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Les clés

Quand la figure de l’entreprise se désintègre

Les clés | À lire | publié le : 12.12.2022 | Irène Lopez

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Quand la figure de l’entreprise se désintègre

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Le corpus de ce numéro de La nouvelle revue du travail porte sur les relations professionnelles, approchées de plusieurs points de vue.

Les auteurs scrutent les profondes transformations des relations professionnelles depuis trois décennies. Au-delà de leurs évolutions, les articles s’intéressent au contexte de ce qu’il faut bien nommer leur dérégulation généralisée. Cette dérégulation résulte d’un ensemble de phénomènes tels que la globalisation de la production et des échanges, la financiarisation de l’économie, les innovations managériales du capitalisme de plateforme, l’éloignement des centres décisionnels par rapport aux lieux de travail, l’essoufflement des formes syndicales traditionnelles, les modifications du droit du travail par les États… L’article écrit par Meike Brodersen et Esteban Martinez, De l’entreprise-réseau à l’économie de plateforme, les impasses des négociations, est l’un de ceux qui s’inscrivent le plus dans le contexte économique actuel. Malgré le caractère disruptif qui lui est souvent attribué, l’économie de plateforme prend place aussi dans la continuité de l’externalisation et de la désintégration de la figure de l’entreprise – pour devenir l’entreprise-réseau. « Qu’ils relèvent d’une logique de spécialisation ou exclusivement d’une logique de réduction des coûts, les rapports de sous-traitance finissent par transformer la relation d’emploi fondée classiquement sur le contrat de travail bilatéral entre un employeur et un(e) salarié(e) », disent-ils. L’entreprise-réseau instaure des relations triangulaires d’emploi, faisant intervenir une entité tierce. L’entreprise échappe ainsi à la fonction d’interlocuteur patronal. Dans ces conditions, les marges de négociation sont limitées. « La diversité des statuts et des intérêts des salarié(e)s qui se côtoient au sein des espaces organisationnels, couplée à l’indétermination des centres de décision patronaux, constitue un défi pour les syndicats appelés à reconstruire des solidarités », poursuivent-ils. Les institutions des relations professionnelles et des répertoires d’action collective sont remises en cause. Après avoir mis en évidence les caractéristiques respectives de l’entreprise-réseau et de l’économie de plateforme, les auteurs interrogent les réponses syndicales possibles. Mais « les marges de manœuvre pour la négociation du salaire, de la stabilité de l’emploi, du temps de travail et de l’ensemble des conditions de travail se trouvent limitées par la connivence commerciale qui s’installe entre le donneur d’ordre et le sous-traitant », préviennent-ils. Ainsi, la généralisation de la sous-traitance du nettoyage s’est traduite par une extension du travail à temps partiel et des horaires décalés. L’apparente dématérialisation du management à travers la plateforme numérique et la gouvernance algorithmique posent dès lors un défi considérable à « l’organisation de résistances ». En outre, il est fréquent que des travailleurs combinent plusieurs sources de revenu, ce qui rend la mobilisation moins probable et plus difficile. Pour les auteurs, l’entreprise-réseau se présente actuellement comme une arène privilégiée pour l’analyse et l’expérimentation des relations professionnelles à venir.

Auteur

  • Irène Lopez