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RSE : La société à mission, un supplément d’âme pour la gestion RH

Le point sur | publié le : 23.05.2022 | Olivier Hielle

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RSE : La société à mission, un supplément d’âme pour la gestion RH

Crédit photo Olivier Hielle

Créée en 2019 par la loi Pacte, la société à mission séduit de plus en plus d’entreprises, de tailles et de domaines variés. L’adoption de cette qualité est en effet un atout pour attirer et fidéliser les talents, de même que pour favoriser le dialogue social – à condition, bien entendu, qu’elle soit sincère…

Neuf Français sur dix pensent qu’il faut développer les sociétés à mission, selon les résultats, publiés le 18 mai, d’une étude BVA commandée par l’Observatoire des sociétés à mission… Venue initialement des États-Unis (lire encadré) et créée en 2019 par la loi Pacte, cette qualité est en tout cas de plus en plus prisée par les entreprises, grandes ou petites.

« Au premier trimestre 2022, ce sont 619 entreprises, de tailles et de domaines variés, qui ont inclus ce changement dans leurs statuts », indique Anne Mollet, directrice générale de l’Observatoire des sociétés à mission. Un bon chiffre, compte tenu de la durée nécessaire à une organisation pour effectuer tout le travail préalable : « Entre six mois et un an et demi », poursuit-elle. D’ailleurs, les entreprises à mission n’étaient que 88 fin 2020 et à peine plus de 200 au début juillet 2021. Preuve que les organisations trouvent des avantages à cette adoption, sous forme, notamment, d’atouts en matière de gestion RH.

Un outil de recrutement

Les services des ressources humaines y voient, en effet, des arguments pour attirer les talents. Dans les entretiens de recrutement, il n’est pas rare que des candidats de la jeune génération soient plus intéressés par les actions de l’entreprise sur le plan environnemental et social que sur les avantages qui leur sont proposés… La qualité de société à mission prend alors toute son importance. Mais ce n’est pas tout. « Dans les retours d’expérience d’entreprises à mission que nous pouvons avoir, le premier impact positif concerne l’attractivité, mais aussi l’engagement. Car cette qualité marche également pour les collaborateurs qui sont en place », ajoute Anne Mollet.

Mais attention, cet outil ne peut fonctionner que si l’engagement est sincère : « Et pour cela, il faut bien préparer la mission en incluant les collaborateurs, au moins dans la définition des objectifs opérationnels et des indicateurs, poursuit Anne Mollet. Il faut de la coconstruction ou de la concertation ». Une démarche qui s’avère donc propice au dialogue social… « Quand on réfléchit à la mission, on travaille vraiment sur un projet d’entreprise. Cela permet de partager avec les collaborateurs là où, bien souvent, ce sont les instances de gouvernance qui leur présentaient auparavant le cap. La société à mission est beaucoup plus horizontale », ajoute-t-elle.

Risque de purpose washing

Et une fois la mission définie, encore faut-il, pour les entreprises qui se lancent, qu’elles soient pleinement engagées dans la transformation au quotidien… D’ailleurs, Bris Rocher, président-directeur général du groupe de cosmétiques Rocher, le souligne dans son rapport sur « la place des entreprises dans la société, premier bilan deux ans après la loi Pacte », rendu en octobre dernier.

L’enjeu à venir est donc certainement celui de la crédibilité. Ce que confirme Alissa Mickels Pelatan, avocate aux barreaux de Paris, de Californie et de Washington DC et présidente d’Impact Lawyers, qui a un regard extérieur sur la loi française : « La société à mission est un pas dans la bonne direction, explique-t-elle. Mais il faudra sans doute revoir le modèle d’ici un à deux ans. Les risques de purpose washing1 sont réels », avance-t-elle.

La loi française devra ainsi, selon elle, être révisée, notamment en ce qui concerne le suivi des sociétés à mission. « L’audit extérieur, qui intervient tous les deux ans, est surtout focalisé sur le rapport du comité à mission, souvent composé d’amis du fondateur et du dirigeant, précise Alissa Mickels Pelatan. Ces derniers ne vont pas vérifier s’ils ont choisi les bons objectifs, mais simplement s’assurer qu’ils les ont poursuivis… »

Autre limite, la frontière, floue, avec la RSE : « Les rapports d’audit que je vois ressemblent de plus en plus à ceux qui concernent la RSE, poursuit l’avocate. Or la mission doit être une évolution profonde, qui fait réfléchir dirigeants et salariés sur les actions à mener pour changer de paradigme. »

Enfin, dernier défi, et de taille, celui, à venir, de la mesure de l’impact réel des sociétés à mission…

Des origines différentes du modèle français

Les premières formes de « sociétés à mission » sont nées aux États-Unis en 2010, des chercheurs et des professeurs ayant élaboré un modèle juridique alternatif. « Ils voulaient réunir objet d’utilité sociale et financement de l’activité d’intérêt général », indique Alissa Mickels Pelatan, avocate aux barreaux de Paris, de Californie et de Washington DC et présidente d’Impact Lawyers. Deux structures juridiques sont apparues à travers les États-Unis : les Benefit Corporations (B Corp), d’un côté, et les Social Purpose Corporations (SPC) de l’autre, notamment en Californie. Les États ont finalement eu une préférence pour les B Corp, avec 6 000 structures l’étant devenues. « La grande différence entre les deux, c’est que la SPC n’impose pas de démarche holistique, explique l’avocate. On peut choisir une ou plusieurs activités, mais il n’y a pas de réflexion sur l’impact de l’activité principale. » C’est ce modèle-là, moins contraignant, qui a inspiré la loi sur les sociétés à mission en France… « Au contraire, poursuit Alissa Mickels Pelatan, les sociétés dites Benefit Corporations doivent indiquer dans leurs statuts qu’elles s’engagent à avoir un impact positif sur l’ensemble de leurs activités et de leurs parties prenantes. En conséquence, naturellement, elles ont également un impact positif sur l’environnement. » Une contrainte juridique qui a inspiré un label international : le B Corp, que certaines entreprises françaises ont obtenu, d’ailleurs. En Europe, le législateur italien s’inspire du modèle américain de la Benefit Corporation et fonde, en décembre 2015, le statut de Società Benefit, qui entre en vigueur le 1er janvier 2016. L’Italie devient ainsi le premier État européen à le créer. Elle sera rejointe par l’Allemagne, le Royaume-Uni, le Danemark… Aujourd’hui, l’idée d’une harmonisation européenne fait son chemin.

(1) Expression venant du mot anglo-saxon greenwashing, désignant l’affichage insincère, ineffectif et non transparent d’une raison d’être.

Auteur

  • Olivier Hielle