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Spécial diversité

Partenariat avec entreprise &carrières : « Il faut créer le déclic pour les organisations qui sont à la traîne »

Spécial diversité | publié le : 07.11.2022 | Lys Zohin

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Partenariat avec entreprise &carrières : « Il faut créer le déclic pour les organisations qui sont à la traîne »

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C’est une première en France. Un Grand prix Diversité & Inclusion, lancé par AFL Diversity et co-organisé avec Mixity, récompense, ce 8 novembre, les bonnes pratiques des entreprises, petites ou grandes, des associations et des collectivités locales en vue d’accroître la diversité et l’inclusion dans leurs rangs. Cinq catégories ont été définies : l’égalité de genre, le handicap, les personnes LGBT+, le multiculturel et le multigénérationnel. Adrien Figula Letort, cofondateur d’AFL Diversity, détaille les enjeux et les vertus d’une plus grande diversité pour le tissu économique français.

Vous avez décidé de lancer AFL Diversity en 2021, pourquoi ?

J’ai travaillé pendant près de 20 ans dans le domaine des médias et de la publicité, et en parallèle, j’ai toujours été très engagé dans la sphère associative. C’est d’ailleurs la fondation Le Refuge, offrant un hébergement temporaire et un accompagnement social, médical, psychologique et juridique aux jeunes LGBT+ victimisés par leur entourage, voire mis à la porte de chez eux par leurs parents, qui m’a demandé de convaincre des entreprises de s’engager dans la lutte contre ces attitudes odieuses et discriminatoires. Je me suis donc fait la discipline, à chaque rendez-vous client, de consacrer les cinq dernières minutes de l’entretien à tenter de convaincre. Et c’est à ce moment-là que j’ai pris conscience du fait que ce sujet, et celui de la diversité et de l’inclusion en général, étaient encore peu pensés et pris en main dans les entreprises. De fil en aiguille, j’ai donc décidé de lancer AFL Diversity, avec Fabien Figula Letort, dans le but d’accompagner les organisations à être plus diverses et plus inclusives. C’est d’ailleurs un enjeu stratégique pour elles. À l’heure où, dans un marché de l’emploi tendu, elles doivent travailler leur attractivité pour séduire des candidats à l’embauche et étoffer le vivier des candidatures, elles ont tout intérêt à montrer qu’elles mettent en place des actions pour diversifier leurs équipes. Sans oublier que les jeunes générations réclament davantage d’équité et de responsabilité sociale et sociétale de leur part. Elles sont d’ailleurs en partie conscientes de ces enjeux, mais il leur manque souvent les outils. Elles ont donc besoin d’un réel accompagnement. D’autant que, de nombreuses études le prouvent, une organisation plus diverse est plus performante.

Pourquoi avoir voulu organiser un Grand prix ?

Il s’agit, avec le premier Grand prix Diversité &Inclusion, de mettre en lumière les mesures déjà prises par les organisations, non seulement pour saluer ces initiatives, mais aussi – et surtout – pour faire en sorte qu’elles inspirent d’autres acteurs économiques, qui ont tous les mêmes problématiques, et qu’ils les mettent eux aussi en œuvre. J’ai en outre constaté que certaines entreprises ont du mal à communiquer sur ce qu’elles font dans ce domaine, en interne comme à l’extérieur. Bref, il s’agit, avec ce Grand prix, de s’assurer que ces bonnes pratiques soient médiatisées et qu’elles essaiment. Il faut créer le déclic pour les organisations qui sont à la traîne. C’est cette ambition qui a poussé AFL Diversity à créer cet événement. Nous avons ensuite proposé à Mixity, une solution digitale RH qui permet d’évaluer, de piloter et de promouvoir la diversité et l’inclusion des organisations grâce à la réalisation d’une empreinte sociale sur l’égalité femmes-hommes, le handicap, le multigénérationnel, le multiculturel, l’identité de genre, l’orientation sexuelle (LGBT+), de la co-organiser.

Avez-vous eu du mal à trouver des organisations candidates pour les différentes catégories du Grand prix ?

