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Entretien : « Les rôles modèles permettent de sortir du tabou »

Le point sur | publié le : 17.10.2022 | Lucie Tanneau

L’association L’Autre Cercle a sorti, ce 11 octobre 2022, journée nationale du coming out, une liste de 100 rôles modèles LGBT+ et allié(e)s. Mettre en avant ces salariés et dirigeants, qui se distinguent par leur leadership en faveur de l’inclusion des personnes LGBT+ au travail, permet de montrer la voie à d’autres entreprises, explique Alain Gavand, administrateur et coresponsable de l’Observatoire de la Fédération nationale de L’Autre Cercle.

L’Autre Cercle milite depuis 1997 pour l’inclusion des personnes LGBT+ au travail. Que veut dire inclusion pour vous ?

Le genre et l’orientation sexuelle sont des critères de non-discrimination reconnus par le Code du travail. Certes, 93 % des gens sont non-LGBT+, mais comme pour les femmes, les personnes handicapées ou étrangères, c’est une question de droit humain, pas de communauté. Avec une particularité : les personnes LGBT+ ne sont pas toujours visibles et cette invisibilité peut être le signe d’un malaise. C’est pourquoi les entreprises doivent traiter ce sujet – qui n’est ni privé ni intime : un collaborateur qui n’ose pas inviter son conjoint de même sexe à un événement d’entreprise, ce n’est pas acceptable. Quand on est homosexuel, lesbienne, transsexuel, cela fait partie de la vie, y compris de la vie en entreprise, notamment pour faire valoir ses droits. L’inclusion, c’est faire en sorte que chacun puisse donner le meilleur de lui-même, quelles que soient son identité de genre ou son orientation sexuelle. C’est une question de bien-être et de performance.

Constatez-vous une évolution de cette inclusion ?

L’Autre Cercle a 25 ans. Nous avons vu une évolution. Le sujet était encore totalement tabou il y a dix ans. Depuis, la société française et le cadre légal ont évolué et ce qui est nouveau, c’est que les entreprises s’engagent, notamment en soutenant les normes de conduite de l’ONU et, en France, en signant la Charte de L’Autre Cercle. Quelque 180 organisations sont aujourd’hui signataires, ce qui représente 2 millions de salariés, soit 1/15e de la population active. Le sujet est sur la table, mais lorsqu’on interroge un échantillon de personnes LGBT+, le résultat, c’est qu’une personne sur deux est encore invisible. Autant dire que l’inclusion n’est toujours pas au rendez-vous…

L’Autre Cercle publie depuis quatre ans une liste de 100 rôles modèles et allié(e)s, quel en est l’objectif ?

Outre-Manche et outre-Atlantique, les listes de rôles modèles existent depuis longtemps. L’idée est de se dire que si un leader montre la voie, il devient une figure d’identification : on peut réussir en étant LGBT+ ou en soutenant la cause. Les rôles modèles vont prendre la parole, leurs noms vont être communiqués dans les newsletters, ils vont être invités dans les médias, ils vont aller témoigner dans d’autres entreprises… C’est une façon de parler du sujet, car c’est important de le banaliser. J’espère arriver à 1 000 rôles modèles en 2025, et cette année, ils seront déjà tous réunis dans un club, comme un cercle de rôles modèles. Pour passer une marche et enclencher la vitesse supérieure.

Pourquoi est-ce un enjeu pour les entreprises ?

Il y a plusieurs enjeux. D’abord, les entreprises doivent prendre soin de leurs salariés, en matière de qualité de vie au travail et de bien-être. Ensuite, les entreprises font face à des risques juridiques et réputationnels. Enfin, l’essentiel : l’inclusion permet l’engagement des salariés et il y a donc un enjeu de performance, de recrutement, de fidélisation. Les entreprises l’ont compris, d’ailleurs : elles viennent de plus en plus avec leurs réseaux LGBT+ dans les forums d’écoles. Il y a donc un véritable enjeu générationnel pour les entreprises, car les jeunes n’hésitent plus à indiquer qu’ils sont membres d’une association LGBT+ sur leur CV.

Quels conseils donnez-vous aux entreprises qui veulent avancer sur ce sujet mais ne savent pas comment ?

Mon premier conseil est de ne pas réinventer la roue ! Il faut comprendre de quoi l’on parle en rencontrant des personnes qui connaissent le sujet – des entreprises ou des associations – pour gagner du temps. On évoquera alors la sémantique, les actions qui fonctionnent, les erreurs à éviter. Ensuite, il faut regarder la « photo » de son entreprise : est-ce que les personnes LGBT+ sont visibles, invisibles ? Est-ce que des propos ou des attitudes LGBTphobes remontent ? Puis, on peut commencer à mettre en place des actions d’engagement et de sensibilisation – signer les normes de l’ONU ou la Charte LGBT+ de L’Autre Cercle –, qui permettent d’envoyer un message sur la ligne rouge que l’entreprise ne veut plus voir franchie.

Auteur

  • Lucie Tanneau