Avant l’été, à Tours, le directeur des ressources humaines du ministère français des Armées a organisé une première rencontre avec ses homologues européens. Son but : faire émerger une communauté RH à l’échelle du continent et apporter sa pierre à l’édifice de l’Europe de la défense. Quelque 15 nations ont participé à cette rencontre et d’autres rendez-vous devraient être organisés. Une initiative qui prend tout son sens actuellement…

À l’occasion de la présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE), la direction des ressources humaines du ministère des Armées (DRH-MD) a organisé les « premières rencontres des DRH des ministères chargés de la défense des États membres » les 23 et 24 juin derniers, à Tours. Quelque 15 nations et 130 participants ont répondu présents à l’appel de Thibaut de Vanssay de Blavous, le directeur des ressources humaines du ministère des Armées françaises. D’autres pays comme la Bulgarie n’ont pas pu participer physiquement, mais ont souhaité suivre l’événement en distanciel, de même que la Suède, laquelle prendra la présidence du conseil de l’Union européenne début 2023. Elle a d’ailleurs salué cette initiative.

Ces rencontres étaient en effet une première. Avec un objectif : « Renforcer les liens entre les acteurs de la fonction RH, partager les bonnes pratiques et expériences et contribuer ainsi au renforcement de l’Europe de la défense par les femmes et les hommes », selon l’invitation, transmise à la presse en amont de l’événement. « Les ressources humaines constituent la première richesse des armées européennes. Sans femmes, sans hommes, nos armées ne seraient pas capables de répondre à leurs missions. Les armées européennes, dans la diversité de leur histoire, de leur modèle, de leurs moyens et de leurs missions, doivent faire face à des enjeux RH de même nature afin de préserver leur finalité opérationnelle et leur capacité d’engagement. Ces défis communs portent notamment sur l’attractivité des métiers des armes, la fidélisation et la conciliation vie personnelle-vie professionnelle », détaille Thibaut de Vanssay de Blavous pour expliquer l’initiative. Et ce, malgré les différences d’organisation. De fait, certains Etats membres ont par exemple maintenu la conscription.

Première rencontre et premier bilan – positif. « Les délégations ont souligné la richesse et la qualité des interventions lors de la séance plénière et des conférences. Après un temps plus formel, ces journées ont facilité les échanges et les rencontres, ainsi que les réflexions et les discussions entre les directeurs, sur leurs attentes et leurs ambitions pour cette communauté RH, assure-t-il. La volonté exprimée par plusieurs pays d’organiser la prochaine édition est révélatrice du succès de ces journées et prometteuse pour l’avenir de la communauté RH européenne en tant que projet. »

Les acteurs RH des différents pays présents ont pu échanger sur différentes thématiques, telles que les conséquences RH de la haute intensité, le temps de travail des militaires ou les métiers du numérique et du cyber. « La séance relative à la place des femmes dans les armées a suscité beaucoup d’intérêt, notamment chez nos amis étrangers », relève également le DRH-MD. L’Autriche, l’Allemagne, l’Italie, le Danemark et l’Espagne ont en effet partagé leurs expériences et bonnes pratiques, au profit des participants. « La contribution de la cheffe de la cellule mixité du ministère de la Défense espagnol était très intéressante », cite-t-il à titre d’exemple. En Espagne, la cellule mixité est en effet partagée entre une fonction de conseil auprès de tous les acteurs du ministère et une fonction plus politique/juridique, qui transpose les réformes et lois relatives à la mixité, la parité ou au statut des femmes dans le domaine militaire. « C’est un témoignage qui s’est avéré très enrichissant pour nous », affirme le DRH, alors que la féminisation de l’armée française est un défi à relever afin d’alléger les problèmes de recrutement. Parmi les exemples de bonnes pratiques partagés à Tours, on peut retenir des avancées concrètes dans certains pays sur cette question de la féminisation, comme l’Espagne ou le Danemark, qui proposent des uniformes adaptés pour les femmes enceintes. Le thème de la jeunesse a aussi été longuement abordé. « Nous avons évoqué les mesures d’attractivité et de fidélisation que nous avons mises en place en France et qui intéressent d’autres pays. Nombre de questionnements nationaux représentent des défis communs à l’Europe », rappelle Thibaut de Vanssay de Blavous, qui retient l’intervention du représentant du personnel et de la stratégie du ministère fédéral allemand de la Défense, expliquant l’enjeu, pour la Bundeswehr, d’être perçue comme un employeur attrayant et moderne, et l’importance de maintenir un haut degré de satisfaction professionnelle pour le personnel. « C’est un enjeu auquel le ministère des Armées français est également confronté, notamment avec l’arrivée d’une nouvelle génération de militaires et civils plus exigeants sur les conditions de travail et la qualité de vie dans le milieu professionnel, ainsi que la conciliation vie professionnelle – vie personnelle », souligne-t-il.

Pour le DRH français, ces premières rencontres sont de nature à « favoriser l’émergence d’une pensée stratégique dans le domaine RH et l’échange d’informations et de bonnes pratiques entre les acteurs en responsabilité à travers un réseau structuré. » Le projet était en préparation depuis un an, soit avant la guerre en Ukraine, mais le DRH précise que si « l’Europe de la défense s’incarne déjà dans des opérations menées conjointement entre alliés ou dans des programmes d’armement, nous, DRH, souhaitons apporter notre pierre à cet édifice ambitieux et indispensable qu’est l’Europe de la défense, a fortiori dans le nouveau contexte géopolitique. »

D’autres rendez-vous pourraient être organisés pour faire avancer le projet. L’Allemagne, l’Autriche, l’Irlande et la Grèce auraient déjà fait part de leur souhait d’organiser de prochaines Journées RH. « Nous espérons sincèrement que cette édition n’aura été que la première d’une longue série de rencontres et d’échanges réguliers – dans un cadre formel ou informel – pour une communauté RH solide », conclut Thibaut de Vanssay de Blavous. Des groupes de travaux pourraient aussi être initiés à la suite de cet appel de Tours, autour de nations volontaires, pour travailler des sujets et des défis RH communs, comme les relations armée-jeunesse ou la mobilité internationale des acteurs RH au sein de l’Union européenne.