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Mission ou « purpose »

Chroniques | publié le : 04.04.2022 |

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Mission ou « purpose »

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Charles-Henri Besseyre des Horts Professeur émérite à HEC Paris

Près de trois ans après la loi Pacte qui a inscrit en France la société à mission dans un cadre juridique précis, deux années de crise sanitaire sont passées par là pour renforcer le besoin pour l’entreprise de réfléchir encore plus à sa finalité et aux moyens de la communiquer. Ce qui est vrai au niveau des individus dont on a vu un grand nombre se poser la question de la finalité de leur emploi durant cette pandémie est également vrai au niveau des organisations et des entreprises qui se doivent aujourd’hui d’être beaucoup plus transparentes sur leur orientation stratégique et leur rôle dans la société, notamment par rapport aux enjeux de la transition climatique. Dans ce contexte, il n’est pas étonnant de constater qu’un nombre croissant d’entreprises aient choisi de devenir sociétés à mission : plus de 611, représentant près de 500 000 salariés, à fin mars 20221. L’une des conséquences de l’adoption du statut de société à mission est un renforcement notable de l’engagement des collaborateurs, même si la situation peut être très variable d’une entreprise à une autre, largement en fonction de l’authenticité de la démarche2.

Cette question de la finalité sous la forme du « purpose » est devenue outre-Atlantique un enjeu stratégique dans des entreprises américaines de plus en plus confrontées au phénomène de la grande démission3. Un article récent4 défend l’idée qu’il y a trois types de « purpose » :

1. celui qui sert la compétence de l’entreprise en explicitant la fonction principale du produit offert par l’entreprise ;

2. celui qui sert la culture de l’entreprise en précisant clairement l’intention avec laquelle est menée l’activité de l’entreprise ;

3. celui qui sert une cause globale en affichant ostensiblement le bien commun auquel l’entreprise cherche à contribuer.

Les auteurs soulignent que ces trois types de « purpose » sont susceptibles de renforcer l’engagement des collaborateurs, même si le troisième semble avoir un impact plus fort sur les jeunes générations.

Deux livres récents et à succès5 aux états-Unis démontrent l’importance cruciale du « purpose » pour permettre à l’entreprise de réussir grâce à l’engagement de ses collaborateurs. Dans le premier, Hubert Joly, ancien PDG de Best Buy, y défend avec une belle conviction que c’est le « noble purpose » qui a permis à son entreprise de réussir un retournement spectaculaire, grâce, principalement, à des salariés beaucoup plus engagés et responsabilisés. Dans le second, Ranjay Gulati, professeur à Harvard, souligne que ses recherches montrent que de nombreuses entreprises se contentent d’un simple « purpose » de convenance sans réellement y croire, mais que celles qui s’y engagent sérieusement sous la forme d’un « deep purpose », voient l’engagement de leurs collaborateurs se renforcer considérablement – avec un fort impact sur leur performance, surtout lorsque ceux-ci peuvent aligner leur propre « purpose » avec celui de l’entreprise.

Dans le contexte actuel de grande incertitude, avec une crise sanitaire qui n’a pas dit son dernier mot et une guerre fratricide aux portes de l’Europe, la mission – ou le « purpose » – apparaît comme une boussole qui peut guider l’entreprise, ses dirigeants et les collaborateurs, pour définir et mettre en œuvre une stratégie respectueuse de ses parties prenantes. Dans cette perspective, les DRH sont susceptibles de jouer un rôle clé en facilitant la coconstruction de la mission ou du « purpose » et surtout en étant les gardiens vigilants de la cohérence entre les discours et les actes. Faute de quoi l’entreprise risque de voir ternir sa réputation avec un effet délétère sur sa capacité à attirer et retenir des talents de plus en plus sensibles à l’authenticité de la mission ou du « purpose » affichés.

(3) Besseyre des Horts, CH : « La grande démission : un risque limité mais des actions pour l’éviter », Entreprise & Carrières, n° 1562, du 7 au 12 février 2022, p. 22.

(4) Knowles J. et al : « What is the purpose of your purpose : your why may not be what you think it is », Harvard Business Review, March-April 2022, p. 36-43.

(5) Joly H. (avec Lambert C.) : L’entreprise, une affaire de cœur, Plon, coll. Renaissance, janvier 2022 et Gulati, R : Deep Purpose : The Heart and Soul of High-Performance Companies, Harper Business, février 2022.