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Pour en finir avec le jeunisme en entreprise : Oui, le talent existe aussi à 55 ans et au-delà !

Chroniques | publié le : 29.08.2022 |

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Pour en finir avec le jeunisme en entreprise : Oui, le talent existe aussi à 55 ans et au-delà !

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Charles-Henri Besseyre des Horts professeur émérite à HEC Paris

Dans un numéro de rentrée 2022 consacré aux jeunes, il peut sembler un peu iconoclaste de s’intéresser à la catégorie d’âge à l’opposé du continuum des générations représentées dans l’entreprise, mais comme le soutient Gilles Gateau, directeur général de l’Apec et également chroniqueur régulier dans Entreprise & Carrières, dans un entretien récent, « à 55 ans, vous avez encore un quart de votre vie active devant vous. »1 Déjà, en mars 2021, Gilles Gateau avait alerté dans l’une de ses chroniques publiées dans ce magazine2 sur la nécessité de ne pas oublier les seniors dans le cadre de la reprise économique qui était assez fortement engagée. Il n’est pas question ici d’opposer les générations et ceci d’autant plus que nous avons défendu avec Marie Manin D’Haegeleer dans ces mêmes colonnes, en mai 2022, l’avantage concurrentiel que représente pour les entreprises le management intergénérationnel3.

Si l’attraction et la rétention de jeunes talents constituent en effet un enjeu stratégique clé pour les entreprises à l’heure d’une grande démission dont on voit poindre certains signes préoccupants, avec 470 000 démissions en France au premier trimestre 2022 (+ 20 % par rapport à 2019)4, il n’en reste pas moins que les quinquagénaires et les sexagénaires sont une réserve de talents que les autres pays européens n’hésitent pas à mobiliser pour faire face à la pénurie de compétences, si l’en juge par les 71 % de taux d’emploi en 2020 des 55-64 ans en Allemagne et au Danemark, la Suède arrivant en tête avec 77 %5 ! Alors, pourquoi ce manque relatif d’intérêt des employeurs français pour les talents seniors ? Selon une étude récente de l’Apec « l’âge renvoie notamment à un certain nombre de représentations négatives chez les recruteurs qui présupposent souvent que les cadres seniors auront des prétentions salariales plus élevées, une moindre adaptabilité et un horizon temporel limité par la proximité de la retraite. À cela s’ajoute, pour ceux ayant accédé au statut de cadre en interne, la concurrence de jeunes cadres plus diplômés6. »

Ces freins au maintien ou à l’embauche des personnes de plus de 55 ans sont bien réels, mais ils ne justifient aucunement de céder au jeunisme ambiant, tant les seniors ont beaucoup à apporter à l’entreprise – comme le montre une autre étude de l’Apec7, qui souligne que pour les cadres seniors, les qualités professionnelles et le niveau d’expertise sont perçus parmi les contributions les plus importantes. Par ailleurs, c’est aussi la capacité des seniors à transmettre des compétences et à prendre du recul qui est majoritairement reconnue par les entreprises, qui valorisent ainsi leurs compétences de savoir-être, à l’heure où les soft skills sont devenues déterminantes, dans des contextes de travail de plus en plus hybrides. Quant aux critiques souvent formulées sur les difficultés des seniors à accepter le changement et à maîtriser les nouvelles technologies, ces dernières peuvent l’être facilement si l’entreprise accepte de continuer à investir dans leur développement.

Pour conclure, les entreprises, et les DRH en particulier, auraient tout intérêt à développer et à multiplier les actions visant à valoriser leurs seniors ou à en attirer de nouveaux au sein de leurs organisations. Par exemple, comme le suggère l’Apec8, avec du tutorat favorisant la transmission intergénérationnelle des savoirs, une adaptation du temps de travail, en proposant des temps partiels pour les seniors, la formation continue, etc… Autant d’initiatives qui permettraient aux entreprises de capitaliser sur l’expérience et le savoir des cadres seniors, internes ou recrutés de l’extérieur, tout en offrant à ces derniers une poursuite et une fin de carrière valorisante, enrichissante et en adéquation avec leurs aspirations. La question clé qui reste cependant posée est celle de la rémunération, pour laquelle on pourrait imaginer des packages de rémunération plus flexibles mais toujours équitables, rendant le coût plus élevé du talent senior plus supportable pour les entreprises.

(1) Interview de Gilles Gateau par Corinne Lhaïk, L’Opinion, 9 Août 2022.

(2) Gateau, G. : « N’oublions pas les seniors », Entreprise & Carrières, n° 1521, du 29 mars au 4 avril 2021, p. 21

(3) Manin D’Haegeleer, M. & Besseyre des Horts, CH : « La mixité générationnelle en entreprise, un levier de performance qui fait sens et donne du sens aux collaborateurs », Entreprise &Carrières, n° 1577, du 23 au 29 mai 2022, p. 22

(5) Source : INSEE : « Emploi, chômage, revenus du travail », éditions 2021

(6) Apec : « Les cadres seniors de plus de 55 ans demandeurs d’emploi, pratiques et difficultés de recherche d’emploi », janvier 2022, p. 10

(7) Apec : « Les cadres seniors : des profils à forte valeur ajoutée, notamment en période de crise », juin 2021.

(8) Apec : « Les cadres seniors : des profils à forte valeur ajoutée… », p. 21