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Expérience collaborateur : La nouvelle mode du métaverse s’installe

Tendances | publié le : 13.06.2022 | Natasha Laporte

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Expérience collaborateur : La nouvelle mode du métaverse s’installe

Crédit photo Natasha Laporte

Si le concept d’une doublure virtuelle n’est pas nouveau, il suscite l’engouement depuis quelque temps. Les géants de l’informatique sont impatients de déployer leurs applications, tandis que des entreprises pionnières lancent leurs premières expériences pour en explorer les usages potentiels – en particulier en matière de RH, de formation et d’onboarding.

Un environnement virtuel immersif en 3D où l’on peut, à travers un avatar et grâce à des outils technologiques tels que les casques de réalité virtuelle, se rencontrer, travailler, faire des réunions ou du shopping, assister à des concerts ou jouer… Bienvenue dans le métaverse, nouveau terme à la mode, né de la contraction des mots « méta » et « univers ». En fait, il a fait son apparition en 1991 dans un roman de science-fiction, le Samouraï virtuel (« Snow Crash ») de l’écrivain Neil Stephenson, où les personnages portent des lunettes de réalité virtuelle et vivent dans un univers parallèle. Et certains se souviennent encore du jeu en ligne Second Life, au début des années 2000, où l’on pouvait se déplacer, rencontrer d’autres avatars et même disposer de sa propre monnaie. Le métaverse connaît aujourd’hui un renouveau – ne serait-ce qu’à la faveur du changement de nom de Facebook – et met les géants mondiaux de la tech en effervescence. Ainsi, à l’heure du télétravail généralisé, Microsoft a annoncé pour cette année le lancement de sa plateforme immersive en 3D, « Mesh for Teams », où les participants pourront participer à une réunion virtuelle sous forme d’avatar animé par l’intelligence artificielle, tandis que Meta (anciennement Facebook) oriente toute sa stratégie vers les nouveaux horizons ouverts par le métaverse.

Accueillir les nouvelles recrues

D’autres, comme Accenture, misent aussi fortement sur cette technologie, au point d’avoir placé le sujet au cœur de son dernier rapport, « Vision technologique », et d’avoir dévolu un département spécial, Metaverse Continuum Business Group, à l’accompagnement des entreprises dans cette révolution. « Les tendances technologiques commencent à converger vers le Web 3 (version décentralisée de l’Internet, liée au métaverse), explique Emmanuel Viale, directeur exécutif, responsable Europe chez Accenture Labs, à Sophia Antipolis, avec aujourd’hui une arrivée à plus de maturité d’un point de vue technologique des casques de réalité virtuelle, des coûts en baisse et une facilité accrue de mise en place. » Le spécialiste mondial du conseil a donc doté ses équipes, à travers le monde, de 60 000 casques de réalité virtuelle l’an dernier et lancé One Accenture Park, pour effectuer, entre autres, l’onboarding des nouvelles recrues.

Autre action d’Accenture via le métaverse, le lancement de programmes de développement de leaders, pour des collaborateurs du groupe basés dans différentes parties du monde. « Je suis coach d’une équipe européenne et nous avons d’ores et déjà organisé plusieurs séances de découverte des différentes facettes et métiers d’Accenture », indique ainsi Emmanuel Viale. L’équipe s’est notamment retrouvée virtuellement dans l’un des centres d’industrie 4.0 du groupe, à Bangalore. « Nous avons par exemple visité une usine virtualisée où des solutions Accenture sur la robotique ont été présentées », précise-t-il.

Dénicher les talents

En France, certaines entreprises pionnières regardent elles aussi de près l’arrivée du métaverse. C’est ainsi le cas d’Axa France. « Nous avons une démarche très humble sur ce sujet, indique Gwenaël Fourré, chief digital officer, mais il nous fallait investir cet espace. Nous souhaitons en découvrir des usages afin de pouvoir prendre le virage au bon moment. » D’autant que l’assureur a « un vrai enjeu de recrutement dans le digital et la tech, en raison de la pénurie des talents, ajoute-t-il. Or le métaverse est un lieu où ces compétences se retrouvent naturellement, chez des gamers, par exemple. C’est un moyen d’être présents là où ils sont afin d’engager ensuite des discussions pour les recruter ». En outre, en fin d’année, Axa France organisera, à la fois dans le métaverse et dans le monde réel, un jeu concours pour les développeurs, ouvert à tous – « un événement qui nous permettra de tisser un lien avec eux », indique-t-il, en vue, là encore, d’effectuer in fine des recrutements. Quelques centaines d’embauches sont d’ailleurs prévues cette année pour étoffer la communauté tech de l’entreprise, forte à ce jour de 2 000 collaborateurs.

