inspirés par la nature et toujours plus tech. Reste qu’au sein du groupe, dont les activités de recherche concernent notamment des métiers tels que la formulation physico-chimique, la toxicologie, la microbiologie, une tension persiste sur des postes, par exemple dans le domaine de la data science. Pour y remédier, Blandine Thibault-Biacabe planche sur une académie interne, à destination de toutes et tous, pour développer les compétences dans ce domaine en interne.

Autant de leviers auxquels s’ajoute le Prix international L’Oréal-Unesco « Pour les femmes et la science », décerné chaque année à cinq femmes scientifiques émérites – une sur chaque continent – pour leur carrière. Une déclinaison de ce programme, « Prix jeunes talents », récompense chaque année 250 jeunes chercheuses dans 110 pays. « C’est notamment au niveau du doctorat et du post-doctorat que le nombre de femmes chute. Nous devons certes nous efforcer de générer des rôles modèles, mais aussi pour soutenir celles qui sont au début de leur carrière », explique Elisa Simonpietri, directrice du programme « Pour les Femmes et la science » auprès de la Fondation L’Oréal. Ainsi, dans chaque pays, ces jeunes femmes scientifiques reçoivent une dotation financière, de la visibilité et une formation au leadership. Une manière, là aussi, d’accélérer leur carrière et briser le plafond de verre.

Auteur

  • Natasha Laporte