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RSE : La certification B Corp se mérite, mais promet un réel impact

Bonnes pratiques | publié le : 01.07.2023 | Lys Zohin

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RSE : La certification B Corp se mérite, mais promet un réel impact

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Le mouvement international, qui fédère plus de 6 000 entreprises dans 80 pays, dont plus de 300 en France, vise à développer l’intérêt général, au-delà du profit. Trois d’entre elles reviennent sur ses bienfaits, sous forme d’initiatives – à approfondir en permanence.

Ne devient pas B Corp qui veut… Le parcours, en vue d’obtenir la certification prouvant l’équilibre entre « profit, people et planet », délivrée par ce mouvement international, lancé en 2006 aux États-Unis par trois entrepreneurs férus de bonnes pratiques sociales et environnementales, est complexe. La certification qui s’en est ensuivie, et qui implique de montrer patte blanche en répondant à des dizaines de questions prouvant un impact positif sur cinq thèmes – gouvernance, salariés, société civile, environnement et clients –, est exigeante. Il faut d’abord obtenir au minimum 80 points sur 200, puis se soumettre à un examen d’évaluation visant à valider les déclarations faites. Mais c’est précisément ce qui la rend si précieuse !

« Le processus complet prend du temps, relève Louisiane Guezel, chargée d’innovation et responsable responsabilité sociale et environnementale (RSE) pour EcoTree, une entreprise bretonne de 70 salariés spécialisée dans la valorisation écologique et économique de la forêt et de sa biodiversité, qui a décroché la certification en 2021 avec un score de 89,4 points. Il faut formaliser nombre de pratiques et d’initiatives, quitte à écrire un argumentaire, et envoyer de multiples documents mesurant l’impact, puis faire plusieurs allers-retours avec les équipes certifiantes. »

Audits de renouvellement

Mais l’intérêt est ensuite non seulement d’avoir accès à une communauté – à ce jour, plus de 6 000 entreprises dans 80 pays, dont 1 200 en Europe (et 309 en France), sont certifiées et échangent régulièrement sur leurs bonnes pratiques – mais en plus, « du fait que des audits pour renouveler la certification sont menés tous les trois ans, nous savons sur quoi travailler dans les mois et les années qui viennent », poursuit-elle.

Faire toujours mieux est en effet la règle d’or de la communauté B Corp. Ainsi, Wopilo, qui a obtenu, en janvier 2023, le précieux sésame avec un score de 111,5, compte intensifier ses engagements RSE au cours des mois à venir. Dès cette année, la société de 15 salariés, créée en 2017 à Paris par Thomas Hervet et spécialisée dans les articles de literie et le linge de nuit, fabriqués localement et respectueux de l’environnement et de la santé, proposera des oreillers de seconde main reconditionnés. « L’intérêt de cette certification, c’est qu’elle nous inscrit dans une démarche d’amélioration permanente, sur le long terme. Elle nous impose de nous fixer de nouveaux objectifs en matière sociale, sociétale et environnementale, et d’évaluer régulièrement nos progrès », confirme le CEO.

Pour mener à bien la démarche – qu’il juge « intimidante » –, il s’est même fait accompagner par un salarié d’une autre société déjà certifiée, qui lui a apporté, sous la forme d’une mission de consulting, de précieux conseils. Il a notamment fallu changer les statuts pour y inclure la notion de B Corp, qui a dû être validée par les actionnaires. « L’aspect administratif peut être assez difficile à appréhender, avec plusieurs “templates” à renseigner, détaille-t-il. En outre, nous avons dû réaliser un bilan carbone, ce qui n’est pas si facile lorsqu’on ne l’a jamais fait. Mais nous avons désormais une bonne base, ce qui facilitera le travail de mise à jour à l’avenir. » Cette base sert désormais aussi à éclairer toutes les décisions prises en matière de RSE. Avec pour mot d’ordre « améliorer le sommeil », à l’origine de la création de l’entreprise, le dirigeant s’est notamment penché sur le cas de la société californienne Patagonia, fer de lance des organisations certifiées, puisqu’elle a été l’une des premières. « Nous avons étudié son fonctionnement, que nous voulions dupliquer dans le cadre de notre propre RSE, explique-t-il. Nous sommes une jeune entreprise, et il a été plus facile de mettre cela sur les rails dès le début, lorsque nous n’étions qu’une poignée à travailler pour Wopilo. » Autre axe d’amélioration aujourd’hui, la marque s’engage à simplifier ses packagings en réduisant leur volume et en améliorant leur conception, afin d’utiliser de nouveaux matériaux, plus respectueux de l’environnement. Enfin, pour toujours plus de transparence dans les informations données aux consommateurs, Wopilo fournira davantage d’éléments concrets sur chaque produit, son processus de fabrication, la provenance des matières et son impact carbone.

