L’Institut d’éducation médicale et de prévention (IEMP) vient de lancer une campagne nationale visant à sensibiliser sur les risques liés à la myopie, les moyens de la prévenir et de la freiner, avec le soutien d’experts, réunis dans un Observatoire national de la myopie, et d’acteurs de la filière visuelle (organismes institutionnels et entreprises). Outre la mise en ligne d’une plateforme Internet d’informations et de services (ensemblecontrelamyopie.fr), destinée au grand public et aux professionnels de santé (ophtalmologistes et pédiatres), seront organisées, du 21 au 25 novembre, les premières Journées nationales d’information et de dépistage de la myopie. L’objectif est de combler le déficit d’information sur ce trouble visuel. Il y a en effet urgence…

Afin de dresser un état des lieux de la prévalence, de la prévention et de la prise en charge de la myopie, l’IEMP a confié à Ipsos la réalisation d’un baromètre de la myopie en France. Cette première édition, datée de juin 2022, révèle que la myopie a beau être le trouble de la vue le plus répandu, il est méconnu : plus d’un Français sur deux ne sait pas que ce trouble affecte la vision de loin… À tort, 13 % pensent qu’il n’affecte que la vision de près. Une majorité de Français n’ont pas conscience de l’enjeu représenté par son dépistage précoce et plus de huit personnes sur dix ne savent pas que la myopie peut entraîner des complications pouvant aller jusqu’à la cécité. En outre, les résultats d’une étude réalisée pour Optic 2000 auprès de 1 000 actifs et 200 médecins du travail permettent de constater que les troubles visuels ne sont pas toujours bien corrigés. Ainsi, au travail, 25 % des sondés qui devraient porter des lunettes (ou des lentilles) n’en portent pas. Pour 27 %, les lunettes (ou les lentilles) ne sont plus adaptées à leur vue.

Le Dr Thierry Bour, président du Syndicat national des ophtalmologistes de France (SNOF), estime ainsi que « 15 % de la population française était myope en 1950, contre 40 % en 2020 et possiblement 60 % en 2050 ». De fait, en 2050, la moitié de la population mondiale sera myope, selon les prévisions des experts internationaux… Si le rôle de la génétique est aujourd’hui bien établi, elle n’est impliquée que dans 10 % des cas de myopie. L’environnement joue un rôle bien plus crucial dans le développement de ce trouble de la réfraction.

Une étude publiée en janvier 2022 dans The Lancet Digital Health révèle qu’un temps d’écran élevé est associé à un risque de myopie supérieur d’environ 30 % et, lorsqu’il est lié à une utilisation excessive de l’ordinateur, ce risque passe à environ 80 %. Les écrans rétroéclairés provoquent des aberrations dites chromatiques. La lumière bleue qui s’en dégage a une longueur d’onde plus courte que d’autres. Elle parvient alors plus rapidement à l’œil, générant une forme de déséquilibre qui stimule la myopie, selon les travaux universitaires du professeur canadien Langis Michaud, de l’université de Montréal.

« Que font les pouvoirs publics ?, s’insurge Jean-Félix Biosse Duplan, délégué général de l’Association nationale pour l’amélioration de la vue (AsnaV). Nous manquons d’un grand plan myopie en France. » Les chiffres de l’Association pointent pourtant une urgence : 40 % des personnes interrogées disent ressentir de nouveaux troubles visuels à l’issue des phases de confinement et l’utilisation accrue d’écrans, un tiers une baisse générale de la vision. Or sur le site du ministère du Travail, les seules mentions disponibles sur le sujet datent… de 2009 ! « Travailler sur un écran plusieurs heures au cours de la journée peut entraîner une fatigue visuelle caractérisée par des maux de tête, des picotements, des rougeurs et une lourdeur des globes oculaires, un assèchement de l’œil dû à une forte sollicitation de la vue. Cette fatigue est intensifiée par le manque de confort ergonomique du poste de travail (reflets d’écran, mauvaise posture, longue durée d’exposition…). » Trois moyens de prévention sont ensuite listés, dont le fait de s’assurer que l’écran est traité contre les reflets et bien positionné par rapport à la lumière naturelle. « En cas de difficultés, parlez-en avec votre médecin du travail ou votre médecin traitant », conclut l’article du ministère…

À défaut de compter sur les pouvoirs publics, les salariés, conscients des conséquences de leur activité professionnelle sur leur vue, attendent de leur entreprise qu’elle s’engage. Interrogés en 2019 lors d’un sondage commandité par les opticiens « experts en santé visuelle », trois actifs sur cinq sont en faveur de contrôles réguliers gratuits et sur leur lieu de travail. Au-delà de ces dépistages, les salariés souhaiteraient la mise en place de mesures concrètes au quotidien, comme l’usage de filtres sur les écrans. La lumière bleue des écrans n’est pas la seule mise en cause dans cette dégradation ressentie de leur santé visuelle : les répondants soulignent en effet la nécessité d’une meilleure gestion de l’éclairage, en favorisant notamment la lumière naturelle. Les actifs attendent également de leur employeur un rôle de prévention, en les incitant, par exemple, à faire des pauses régulières. Enfin, la dernière contribution passerait par la mutuelle d’entreprise : les salariés demandent un remboursement plus élevé des équipements susceptibles de soulager la fatigue oculaire.

Guérir naturellement de la myopie est impossible. « Certaines méthodes, largement diffusées sur Internet, comme le yoga des yeux, promettent une correction naturelle de la myopie par des exercices de rééducation des yeux. Or elles n’ont pas de fondement scientifique », met en garde l’IEMP. Des lunettes ou lentilles permettent de corriger la myopie. Les patients les plus atteints peuvent avoir recours à une opération chirurgicale.

En attendant, il existe de bonnes pratiques pour réduire la fatigue oculaire, telle la règle du 20/20/20 : s’arrêter toutes les 20 minutes pour faire une pause de 20 secondes durant laquelle on portera son regard au plus loin tout en clignant 20 fois des yeux.