Durant le premier semestre 2022, la productivité outre-Atlantique a connu, à -6%, son pire recul depuis... 1947. De quoi inquiéter les entreprises, qui se demandent pourquoi leurs salariés n'arrivent plus à produire autant de biens et de services à l'heure qu'auparavant; de quoi interpeller les économistes, qui cherchent des explications... et ne sont pas sûrs d'en trouver. D'autant que, durant la crise Covid, les gains de productivité, induits apparemment par le télétravail, avaient bondi. En conséquence, certains observateurs pensaient que la tendance allait se poursuivre avec les nouveaux modes de travail hybrides. Certes, le quiet quitting – le fait de ne faire que le strict minimum au travail, en fonction de la description des tâches, et de ne surtout pas faire plus –, du fait d'une désillusion sur le sens du travail, la rémunération, le management, etc., est passé par là, mais il n'empêche. La productivité reste forte dans l'industrie. C'est plutôt dans les services, où, d'ailleurs, il est moins facile de juger de l'efficacité des collaborateurs, que les spécialistes notent le spectaculaire recul du premier semestre. Certains employeurs, en particulier dans ce secteur, ont adopté des outils numériques visant à vérifier ce que font les équipes, dans le but, précisément, de dynamiser la productivité. Or il semble que cela produise l'effet inverse: ce manque de confiance de la part de la direction générerait plutôt un désengagement de la part des salariés qu'un regain de vitalité. Bref, comme le dit le patron de Microsoft, qui a lui-même cherché à doper la productivité : « Ajoutée à un sentiment d'autonomie et de pouvoir sur le quotidien, la seule façon d'obtenir une belle performance est de donner du sens au travail, pour que les salariés se sentent alignés sur la mission de l'entreprise. » En fait, cette « productivity paranoïa », comme certains l'appellent, et qui est cultivée dans nombre d'entreprises, ne résulte qu'en une recrudescence de simples « activités », pas de productivité...