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Idées

Le syndicalisme désarmé

Idées | Livres | publié le : 01.03.2011 | Jean Mercier

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Le syndicalisme désarmé

Crédit photo Jean Mercier

Le mouvement de lutte contre la réforme des retraites fut un échec pour le syndicalisme français, qui n’a pas réussi à faire reculer d’un iota le pouvoir politique. Dans le feu de l’actualité, il a manqué une analyse de ce que ce moment a représenté dans l’histoire du syndicalisme. C’est à quoi s’essaie le livre de Stéphane Sirot.

Si le contexte général joue en défaveur du mouvement syndical, l’historien met l’accent sur la perte des valeurs sur lesquelles s’était bâti le syndicalisme français. Celui-ci « est le seul en Europe occidentale à avoir revendiqué à ce point son autonomie, assumé autant son immersion dans le champ politique et prétendu produire de l’utopie pour offrir en point de mire un changement radical de société ». Cette originalité n’a pas survécu au « processus de banalisation du fait syndical, puis son institutionnalisation ». Dans un premier temps, les syndicats ont défendu la revendication de métier. Durant le deuxième, ils ont appris à mettre en avant la solidarité interprofessionnelle. Le troisième fut celui de la prise en charge des intérêts généraux du salariat, notamment par l’implication dans la gestion de l’État providence. Un quatrième âge serait maintenant marqué par la montée en puissance de la logique de défense du bien commun. Cette ultime phase s’accompagne d’une dépolitisation que regrette le professeur. « À force de recentrage, de démarche cogestionnaire et de dépolitisation », accuse Stéphane Sirot, qui se dévoile, les principaux responsables syndicaux paraissent avoir admis la domestication, par l’appareil d’État, du contre-pouvoir explicite que représentait naguère le mouvement syndicaliste. L’attitude des confédérations par rapport à l’arme de la grève lui paraît emblématique de cette évolution. Durant les Trente Glorieuses, elle est fréquemment utilisée comme moyen de régler les dérèglements du système fordiste, ce qui explique que sa pratique se ritualise et se « fonctionnalise ».

Avec les années 80, les grandes confédérations misent plus sur la pression des élections que sur celle des grèves pour arracher des compromis. Au xxie siècle, la « déligitimisation » de la grève s’accélère, en lien avec la quête d’une « respectabilité » gestionnaire des syndicats. Ces thèses montrent que l’ouvrage ne s’inscrit guère dans la mouvance du « syndicalisme d’accompagnement ». Elles sont toutefois appuyées par une solide analyse historique. Ce qui fait de ce livre, certes partial, un des plus complets parmi ceux parus récemment sur le syndicalisme.

Le Syndicalisme, la Politique et la Grève, Stéphane Sirot. Éditions Arbre bleu, 360 pages, 20 euros.

Auteur

  • Jean Mercier