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Travailleurs des plateformes : une nouvelle ordonnance ajuste les modalités de dialogue social

ISRH | Emploi & mobilité | publié le : 07.04.2022 | Olivier Hielle

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Photo d'illustration.

Crédit photo Adrien Nowak / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

En 2021, une ordonnance du 21 avril pose les bases d’un dialogue social entre les plateformes numériques, en particulier de livraison et de transport de personnes, et les travailleurs indépendants qui ont recours à ces plateformes pour trouver du travail. D’après une étude du Cabinet conseil Roland Berger, ils seraient 200 000 travailleurs dans ce cas, soit 70 000 ETP, dont environ la moitié dans le transport de personnes.

Le législateur s’est toutefois rendu compte que ces modalités n’étaient pas complètement satisfaisantes. C’est pourquoi une nouvelle ordonnance, portant le n° 2022-492 et publiée au Journal officiel le 7 avril, vient compléter ces dispositions.

L’article 2 du texte complète le Code du travail par quatre nouvelles sections.

Des organisations patronales spécifiques aux plateformes

La première détermine les formes juridiques que peuvent revêtir les organisations susceptibles de représenter les entreprises de plateformes et met en place un cadre permettant de reconnaître leur représentativité au niveau des secteurs d’activité économique. L’idée est d’avoir une représentation patronale spécifique aux plateformes.

Pour pouvoir être reconnues représentatives, les organisations sont soumises aux critères suivants : respecter les valeurs républicaines, être indépendantes, satisfaire aux exigences de transparence financière, avoir une ancienneté minimale d’un an, démontrer leur influence dans le secteur d’activité et représenter une audience suffisante. Le calcul de cette audience s’apprécie en partie sur le nombre de travailleurs inscrits sur les plateformes qui adhèrent à cette organisation, mais surtout au regard des revenus d’activité générés par les entreprises adhérentes. C’est l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi (Arpe) qui est chargée de contrôler le respect de l’ensemble de ces critères.

La deuxième nouvelle section organise le dialogue social et la négociation collective dans le secteur. Elle instaure en particulier la possibilité de conclure des accords spécifiques aux plateformes ; des accords distincts selon leur secteur d’activité : VTC ou activités de livraison. Pour être valide, un accord de secteur doit remplir deux conditions :

  • être signé par au moins une organisation de plateformes et par des organisations de travailleurs représentant plus de 30 % des suffrages exprimés lors des élections ;

  • ne pas avoir rencontré l’opposition d’organisations de travailleurs représentant 50 % des suffrages exprimés.

Des négociations annuelles obligatoires

L’ordonnance fixe les sujets de négociation annuelle obligatoire (NAO) :

  • modalités de détermination des revenus des travailleurs, y compris le prix de leur prestation de services ;

  • conditions d'exercice de l'activité professionnelle des travailleurs, et notamment l'encadrement de leur temps d'activité, ainsi que les effets des algorithmes et des changements les affectant sur les modalités d'accomplissement des prestations ;

  • prévention des risques professionnels et les dommages causés à des tiers ;

  • modalités de développement des compétences professionnelles et de sécurisation des parcours professionnels.

Le texte fixe trois autres thèmes de négociation facultatives :

  • modalités d’échange d’informations entre la plateforme et les travailleurs sur l’organisation de leurs relations commerciales ;

  • modalités de contrôle de l’activité du travailleur et de rupture des relations commerciales :

  • protection sociale complémentaire.

Des dispositions finalement assez restrictives, qui se distinguent des modalités de dialogue social des branches professionnelles, lesquelles peuvent aborder tous les sujets qu’elles souhaitent.

Les missions de l’Arpe ajustées

Enfin, dernier point à signaler, l’ordonnance complète les missions de l’Arpe pour les faire correspondre aux nouvelles modalités de dialogue social du secteur. L’Arpe, représentée par son directeur général, devra ainsi :

  • fixer la liste des organisations de plateformes reconnues représentatives ;

  • accompagner les représentants des travailleurs et des plateformes dans la mise en œuvre des règles de négociation collective ;

  • rendre une décision sur l'homologation des accords de secteur.

L’Autorité est également dotée de nouvelles prérogatives d’observation des pratiques des plateformes, notamment en matière d’usage des algorithmes, des outils numériques et des données personnelles des travailleurs. Elle pourra ainsi conduire des enquêtes et émettre des avis et préconisations sur ces sujets.

Enfin, l’Arpe prend un rôle de médiateur pour faciliter les règlements des conflits en matière de dialogue social dans le secteur. Elle peut à ce titre être saisie soit par une plateforme, soit par un représentant des travailleurs.

Auteur

  • Olivier Hielle