Explorer les usages

L’assureur a d’ailleurs fait l’acquisition, en février dernier, d’une parcelle dans le métaverse, The Sandbox, pour animer sa communauté tech. Parmi les possibilités envisagées, des formations interactives permettant des simulations, par exemple sur les enjeux climatiques. Mais aussi « avoir tout simplement un cadre où l’on se retrouve et se découvre entre collaborateurs. Ce qui était compliqué pendant la pandémie, poursuit Gwenaël Fourré. Avec le métaverse, nous allons pouvoir regagner cette proximité. Mais ce sera une démarche différente. » Pour commencer, les 7 et 8 juin, la direction transformation et technologie a organisé deux journées découverte du métaverse pour l’ensemble des collaborateurs de la communauté tech : ateliers, conférences, jeux et même des barbecues virtuels étaient au programme.

Plus largement, « nous avons créé un groupe de réflexion d’une trentaine de personnes des principaux métiers d’Axa France – actuaires, service client, RH, etc. – qui se réunit toutes les semaines pour travailler ensemble sur les usages que l’on pourrait développer dans le cadre du métaverse », ajoute-t-il. Certains usages potentiels ont d’ailleurs commencé à être expérimentés, à titre anecdotique pour le moment, à l’instar de deux agents Axa qui ont ouvert des agences virtuelles. Enfin, l’assureur compte également investir dans des pépites liées au métaverse : Axa IM vient de lancer un fonds dédié, dont l’un des axes sera le travail.

Les idées d’application potentielles font par ailleurs des incursions dans divers secteurs. Ainsi, dans la restauration, une réflexion émerge sur des formations pour les futurs chefs et cuisiniers. « Cela peut être un complément, sans remplacer une formation en présentiel, en permettant de simuler une situation qui serait difficile à restituer en réalité, pour éveiller les bons réflexes et anticiper les situations d’urgence », note Pierre Jacob, « principal » chez Magellan Partners, un cabinet de conseil en organisation et systèmes d’information.

Diverses marques également s’intéressent au monde virtuel immersif pour, par exemple, proposer une nouvelle expérience client, comme dans la mode et l’e-commerce, en cabine virtuelle. Sans oublier que c’est toute une économie autour du métaverse qui émerge, via les jetons non fongibles (NFT, non-fungible tokens), autrement dit des certificats de droits à la propriété numérique, que ce soit pour acquérir des vêtements, des œuvres d’art virtuelles ou des spiritueux.

Autant dire que les conditions sont réunies pour un essor du métaverse. « On assiste aujourd’hui à une acceptation par la société et les nouvelles générations qu’un certain nombre d’événements se déroulent dans le virtuel, de même qu’à une acceptation de payer pour y participer – ce qui n’était pas le cas à l’époque de Second Life », analyse Pierre Jacob. Associées à cela : la maturité des technologies et la présence d’acteurs qui « ont la capacité de fédérer des marchés, comme celui du matériel hardware, des réseaux sociaux, des mécanismes de monétisation du paiement, de l’univers de gaming et du divertissement », précise cet expert. Reste que, si l’idée du métaverse séduit, son avènement n’est pas sans défis.

Enjeux

D’abord, il est énergivore. Ensuite, il risque de mettre les entreprises face à un choix délicat d’une seule ou de plusieurs plateformes, selon les cas d’usage, et de leur interopérabilité. Enfin, il y a la question du bon moment pour investir dans la formation et « ne pas mettre des efforts trop tôt sur des technologies encore en développement, afin d’éviter de décevoir les collaborateurs », relève Pierre Jacob. Et avec l’arrivée du métaverse, viendront aussi de nouveaux enjeux liés à la protection des données, la garantie de l’identité, la gouvernance…

Enfin, ultime enjeu : le métaverse ne risque-t-il pas de rebattre encore une fois les cartes pour ce qui est du rapport au travail ? Pierre Jacob voit plutôt cette technologie comme « une déclinaison numérique, une facilitation et une traduction d’aspirations et des usages qui sont déjà présents, comme le nomadisme digital ». Autant dire que la révolution du métaverse ne pourrait être en fait qu’une continuité…

Le « chief metaverse officer » arrive

Après les « chief happiness officers », les « chief metaverse officers ». Ce nouvel intitulé commence en effet à faire son apparition dans certaines sociétés, du groupe télécom espagnol Telefónica au géant du divertissement Disney. En France, c’est Decathlon qui, fin 2021, s’est doté d’un « chief metaverse officer ». Valentin Auvinet, anciennement directeur technique au sein de l’entité japonaise de l’enseigne, a ainsi pour mission d’explorer les expériences dans ces espaces virtuels parallèles et développer les NFT, ces certificats de propriété numérique qui authentifient un bien sur Internet. Reste à savoir si ce nouveau titre s’installera dans le paysage des nouvelles fonctions…

Auteur

  • Natasha Laporte