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Jean Pralong ; Michel Barabel : L’expertise du Lab RH

Chroniques | publié le : 16.05.2022 | Jean Pralong, Michel Barabel

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Jean Pralong ; Michel Barabel : L’expertise du Lab RH

Crédit photo Jean Pralong, Michel Barabel

Le comportement ne contient pas sa cause

L’histoire des sciences de la société a pris un tournant historique quand les chercheurs ont placé le comportement au centre de leurs travaux. Les comportements sont les meilleurs amis des chercheurs : ils sont observables, factuels et quantifiables. Bref, ils semblent créer un lien entre les sciences sociales et les sciences de la nature. Agir, cliquer sur un bouton plutôt qu’un autre ou acheter un objet plutôt qu’un autre ne sont-ils pas des faits observables, aussi incontestables que l’observation de la chute d’une bille sous l’effet de l’attraction terrestre ? Il suffirait d’interroger les individus pour recueillir les motivations de leurs actes. Hélas, le comportement est un faux ami. Car, tant pour les observateurs que pour les individus eux-mêmes, le comportement ne contient pas sa cause.

Le départ d’un salarié décrit-il le rejet de son poste actuel ou l’attirance pour un nouveau ? Ce rejet ou cette attirance sont-ils liés aux missions, aux lieux, à la rémunération ou à d’autres paramètres ? Sont-ils stratégiques, c’est-à-dire planifiés et mûris, ou opportunistes, c’est-à-dire inattendus ?

Plus encore : les individus sont-ils aussi clairvoyants des causes de leurs comportements que nous ne le supposons ? L’œuvre de Freud a popularisé cette idée essentielle : nous sommes étrangers à nos propres comportements. Plus récemment, Karl E. Weick, professeur de psychologie et de science des organisations, nous a montré combien le sens de nos actes ne pouvait nous parvenir qu’après l’action. Mais le mystère de nos décisions n’est pas que le fait d’un inconscient farceur ou de mécanismes cognitifs complexes. Des mécanismes sociaux très puissants orientent nos conduites. Les polytechniciens expliquaient leurs choix d’études à Pierre Bourdieu par leur passion pour les mathématiques. Le sociologue ne manquait pas d’ironiser : les enfants d’ouvriers ou d’agriculteurs, rarissimes à Polytechnique, n’aimeraient donc que les lettres ?

Nous sommes donc faiblement clairvoyants des causes de nos comportements et de celles des autres. Mais cette réalité en cache une autre : nous sommes certains du contraire. La psychologie nous passionne. La motivation et la personnalité, entre autres notions que la psychologie scientifique a remises en cause, font partie des discussions à la machine à café et animent les débriefings de recrutement. La découverte de l’autre est une investigation lente et modeste. Elle tâtonne. Elle demande d’accepter de ne pas savoir ou de laisser dans l’inconnu ce qui pourrait sembler évident.

Auteur

  • Jean Pralong, Michel Barabel