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« Les profils diffèrent d’une entreprise à une autre »

En couverture | publié le : 01.07.2023 | Natasha Laporte

Les collaborateurs repérés pour les qualités qui les destinent à devenir des dirigeants font de plus en plus l’objet d’une attention particulière, à travers, parfois, de programmes spécifiques. Tour d’horizon des pratiques observées sur le terrain avec Marlène Ribeiro, directrice générale du cabinet de recrutement PageGroup.

Que veut dire, en entreprise, le terme « haut potentiel » ?

En général, lorsque l’on parle de hauts potentiels dans le monde du travail, il s’agit de personnes qui ont toutes les qualités requises pour accéder à l’avenir à des postes de top managers dans l’entreprise qui les emploie. Ce sont celles que l’on projette dans les postes de direction, au comité exécutif et à la direction générale. Autrement dit, ce sont de futurs leaders. Reste que les hauts potentiels sont inhérents à une entreprise. Autrement dit, un haut potentiel dans une entreprise peut ne pas forcément en être un dans une autre. Cela dépend de la culture de l’organisation, de ce qu’il faut pour y réussir, et souvent, ces éléments diffèrent d’une entreprise à une autre.

Comment les détecte-t-on ?

De manière générale, pour détecter les hauts potentiels, j’observe deux types d’entreprises. Celles qui ont une façon assez empirique de le faire, en posant la question, par exemple, lors de réunions de revue de talents avec le management, sous la forme de : « À votre avis, quelles sont les personnes clés dans l’organisation qui seront les dirigeants de demain ? ». C’est une méthode liée à la connaissance qu’ont les managers de leurs équipes et qui existe dans les entreprises n’ayant pas envie d’aller plus loin dans la structuration de cette démarche. Mais certaines sociétés, plutôt de grands groupes, structurent véritablement la démarche. Dans ce cas, la première étape est de définir le référentiel de compétences d’un dirigeant dans cette entreprise. Puis, une fois ces éléments déterminés, de les détecter, en faisant passer des évaluations à un certain nombre de personnes pour qui l’on pense qu’elles pourraient être des hauts potentiels, afin de les comparer au référentiel de compétences qui aura été créé. À partir de là se décide qui va rentrer dans un programme de hauts potentiels au sein de l’organisation. Dans le premier cas, celui des entreprises qui s’y prennent de manière empirique, cela a le mérite d’aller vite et d’être d’un grand pragmatisme, mais ce n’est pas toujours très fiable. Dans l’autre, pour celles qui structurent leur démarche, cela l’est davantage, mais cela demande un travail de la part de l’entreprise, et d’abord de bien se connaître pour pouvoir définir qui est un haut potentiel dans l’organisation.

La notion de haut potentiel est-elle synonyme d’intelligence et de performance ?

Ce n’est pas l’intelligence en tant que telle qui est demandée, mais plutôt l’agilité intellectuelle, la capacité à résoudre des problèmes complexes, de même que la vision stratégique. Quant à la performance, cela dépend de ce qu’on met derrière ce mot. Dans certaines entreprises, si vous êtes un commercial, le développement de l’activité et la performance financière vont être considérés avant tout, mais vous pouvez aussi être performant parce que vous avez une capacité à fédérer des équipes. Nombre d’entreprises sont très friandes aujourd’hui de professionnels qui ne sont pas uniquement des gestionnaires mais également des personnes capables de transformer des modes de fonctionnement. Bref, le modèle de performance peut revêtir des qualités différentes. Certaines entreprises peuvent attacher beaucoup de considération au courage managérial. D’autres auront comme critère le fait d’être un leader inclusif, ou capable de préparer l’entreprise au développement durable. Tout dépend de l’organisation, en somme.

Quelle tendance remarquez-vous en ce qui concerne les programmes dévolus aux hauts potentiels dans les entreprises ?

Dans les ETI et les grands groupes, on voit des programmes de hauts potentiels parce qu’on essaie de retenir les talents. Ces organisations se plaignent en particulier de la problématique de rétention des femmes, plus « chassées » que les hommes, puisqu’elles manquent dans les strates supérieures au sein des entreprises. Mais que les hauts potentiels soient féminins ou masculins, il faut avant tout les « protéger ». C’est pour cela que les entreprises, plus que jamais, essaient d’identifier ces personnes et de les retenir. Je vois à cet égard deux types de programmes. D’abord, ceux qui permettent de proposer régulièrement des formations à ces personnes, ainsi que du coaching. Dès lors, outre préparer le haut potentiel pour le poste de dirigeant de demain, du fait qu’il ou elle apprécie d’être formé(e) et coaché(e), les chances de rétention sont plus fortes. Il est rare en effet que pendant un coaching de tels professionnels partent, d’autant que cet exercice s’étend sur plusieurs mois. En conséquence, même si la personne est susceptible d’être chassée, elle a tendance à davantage rester dans l’entreprise lorsque des efforts sont consentis pour le développement de son potentiel. Par ailleurs, dans les très grands groupes, il existe des programmes avec des plans de carrière permettant à ces personnes de régulièrement changer de poste, car l’on considère que les dirigeants de demain doivent être passés par plusieurs services afin d’avoir la vision la plus large possible de l’entreprise et prendre à l’avenir les bonnes décisions.

Quels noms portent ces programmes et quel type de formation incluent-ils ?

Parfois, ils s’appellent « hauts potentiels », quand l’entreprise assume le mot et l’idée qu’il y a des personnes qui sont choisies et d’autres qui ne le sont pas… Il y a un certain nombre d’entreprises qui sont très à l’aise, culturellement, avec cela, et d’autres qui le sont un peu moins… S’agissant des formations, ce sont par exemple des formations au leadership, mais aussi, désormais, en matière de soutenabilité. De plus en plus, en effet, on demande à ce que les dirigeants soient responsables et qu’ils comprennent les grands enjeux sociétaux et environnementaux. Cela les prépare donc aussi à diriger l’entreprise un peu différemment de ce qui se faisait précédemment. Quant aux coachings, ils sont très personnalisés.

Quels autres moyens y a-t-il pour les fidéliser ?

C’est l’attention particulière qui est prêtée aux hauts potentiels. Si la personne s’ennuie, par exemple, l’entreprise agit, car il faut mettre tout en œuvre pour qu’elle ne parte pas. C’est ce qui génère parfois une mobilité, géographique ou autre. Par ailleurs, les entreprises prennent soin de la rémunération, pour qu’elle ne soit pas au-dessous de celle du marché.

Vos entreprises clientes recherchent-elles des compétences particulières, telles que des hauts potentiels intellectuels ?

On me demande rarement des personnes qui ont un haut potentiel intellectuel, en tout cas dans la façon d’exprimer les compétences qui sont recherchées, et ce n’est pas quelque chose qui, dans un programme de haut potentiel, est mis sur la table. En revanche, et c’est assez nouveau, nous avons des clients qui demandent de l’intelligence émotionnelle. Désormais, dans les environnements avec beaucoup de flexibilité dans le travail, il faut pouvoir déceler des signaux faibles des collaborateurs et les engager, ce qui n’est pas toujours simple à distance. C’est pourquoi la partie relationnelle, aujourd’hui, joue un rôle de plus en plus clé dans le leadership.

Auteur

  • Natasha Laporte