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Filière : De la profusion… à la confusion dans les formations RH

Tendances | publié le : 04.04.2022 | Gilmar Sequeira Martins

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Filière : De la profusion… à la confusion dans les formations RH

Crédit photo Gilmar Sequeira Martins

Les formations RH se multiplient, comme l’atteste le salon Studyrama qui débute et en présente pas moins de 200 ! Cette diversification, qui vise notamment à coller aux nouveaux besoins des entreprises, implique toutefois une spécialisation présentant des risques.

RSE et développement durable, égalité et inclusion, utilisation de l’intelligence artificielle (IA) et éthique… Autant de nouvelles problématiques qui se sont invitées dans les entreprises ces dernières années. Et ont donc fait évoluer les besoins – et les formations des professionnels des ressources humaines. « Il y a trente ans, très peu de formations étaient dévolues exclusivement aux RH. La formation se faisait dans l’entreprise elle-même. Les services RH intégraient notamment des juristes, des psychologues ou d’anciens inspecteurs du travail », relève d’ailleurs Jean-Christophe Sciberras, ancien DRH de Solvay et fondateur de NewBridges.

De plus en plus centrées sur les attentes des entreprises, les formations intègrent donc de nouveaux enseignements. « Il y a vingt ans, le développement durable était l’affaire de grands sommets politiques et la RSE avait une dimension plus sociale, centrée sur la relation avec les collaborateurs, les syndicats et le bassin économique, rappelle Samuel Mercier, directeur de l’IAE de Dijon. Les deux ont fusionné et figurent dans les formations RH depuis une dizaine d’années comme un élément majeur de la panoplie du RH. » Une thématique qui pourrait prendre encore plus d’importance à l’avenir, estime-t-il : « Elle permet d’explorer les guides liés à l’environnement (ISO 26000) ou la certification B Corp, et d’aller vers les questions liées à l’égalité femme-homme, le handicap, le combat contre les stéréotypes, voire la QVT et la prévention des RPS, qui sont aussi une attente forte des jeunes générations. »

Pour Samuel Mercier, la data prend même la forme d’une révolution à plusieurs dimensions. « Nous préparons nos étudiants de façon pragmatique, car ce n’est pas leur point fort initialement mais ils sont en mesure d’effectuer des requêtes et d’utiliser des fichiers Excel dans le cadre des services RH. Au-delà, nous les formons aussi à la digitalisation des process. La question de l’IA pousse à introduire une réflexion éthique sur les algorithmes qui ne sont pas dépourvus de biais et peuvent parfois échapper au contrôle humain », dit-il.

L’externalisation de nombreuses fonctions auparavant gérées par les SIRH soulève un nouveau besoin, ajoute Lionel Prud’homme, directeur de l’école IGS-RH. « L’un des enjeux des programmes de formation est de permettre aux étudiants de concevoir des cahiers des charges et de mener des benchmarks. Un module d’achat ne fait pas des étudiants des acheteurs professionnels mais leur permet de savoir calculer un ROI et le seuil de profitabilité liée à cette dépense. »

Alors qu’elles doivent préserver un noyau de compétences central, les formations RH s’engagent toujours plus dans la voie de la spécialisation. Concilier ces deux tendances sera sans doute le défi majeur des prochaines années.

Et si le paysage a radicalement changé, l’objectif des formations a également évolué, souligne Aline Scouarnec, professeure à l’IAE de Caen et présidente d’honneur de l’Association francophone de gestion des ressources humaines (AGRH) : « Depuis les réformes engagées par Muriel Pénicaud, l’enseignement supérieur n’a plus vocation à former les étudiants mais à accompagner le développement de leur employabilité. » Autant d’éléments qui ont modifié l’orientation globale des masters RH. « Il s’agit d’intégrer dans le parcours des étudiants la transformation du monde, de la société et des business, et de l’articuler au mieux avec les transformations des RH. Il faut penser les deux en parallèle, d’où l’intégration d’un bloc de réflexion stratégique pour que les diplômés soient en mesure d’effectuer une veille prospective et de piloter un schéma de transformation business et RH », ajoute-t-elle.

Attention aux fondamentaux

Si l’adaptation des formations aux besoins des entreprises peut sembler logique, encore faut-il ne pas perdre de vue les fondamentaux, alerte Lionel Prud’homme, qui déplore « une réduction, voire une disparition », du temps consacré à la partie paie et administration du personnel : « C’est comme si beaucoup de concepteurs de masters RH s’étaient dit que cela ne relevait plus de ce niveau de formation. C’est un argument en partie recevable, à condition que ces éléments aient été abordés durant le parcours précédant le master or cela est de plus en plus rare. » À ses yeux, la paie et la gestion administrative restent des « éléments structurants » qui permettent une réelle application du travail. « Pour remplir un bulletin de paie, il faut connaître les conventions collectives nationales, leur titre, les minima sociaux, mais aussi être en relation avec l’administration du travail, les Urssaf, l’administration fiscale, souligne-t-il. La paie demeure un enjeu de légitimité forte de la fonction RH. »

Ce besoin sera-t-il satisfait par des formations plus courtes et plus spécialisées ? C’est l’espoir que nourrit Jean-Christophe Sciberras : « Depuis les années 90 sont apparues des formations RH plus spécialisées, des bac + 2 et bac + 3, en contrôle de gestion sociale, par exemple. C’est important, car cela apporte aux responsables de services RH des données et des analyses qui sont indispensables. »

Conserver un dialogue social « démocratique »

Le dialogue social peut-il mourir ? La question de sa pérennité se pose en tout cas avec une intensité telle que Muriel de Fabrègues, codirectrice du Ciffop, a lancé un diplôme d’université sur le dialogue social et la nouvelle négociation collective. Il s’adresse à des responsables de ressources humaines mais aussi des élus de CSE, voire des avocats ou des consultants. « J’ai senti que les DRH étaient à la recherche de futurs élus et de délégués syndicaux capables de remplir cette fonction au sein des entreprises, explique-t-elle. Les DRH ont besoin de susciter des vocations pour que les salariés soient représentés afin de conserver un caractère démocratique au dialogue social. » La codirectrice du Ciffop note que les DRH s’interrogent sur l’attractivité des mandats et la façon d’aider les syndicats ou les élus à le remplir. Elle constate aussi que la situation mérite une attention soutenue : « De moins en moins de personnes souhaitent devenir délégués syndicaux ou élus du CSE », regrette-t-elle.

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins