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Les pratiques

AllemagneLe Mur subsiste dans le monde du travail

Les pratiques | publié le : 13.07.2010 | MARION LEO

Les syndicats ont transféré à l’ex-RDA le système d’accords collectifs de l’ex-RFA. Pourtant, les conditions de travail et de rémunération demeurent inégales entre Est et Ouest.

Publié le 22 avril dernier, le nouveau “rapport sur la politique tarifaire” de l’Institut de recherches socio-économiques WSI de la Fondation Hans-Böckler, proche des syndicats, contient à première vue une bonne nouvelle pour les salariés est-allemands : vingt ans après la chute du Mur, les syndicats sont parvenus à établir dans les nouveaux Länder un réseau d’accords collectifs comparable, en termes de structure et de contenu, à celui existant en Allemagne de l’Ouest. Ainsi, le niveau des salaires de base fixés dans les accords collectifs en ex-RDA atteint aujourd’hui en moyenne 96 % des salaires ouest-allemands, contre environ 60 % en 1991. De même, la durée du temps de travail hebdomadaire, qui s’élevait encore en 1991 à 40,2 heures dans l’ancienne Allemagne de l’Est, soit deux heures de plus qu’à l’Ouest, atteignait fin 2009 38,8 heures à l’Est contre 37,4 à l’Ouest. La fin du clivage Est-Ouest ?

« Malheureusement pas », déplore Reinhard Bispinck, l’auteur de l’étude, soulignant qu’il ne s’agit que de « moyennes ». Ainsi, dans certains secteurs d’activité, le différentiel salarial atteint encore près de 20 %. Les plus fortes différences subsistent au niveau du temps de travail. Pour le même salaire, les ex-Allemands de l’Est travaillent souvent plus longtemps, comme dans la métallurgie, où le temps de travail hebdomadaire est fixé par les conventions collectives à 38 heures contre 35 heures à l’Ouest.

Des salaires inférieurs pour sauver l’emploi

Mais, selon le chercheur, les disparités Est-Ouest résultent de problèmes encore plus profonds. Ainsi, nombreuses sont les entreprises, pourtant soumises aux conventions collectives, à verser en RDA des salaires inférieurs à ceux prévus dans ces conventions. Elles utilisent pour cela les “clauses d’exception” contenues dans les accords collectifs, qui autorisent les entreprises, sous certaines conditions, à s’écarter temporairement des dispositions des accords collectifs.

« Les salaires effectivement versés dans les nouveaux Länder sont ainsi souvent nettement inférieurs aux salaires officiels », poursuit Reinhard Bispinck, expliquant que cette situation résulte en grande partie de la stagnation du processus de rattrapage économique des nouveaux Länder. Ainsi, c’est en ex-RDA que fut introduite en 1993 la première clause de ce genre dans la métallurgie, marquant le début d’une longue flexibilisation du système des accords collectifs. Baptisée “clause d’exception en situation d’urgence”, elle autorisait les entreprises est-allemandes en grave difficulté à déroger à l’accord collectif dans la métallurgie au sein d’un accord d’entreprise pour sauver des emplois. Onze ans plus tard, le syndicat IG Metall faisait une nouvelle concession de taille en adoptant, en février 2004, sous la pression du patronat, le fameux accord de Pforzheim, autorisant pour la première fois les entreprises à s’écarter provisoirement des accords collectifs à titre préventif pour « maintenir et renforcer leur compétitivité »; alors que, jusque-là, ces clauses ne fonctionnaient qu’en cas de faillite. En contrepartie, les salariés obtiennent une garantie de l’emploi. Depuis 2004, plus de 3 400 accords d’entreprise ont été conclus sur la base de cet accord de la métallurgie dans toute l’Allemagne. Il a été entre-temps complété par d’autres instruments.

Désaffection pour les conventions collectives

Toutes ces clauses ont été négociées par les partenaires sociaux pour sauver des emplois, mais aussi pour tenter de mettre un terme à l’hémorragie de leurs effectifs et à l’érosion des accords collectifs. Car, depuis les années 1990, le nombre d’entreprises membres des organisations patronales, et donc soumises aux conventions collectives, se réduit chaque année. Et c’est là la dernière raison expliquant les fortes disparités de rémunération entre l’Est et l’Ouest. Car, si ce phénomène existe aussi à l’Ouest, il est encore plus marqué en ex-RDA, où seules 51 % des entreprises appliquent encore les accords collectifs, contre 65 % en Allemagne de l’Ouest.

Auteur

  • MARION LEO