Secrétaire générale adjointe de la CFDT, Marylise Léon explique pourquoi sa confédération souhaite l'organisation prochaine d'une grande concertation sur le thème de l'emploi.
Quelles sont les raisons qui poussent la CFDT à demander l'ouverture d'une concertation sur l'emploi ?
Au mois de mars, le chômage a augmenté de 7,5%, ce qui veut dire qu'il y a désormais 3,48 millions d’inscrits à Pôle emploi en catégorie A. La mise en place de l’activité partielle dès les premiers jours du confinement a permis d’éviter un grand nombre de licenciements, mais il va falloir gérer l’après-crise. Car même si le déconfinement démarre le 11 mai, certains secteurs, comme celui des cafés-hôtels-restaurants, resteront fermés à l’issue de la première phase. En conséquence, dans certaines branches à risque, les défaillances d’entreprises risquent de se multiplier et le chômage d'augmenter. L’activité partielle, qui couvre déjà 12 millions de salariés ne pourra pas absorber encore longtemps le flux de ces nouveaux demandeurs d’emploi alors que les finances de l’Unédic sont fragilisées. 4,3 milliards d'euros de dépenses ont été engagés par le régime depuis le début de la crise pour couvrir à la fois les indemnités chômage «normales» et celles liées au chômage partiel. Même si l’État est garant des prêts de l’Unédic, une augmentation de sa dette signifiera que nous devrons emprunter à des taux moins avantageux… ce qui élargira encore le montant des pertes du régime ! C’est pourquoi il va falloir discuter sérieusement de cette question à l’occasion d’une grande concertation sur l’emploi.
S’agirait-il d’une négociation ou d’un événement de type conférence sociale ?
Toutes les options sont sur la table, mais il est nécessaire d’ouvrir cette concertation à un maximum d’acteurs et ne pas la limiter aux seuls partenaires sociaux. Les acteurs de l’insertion, de la formation professionnelle et le milieu associatif doivent être conviés. N’oublions pas que certaines populations qui échappent au scope de l’assurance-chômage risquent d’être gravement touchées. À commencer par les jeunes de moins de 25 ans qui ne sont même pas éligibles au RSA du fait de leur âge et pour lesquels la crise entraînera la perte d’emploi. Mais aussi les plus fragiles qui risquent de se voir précarisés encore davantage.
Demandez-vous la révision de la dernière réforme de l’assurance-chômage ?
Oui. Il faut que le Gouvernement clarifie sa position. Pendant toute la durée de la négociation de 2017 sur la réforme du régime d'assurance-chômage, il nous a expliqué et réexpliqué que la réforme n’était pas motivée par des impératifs budgétaires, mais conçue pour inciter à la reprise d’emploi. Si c’est le cas – et étant donné que l’emploi est en berne et le sera sans doute encore plus demain – la réforme telle qu’elle est appliquée depuis 2018 n’est plus en phase avec les besoins du moment. Il faut donc réviser fortement les règles de l’assurance-chômage pour qu’elle couvre un maximum de personnes. Les règles de 2017 restreignent l’accès aux indemnités chômage: il est temps, au contraire, de les étendre au plus grand nombre.
Propos recueillis par Benjamin d'Alguerre