Je tiens d’abord à préciser que nous avons voulu être inclusifs jusqu’au bout, et que toute candidature est gratuite, ce qui n’est pas le cas de certains labels, par exemple. En outre, les organisations candidates doivent accepter de partager leurs bonnes pratiques, y compris avec la concurrence, c’est le « deal » ! Nous avons reçu plus de 200 candidatures pour cette première édition, ce qui est bien au-delà de nos espérances. Cela dit, certaines catégories ont reçu moins de candidatures que d’autres, ce qui est d’ailleurs le reflet de la société. Ainsi, dans les domaines qui sont régis par la loi, tels que le handicap ou la présence de femmes dans les instances dirigeantes, de même que l’index de l’égalité professionnelle femmes-hommes, nous avons noté que les candidats avaient adopté un nouvel ordre de marche. Plus offensif, notamment en ce qui concerne le handicap, vis-à-vis de leurs fournisseurs ou partenaires. Nous constatons aussi de nouvelles mesures, accélérées par la crise Covid, pour ce qui est de l’équilibre vie professionnelle-vie personnelle, qui facilite l’égalité entre les hommes et les femmes. Mais n’oublions pas qu’une personne LGBT+ sur deux, selon le dernier baromètre Ifop de L’Autre Cercle, n’est toujours pas visible au travail. Dans certaines catégories, en particulier le multigénérationnel et le multiculturel, nous avons recueilli beaucoup de candidatures de la part d’associations et d’entreprises de l’économie sociale et solidaire. Si l’on doit faire un palmarès des catégories, celle qui arrive en tête en termes de candidatures est clairement l’égalité femmes-hommes, suivie par le handicap ; la troisième étant le multiculturel – nombre d’entreprises mettant en avant des partenariats avec des acteurs de la diversité – ; la quatrième, les personnes LGBT+ ; et la cinquième, loin derrière, d’ailleurs, le multigénérationnel. Ce simple classement est plein d’enseignements sur ce qui se passe dans la société civile… Et il est clair que les entreprises ont besoin de passerelles pour mieux aller vers la diversité, notamment par le biais d’associations spécialisées.

Au-delà de partenariats avec des associations spécialisées, que doivent mettre en place les entreprises pour être plus diverses et plus inclusives ?

En effet, ces initiatives se révèleront vite inefficaces si l’on ne traite pas le mal à la racine. Et c’est dans les entreprises que l’aggiornamento doit se faire ! Elles doivent lutter contre la tentation de vouloir des « clones » des professionnels déjà en poste et contre les biais inconscients que nous avons tous, sur tel ou tel profil de candidat : a-t-il fait la « bonne » école ? Où habite-t-il ?, par exemple. De même, elles doivent s’assurer que les fiches de postes à pourvoir sont rédigées de telle manière qu’elles n’excluent personne, et cela, même de manière inconsciente, et enfin, sensibiliser et former les ressources humaines, les managers et les salariés – ces derniers étant les futurs collègues d’un candidat issu de la diversité –, afin que la nouvelle recrue se sente bien accueillie et s’intègre de façon harmonieuse. Sinon, c’est clair, ces petits nouveaux partiront ! Je conseille donc, dans le cadre de l’accompagnement fourni par AFL Diversity aux entreprises, de s’assurer que la diversité soit un thème d’une part porté au plus haut niveau de l’entreprise, par la direction, et d’autre part, que les équipes, à travers toute la chaîne hiérarchique, soient formées. La diversité est l’affaire de tous : le comex, la DRH, les équipes RSE, les managers… Car n’oublions pas que l’humain n’est pas « inclusif » par nature ! Je crois aussi, à cet égard, aux bienfaits des rôles modèles. Il en existe pour les personnes LGBT+, l’association L’Autre Cercle les met à l’honneur chaque année. C’est important de les développer pour le multiculturel, le multisocial, le multigénérationnel. Les talents issus de la diversité existent, il suffit de leur donner envie de vous rejoindre ! Enfin, je tiens à souligner que la France est loin d’être le meilleur élève en ce qui concerne la diversité et l’inclusion… Il suffit de regarder un trombinoscope des dirigeants des grandes entreprises cotées ! Contrairement à ce qui peut se passer aux États-Unis ou outre-Manche – et tout n’est pas parfait là-bas, loin de là – la loi française interdit le recueil de certaines données portant sur l’ethnicité, par exemple, mais ce qui ne se mesure pas n’évolue pas.

Vous êtes sévère, avez-vous quand même de l’espoir ?

Je suis un grand optimiste, j’échange chaque jour avec des dirigeants sur le sujet et j’observe une véritable évolution, une prise de conscience et une volonté d’avancer en passant à l’action. Avec notre culture, ou en adoptant en partie certains éléments de la culture américaine, comme les groupes ressources – autrement dit, des groupes de salariés qui se réunissent en fonction de leurs profils, que ce soient des femmes, des personnes LGBT+ ou autre, sans que ces groupes, qui servent de soutien, soient fermés ou « communautaires ». D’ailleurs, si l’on prend le cas des personnes LGBT+, elles sont soutenues par des alliées et alliés hétérosexuels et c’est ce qu’il faut. Quant au sexisme en entreprise, c’est clairement aux hommes d’agir et de faire qu’une femme se sente bien pour postuler à un poste, par exemple. La responsabilité de l’entreprise est de mettre en place un environnement inclusif, qui donne des clés pour une meilleure compréhension du monde, ce qui permet d’enrichir le collectif, mais aussi d’enrichir l’entreprise et la société civile dans son ensemble. C’est notre mission chez AFL Diversity.

Auteur

  • Lys Zohin