Mettre l’humain au cœur de l’entreprise

Une perspective dont rêve Hervé Lucas, associé cofondateur et coprésident de CVE, une entreprise de 350 personnes, basée à Marseille (et dotée, depuis 2016, de filiales aux États-Unis, au Chili et en Afrique du Sud), qui développe, finance, construit et exploite des centrales solaires et biogaz puis revend l’énergie verte produite à ses clients – entreprises, collectivités ou organisations issues du monde agricole. La démarche de certification a été lancée il y a plusieurs mois, avant même l’adoption du statut d’entreprise à mission, intervenue en mai 2022. L’audit est en cours et devrait se terminer prochainement. La certification pourrait intervenir à l’automne 2023. Entre-temps, l’entreprise poursuit ses initiatives, telles que le mécénat de compétences, qui lui permet de soutenir plusieurs associations œuvrant pour l’inclusion sociale et la sensibilisation à la protection de l’environnement, dont le Café Joyeux de Marseille, qui forme et emploie des équipiers porteurs d’un handicap mental ou cognitif, Watch The Sea, dont l’objectif est de valoriser et préserver les écosystèmes terrestres et marins par le nettoyage des zones côtières sous-marines et terrestres, la fondation Apprentis d’Auteuil ou l’Association d’aide aux jeunes travailleurs, qui accompagne des mineurs migrants isolés, des demandeurs d’asile et des jeunes de 18 à 25 ans en grande précarité.

Cette certification attendue fait aussi écho à la raison pour laquelle l’entreprise a été créée, en 2009. Ancien salarié d’un grand groupe français, Hervé Lucas voulait « mettre l’humain au cœur de l’entreprise. Outre les aspects environnementaux et sociaux, je me demandais ce que je pourrais apporter en plus, en matière de sens et de qualité, aux collaborateurs », dit-il. C’est en rencontrant l’un des partenaires de CVE, aux États-Unis, qu’il a eu le déclic, en 2017. « L’entreprise était certifiée B Corp et l’alignement de la direction et des salariés était impressionnant. Mais attention, on ne devient pas B Corp pour la gloire, il faut être convaincu ou converti », ajoute-t-il.

Car la certification est loin d’être, comme certains labels, un simple slogan, que les sociétés utiliseraient à des fins particulières, notamment pour attirer des jeunes en quête de sens et les embaucher. « Nous recevons de plus en plus de lettres de motivation qui mentionnent les valeurs de l’entreprise, remarque toutefois Thomas Hervet, le dirigeant de Wopilo. Je suis certain que c’est un plus pour le recrutement. » Mais ce n’est pas tout. « La certification étant mondiale, c’est un gage de visibilité auprès d’un large éventail d’organisations, relève Louisiane Guezel, d’EcoTree. Clients, fournisseurs, institutions, sans oublier les investisseurs. »

Cela dit, une étude, centrée sur la seule stabilité financière des entreprises certifiées et publiée en 2021 dans Business Ethics, laisse penser que le lien est ténu entre certification et stabilité. Au contraire, les actionnaires, soucieux avant tout, pour la plupart, des performances économiques et financières, pourraient s’inquiéter de l’accent mis sur les aspects sociaux et environnementaux, ce qui aurait pour effet de « dévaloriser » l’entreprise à leurs yeux. Une autre étude, publiée en 2021 dans le Journal of Business Ethics, et portant sur quatre cas de PME et ETI brésiliennes certifiées, montre que si les entreprises en question avaient obtenu de bons scores en fonction de leurs actions passées, elles n’en ont pas particulièrement développé de nouvelles par la suite…

« Après notre score de 89,4 points en 2021, nous voulons obtenir 100 points en 2024, lors du prochain audit de renouvellement, assure cependant Louisiane Guezel. EcoTree discute aussi bien avec ses collaborateurs qu’avec les investisseurs pour construire une stratégie qui permettra d’atteindre cet objectif. Cela aiguillonne tout le monde. » Nombreuses seraient donc les entreprises certifiées qui n’ont pas l’intention de se reposer sur leurs lauriers…

Une communauté majoritairement composée de TPE et PME

• En France, les entreprises qui ont rejoint le mouvement sont principalement des PME et TPE (88 %). Les secteurs les plus représentés sont l’IT et les services (15 %), l’alimentation et boissons (12 %), les produits et services de soins (7 %), la recherche et conception (5 %), et le textile (4 %).

• Près d’un tiers des entreprises certifiées sont également des sociétés à mission.

• Les 309 entreprises françaises certifiées B Corp représentent un peu plus de 13 milliards de chiffre d’affaires en cumulé et plus de 30 000 collaborateurs à plein temps dans 42 secteurs d’activité différents.

Auteur

  • Lys Zohin