logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Les clés

Mots et maux du management

Les clés | À lire | publié le : 23.01.2023 | Irène Lopez

Image

Mots et maux du management

Crédit photo

Les mots de l’entreprise – des objectifs à la rentabilité en passant pour la valorisation du potentiel – s’infiltrent partout. Que faire ? Réponse avec Mots & illusions : quand la langue du management nous gouverne, d’Agnès Vandevelde-Rougale.

Certains mots sont non seulement largement présents dans l’entreprise, mais en débordent. Et alors que la logique managériale et son vocabulaire formatent désormais la société, l’essai d’Agnès Vandevelde-Rougale nous invite à refuser de jouer le jeu. Docteure en anthropologie et sociologie et chercheuse associée au Laboratoire de changement social et politique (LCSP) de l’université de Paris, l’auteure s’intéresse d’abord à ce jargon managérial. Elle met l’accent sur l’écart entre les idéaux véhiculés par la communication managériale (un monde sans conflit où tous les membres d’une entreprise donnée travailleraient pour un même objectif commun) et la réalité des pratiques et de l’activité. L’exemple suivant est emblématique de sa thèse : un formateur au management, adepte des métaphores sportives, explique à de hauts potentiels destinés à devenir cadres qu’un « hard feed-back » fait rebondir la balle plus haut. Traduction : des commentaires adressés sans ménagement à un collaborateur sur son travail ou son attitude lui permettraient de progresser… De plus, le langage managérial tend à occulter le fait que les relations humaines ne sont pas que des rapports de coopération mais aussi de force, de domination, d’exploitation.

Quelles sont, dans ces conditions, les solutions pour résister ? Pour Agnès Vandevelde-Rougale, il est possible, même si c’est ardu, de se distancier du jargon managérial, que ce soit en subvertissant son pouvoir ou en cherchant d’autres manières de dire. Et il ne suffit pas de dénoncer les anglicismes tels que « conf call » ou « deadline ». Cela « n’est pas nécessairement résister au discours managérial. Car dans ce cas, on focalise bien souvent la critique sur la forme plutôt que sur le fond. Parler de retour sur investissement ou rendement au lieu de ROI (return on investment) ne change pas la logique de rentabilité associée à la notion », souligne l’auteure. Le discours managérial apparaît d’autant plus comme un discours de certitudes qu’il a davantage recours à l’indicatif et à l’infinitif qu’au subjonctif ou au conditionnel. Face à cela, elle appelle à douter « pour ouvrir sur de nouvelles possibilités de penser ». Concrètement, les réseaux sociaux numériques peuvent faciliter l’émergence de discours alternatifs aux discours dominants. C’est le cas de la libération de la parole dans l’écosystème start-up : sur Instagram, le compte Balance ta start-up donne la parole aux salariés qui dénoncent le comportement de certaines entreprises. Enfin, une autre façon de parler repose sur les œuvres et les pratiques culturelles. Les humoristes et les pièces de théâtre peuvent montrer l’absurde ou la violence du jargon managérial. Les dystopies alertent sur les risques des sociétés du contrôle où les normes (y compris langagières) contrarient les libertés individuelles et collectives. On ne peut s’empêcher de penser à 1984 de George Orwell…

Auteur

  • Irène Lopez