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Quand le pouvoir masculin résiste en entreprise

Les clés | À lire | publié le : 04.07.2022 | Lydie Colders

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Quand le pouvoir masculin résiste en entreprise

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Dans « La fabrique des masculinités au travail », la sociologue Haude Rivoal examine les nombreuses facettes de la domination des hommes sur les femmes dans un groupe de logistique. Édifiant.

Certes, les lois en faveur de l’égalité hommes-femmes et les quotas sont des avancées. De grands patrons s’engagent publiquement contre les discriminations de genre. Pourtant, les inégalités résistent et la plupart des entreprises restent dirigées par des hommes. Comment expliquer ce paradoxe ? Dans ce livre de recherche féministe, la sociologue Haude Rivoal défend la thèse d’une « domination masculine » façonnée par le travail, et qui se réinvente… Au travers de son étude chez Transfrilog, un groupe de logistique, la chercheuse analyse les facettes de cette ascendance (plus ou moins consciente) des hommes sur les femmes, montrant son lien étroit avec l’emploi et « les attendus professionnels ». Via des témoignages d’employés des entrepôts et de cadres du siège social, elle en décrypte les ressorts multiples : « goût de l’effort » dans les métiers des préparateurs de commande, les rares femmes cherchant l’adhésion de leurs collègues en effectuant un maximum de colis, « comme un mec ». Ou un certain machisme des chauffeurs de camion évoluant avec le travail (le métier devient moins dur, mais il faut savoir « charger, calculer »). Une technicité pensée « comme des qualités appartenant au masculin ».

Codes changeants de la hiérarchie

Du côté des cadres, le livre frappe parfois par certains propos douteux (« On a plus le choix ! », s’amuse le responsable de la diversité de Transfrilog, quand le DRH lui annonce la nomination de deux femmes cheffes d’entrepôts en réunion sur l’égalité professionnelle). Humour et décontraction, capacité oratoire, à trancher net le débat, ce mélange relève « d’une mise en scène » du pouvoir masculin, note la sociologue. Ces comportements changent-ils avec les jeunes générations de managers « plus inclusifs » ? Rien n’est moins sûr. Certes, ils ne tolèrent pas les remarques sexistes, montre Haude Rivoal. Mais « une meilleure considération de la qualification des femmes ne signifie pas que les hommes leur accordent une place égale ». De fait, dans l’entreprise, la majorité des femmes occupent des postes intermédiaires, administratifs ou RH. Culte de la performance, réseaux masculins (club de foot interne), endurance, la chercheuse dresse un portrait radical d’une domination se renouvelant envers les femmes. L’enquête date un peu (elle s’achève en 2015) mais reste pertinente. De quoi réfléchir au sexisme larvé freinant l’égalité professionnelle dans des groupes très masculins. D’ailleurs, malgré la robotisation, le secteur de la logistique emploie à peine 20 % de femmes…

Auteur

  • Lydie Colders