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Diversité : redoubler d’efforts face aux discriminations

Le point sur | publié le : 28.02.2022 | Nathalie Tissot

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Diversité : Redoubler d’efforts Face aux iscriminations

Crédit photo Nathalie Tissot

Si l’égalité entre les hommes et les femmes progresse, les discriminations liées aux origines et au handicap restent très prégnantes dans le monde du travail, en dépit de la législation. À l’occasion de la journée Zéro Discrimination, le 1er mars, Entreprise & Carrières fait le point.

Les opérations de testing rappellent régulièrement l’ampleur des discriminations à l’embauche dans le secteur privé comme public. Parmi les derniers visés : les réseaux d’intérim. Au printemps 2021, 45 % des agences franciliennes appelées par SOS Racisme acceptaient ainsi de discriminer des candidats à la demande de clients du BTP. Cette pratique est pourtant passible de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. « Sur les agences visées, nous avions de nouveaux entrants qui n’avaient pas encore suivi les formations à la non-discrimination », explique Aline Crépin, directrice innovation sociale et affaires publiques au sein de Randstad. Selon elle, la crise sanitaire, qui a durement touché le secteur, a entraîné une diminution du taux de formation des salariés sur ces questions… Dans son plan, présenté avec les autres réseaux d’intérim le 6 janvier à la ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion, le groupe de 4 500 salariés s’est engagé à retravailler l’intégration des nouvelles recrues. Au premier semestre 2022, Randstad devrait également reprendre les « appels mystères », abandonnés en 2018. Ces appels, destinés à évaluer en interne les pratiques discriminatoires, sont aussi effectués par l’un des autres géants du secteur : Adecco – le seul réseau d’intérim à ne pas avoir été épinglé par le testing de SOS Racisme. Il en fait chaque année, en complément d’enquêtes de plus grande ampleur, tous les trois ou quatre ans.

Des sanctions plus fréquentes

Le groupe franco-suisse a d’ailleurs créé un pôle de lutte contre les discriminations dès le début des années 2000 – après une procédure judiciaire de plus de vingt ans pour discrimination à l’embauche et fichage « en raison de l’origine, de la nationalité ou de l’ethnie » de 500 intérimaires, entre 1997 et 2001. Ce pôle dispose aujourd’hui d’un budget annuel de 500 000 euros et est chargé d’accompagner et de suivre chaque situation d’alerte.

« Nous allons au plus près du terrain, écouter les parties prenantes et dire : “Attention, il y a eu un malentendu” – comme c’est très souvent le cas, ou corriger une annonce mal rédigée, détaille Jean-François Connan, directeur de l’impact social et environnemental d’Adecco. Il n’y a rien de pire qu’une situation de discrimination qui n’est pas gérée. »

Entre 500 et 1 000 salariés sur 8 000 reçoivent tous les ans une formation d’une journée en face-à-face, en plus d’un module d’e-learning proposé à l’ensemble des collaborateurs. Et les sanctions sont plus courantes. « Plus on avance, plus on est dur », relève ce responsable. Elles peuvent aller jusqu’au licenciement du salarié et à la rupture des relations avec les entreprises clientes qui persévéreraient dans leurs demandes discriminatoires malgré des mises en garde à différents échelons de la hiérarchie. « Aujourd’hui, les choses sont très claires, elles sont réaffirmées systématiquement au plus haut niveau », assure Jean-François Connan.

Récemment, le groupe Axa a aussi fait preuve de fermeté envers l’un de ses agents d’assurances. « Comment te dire… c’est le nom et la religion qui me gênent un peu », avait-il écrit dans un e-mail envoyé par erreur à une candidate musulmane d’origine étrangère et révélé par l’agence de presse turque Anadolu, le 8 janvier 2022. « Ces propos sont inacceptables et vont vraiment à l’encontre de nos valeurs, de nos actions et de nos engagements de longue date en faveur de la diversité et de l’inclusion », indique Amélie Watelet, la directrice des ressources humaines d’Axa France, qui précise que l’entreprise a mis fin, d’un commun accord, au mandat de représentant de l’agent d’assurances concerné. Le groupe français, qui œuvre sur ces sujets depuis l’élaboration d’une charte pour la diversité en 2004, avait pourtant formé 90 % de ses collaborateurs, diversifié ses sources de recrutement, lancé une enquête interne de ressenti… « Je pense qu’il faut être très humbles sur ces sujets. Bien entendu, nous ne maîtrisons pas 13 500 personnes », reconnaît la DRH, qui se félicite d’être parvenue en 2020 à atteindre 18 % de recrues résidant dans des quartiers prioritaires de la ville.

Le tabou des origines

Pour Étienne Allais, cofondateur de la coopérative Entre-autre, qui accompagne une quarantaine d’entreprises dans leur démarche de lutte contre les discriminations, ce type d’action positive est trop souvent mal « labellisé » par les organisations, qui prétendent ainsi agir contre les discriminations fondées sur l’origine étrangère. « L’antiracisme n’est pas du tout une culture dans les entreprises. C’est quelque chose qu’elles prennent avec des pincettes parce qu’elles ont très peur des réactions et d’importer des débats de société sur lesquels elles auraient le sentiment d’être tout de suite dépassées », développe l’ancien directeur de SOS Racisme et auteur de Préjugés ! (2021). Il observe cependant des changements et prédit des politiques plus assumées sur le sujet dans les prochaines années.

La fonction publique n’est pas plus vertueuse. « Les tests réalisés en France montrent que l’origine et le handicap sont des facteurs extrêmement persistants de discrimination », affirme Yannick L’Horty, professeur d’économie à l’université Paris-Est Marne-la-Vallée. Ses études montrent que la crise sanitaire et l’augmentation du chômage qu’elle a provoquée au début ont eu tendance à les renforcer, même si ces discriminations à l’embauche sont localisées uniquement dans les fonctions publiques territoriale et hospitalière.

Former les managers

Dans ces dernières, « le décideur peut être en situation de recrutement de façon relativement isolée et donc victime de ces stéréotypes et perméable aux discriminations », analyse l’économiste. Depuis 2017, la loi égalité citoyenneté oblige les entreprises de plus de 300 salariés à former les équipes de recrutement à la non-discrimination. Les plus petites structures échappent donc à la réglementation. La sensibilisation auprès des managers apparaît également comme un enjeu fort. « Nous n’arriverons pas à progresser sur le recrutement tant qu’il n’y aura pas un investissement massif en termes de formations et de discours porté auprès des managers », conclut ainsi le formateur Étienne Allais.

Auteur

  • Nathalie Tissot