logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Le point sur

Remobiliser les collaborateurs après un plan social

Le point sur | publié le : 03.10.2022 | Nathalie Tissot

Image

Management : Remobiliser les collaborateurs après un plan social

Crédit photo

Avec la crise sanitaire, le nombre de plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) a bondi. Aujourd’hui, si la tendance semble à la baisse, le contexte fragile doit inciter les entreprises à mieux préparer leurs restructurations futures en accordant plus d’intérêt aux salariés restants.

Le groupe Weleda, en Alsace, le fabricant de sièges ferroviaires Compin, à Évreux, la société de livraison Just Eat… Chaque mois, des entreprises installées en France réduisent leurs effectifs dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) ou d’un autre dispositif légal, que ce soit pour des raisons de délocalisation, de fermetures de sites ou de fusion… Et le nombre de PSE, en 2023, pourrait dépasser celui de 2022, selon David Gand, directeur associé du cabinet Algoé, en charge de la Practice Transformation. « Il semblerait qu’un certain nombre de plans sociaux soient en préparation aujourd’hui. Nous commençons à avoir des annonces de défaillance d’entreprises. Les enjeux liés à la transition énergétique vont vraisemblablement accroître les difficultés », prédit-il.

Lorsqu’ils ne signent pas l’arrêt de l’activité, ces licenciements ont souvent pour objectif de limiter les coûts et gagner en productivité. Mais pour ne pas perdre les bénéfices de la restructuration, encore faut-il que les collaborateurs qui échappent aux suppressions de postes restent engagés dans leur travail et se projettent dans la nouvelle réorganisation de l’entreprise… « Ce qui pose problème, c’est que parfois une attention très grande est portée au projet de restructuration en tant que tel et aux départs. Finalement, on met un peu de côté le fait que ce plan s’intègre dans un projet plus large, qu’il va falloir mobiliser les collaborateurs pour pouvoir s’inscrire dans une évolution d’organisation », note David Gand, pour qui l’accompagnement des managers de proximité est primordial. Ils doivent à la fois gérer l’incertitude liée à la pérennité de leur poste et faire preuve d’écoute et d’empathie vis-à-vis de leurs équipes qui traversent une période de deuil à la suite du départ de collègues ou même des changements dans les bureaux.

Le risque de démissions

Ainsi, chez Nokia, 80 % des effectifs du site de Nozay (Essonne) devraient déménager. « L’activité qui reste ici se sent en danger. Nous nous disons : “OK, ils n’ont pas réussi à nous trouver une place ailleurs”, cela augure mal de l’avenir », témoigne Laurent Richard, délégué de la CGT. Les salariés de l’entreprise de télécommunications finlandaise ont connu quatre plans sociaux depuis le rachat d’Alcatel-Lucent en 2016. Les derniers départs remontent à décembre 2021. « La perte de confiance, notamment des nouveaux embauchés, est totale », estime le représentant du personnel, qui indique que 51 % des personnes recrutées en 2018 n’étaient plus là fin 2021. « Depuis le dernier PSE, nous avons recensé un certain nombre de démissions, des gens qui n’étaient pas contraints de partir, mais qui, compte tenu de la pérennité affichée de l’entreprise, ont préféré la quitter », ajoute-t-il. D’autres avaient démissionné avant même la mise en œuvre du plan…

Outre la fuite des talents vers la concurrence, David Destoc, président du cabinet de conseil Oasys Mobilisation, mentionne également « le risque de perte de productivité, de dégradation des ventes, de l’image véhiculée à l’extérieur par les salariés restants ou partants… » Pour le consultant, l’accompagnement des équipes doit s’effectuer très en amont du plan social, tout en respectant la loi sur le délit d’entrave. Dès la réflexion initiale, les dirigeants doivent intégrer la période post-PSE. « Que ce soit une rupture conventionnelle collective, un PSE, un plan de départs volontaires, la réaction des gens est exactement la même. Ils se demandent : “Pourquoi ? Que va-t-il se passer concrètement ? Quelles sont les conséquences pour moi ? Comment puis-je tirer mon épingle du jeu ?” », précise son associé et directeur de projets Bertrand Samson, qui distingue trois étapes à soigner après les premiers départs : le retour d’expérience, la projection et le pilotage.

Bienveillance et transparence

« Il ne s’agit pas de refixer des horizons à deux ou trois ans, c’est trop loin pour les gens. Il faut se fixer des objectifs raisonnables à court et moyen terme : les trois ou six prochains mois, ou l’année à venir, tout au plus », développe-t-il. Le mode de management doit également être adapté, bienveillant, et une attention particulière accordée à la création de nouveaux collectifs. Pour aider le personnel en perte de repères, un dispositif de soutien psychologique peut être mis en place, au-delà des simples numéros verts, en prenant « la forme d’écoutes terrain ou de permanences de psychologues du travail », recommande David Destoc, également président de l’Institut d’accompagnement psychologique et de ressources (IAPR). L’accompagnement par des cabinets spécialisés peut avoir un coût que les employeurs, en pleine réorganisation, jugent prohibitif… Mais pour le président d’Oasys Mobilisation, « de petites choses, très simples » suffisent à mobiliser les équipes restantes, à améliorer l’avancement du projet rebond, comme la création d’îlots collaboratifs, d’ateliers de retour d’expérience, de systèmes de communication réguliers, de forums… « Il est nécessaire de jalonner cette démarche post-restructuration par des évènements mobilisateurs, prendre des rendez-vous collectifs, pour redonner du rythme », martèle-t-il. Beaucoup d’employeurs ne s’y risquent pas par peur des récriminations. Bref, le sujet reste tabou.

Pourtant, une réorganisation « fait partie de la vie de l’entreprise », rappelait Pascal Murciano, le PDG de Tech Data France, dans une conférence organisée en 2021 par Miroir Social. La centralisation de certaines fonctions à l’étranger avait conduit le groupe américain, qui compte 800 collaborateurs en France, à mettre en œuvre un PSE deux ans plus tôt. « Pour moi, il y a trois ingrédients clés, résumait le dirigeant, l’anticipation, en utilisant le turn-over naturel comme levier, la formation des salariés, le développement des compétences, le tout associé à la communication et à la transparence. Il ne faut pas avoir peur de dire les choses, expliquer aux gens ce que l’on fait, pourquoi on le fait, les rassurer et bien sûr, essayer de mettre une dose élevée d’empathie et de bienveillance à l’égard des salariés. » Sur les 30 personnes ayant quitté le groupe à la faveur du PSE, au moins 70 % d’entre elles ont, selon lui, retrouvé un emploi ensuite.

Auteur

  • Nathalie Tissot