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Salariés et syndicats : les variables clés de la relation

Relations Sociales | publié le : 10.04.2024 | Gilmar Sequeira Martins

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L’étude de l’Ires met à jour, grâce à des modèles de régression, l’effet spécifique de chaque variable (sexe, âge, niveau d’instruction, catégorie professionnelle, secteur d’activité, qualité des relations avec ses collègues et sa direction, niveau d’inquiétude quant à la perte d’emploi, adhésion syndicale et autopositionnement sur un axe gauche-droite).

Crédit photo zuchero/Adobe Stock

Comment évolue l’attitude des salariés vis-à-vis des salariés ? Une étude de l’Ires apporte un éclairage nouveau en allant au-delà de la mesure de la « confiance ».

Comment l’attitude des salariés vis-à-vis des syndicats a-t-elle évolué depuis vingt ans ? Une étude de l’Ires tente de répondre à cette question1. Depuis vingt ans, les travaux menés sur cette question cherchent à mesurer la « confiance » qu’inspirent ces organisations et aboutissent à trois grandes conclusions :

  1. la majorité des salariés expriment une « demande » de syndicats forts ;
  2. cette demande aurait augmenté depuis les années 1980 malgré le processus de désyndicalisation observé depuis cette époque ;
  3. enfin, l’attitude des salariés vis-à-vis des syndicats dépendrait autant de leur appartenance nationale que de leurs caractéristiques individuelles, professionnelles (conditions de travail et d’emploi, groupe professionnel d’appartenance, niveau de qualification…), sociodémographiques (âge, sexe) ou de leurs attitudes politiques.

Une nouvelle approche de la question

L’étude de l’Ires innove en élargissant le nombre d’indicateurs caractérisant les attitudes à l’égard des syndicats grâce aux dernières éditions (2005 et 2015) du module « sens du travail » de l’ISSP (International Social Survey Program). Cette enquête utilise en effet des paramètres plus variés que d’autres enquêtes comme l’European Values Study (EVS) se limitant à mesurer le niveau de confiance des salariés dans les organisations syndicales.

Les données recueillies par les enquêtes ISSP révèlent des attitudes plutôt positives des salariés vis-à-vis des syndicats, même si une part significative n’exprime aucune opinion. Il apparaît que 63,2 % de ceux ayant répondu en 2015 considèrent que « les travailleurs ont besoin de syndicats forts pour protéger leurs intérêts » mais 38,3 % ne sont « ni d’accord, ni pas d’accord » avec l’affirmation selon laquelle « des syndicats forts sont mauvais pour l’économie du pays ».

Mesurer la nature et l'intensité des opinions

L’étude de l’Ires met à jour, grâce à des modèles de régression, l’effet spécifique de chaque variable (sexe, âge, niveau d’instruction, catégorie professionnelle, secteur d’activité, qualité des relations avec ses collègues et sa direction, niveau d’inquiétude quant à la perte d’emploi, adhésion syndicale et autopositionnement sur un axe gauche-droite).

L’orientation politique joue-t-elle un rôle dans l’attitude à l’égard des syndicats ? Les travaux de l’Ires montrent que les sondés se positionnant à gauche ont des avis beaucoup plus positifs que ceux se situant au centre ou à droite de l’échiquier politique. Attention toutefois aux conclusions hâtives, car cette corrélation aurait surtout pour cause « des valeurs communes ou des caractéristiques professionnelles et des contextes de travail qui favorisent à la fois des attitudes hostiles ou favorables aux syndicats et un positionnement politique à droite ou à gauche ». L’étude précise ainsi qu’être salarié dans une petite entreprise « semble favoriser à la fois le fait d’être plus hostile aux syndicats et le fait d’adopter des comportements de vote davantage orientés à droite ou à l’extrême-droite ».

L’importance des caractéristiques professionnelles

L’étude souligne que le lien entre comportement électoral et attitudes vis-à-vis des syndicats doit être contrebalancé par le poids des caractéristiques professionnelles. Elle relève ainsi que les salariés du secteur public ont des attitudes à l’égard des syndicats plus positives que celles et ceux du privé.

La population des cadres vient renforcer l’importance de ces paramètres. L’étude précise en effet que les cadres ont des attitudes beaucoup moins positives que les autres salariés à l’égard des organisations syndicales. Le niveau d’instruction serait-il en cause ? Plutôt le fait que les cadres sont des « salariés de confiance » plus proches des employeurs que l’ensemble des salariés. Selon l’étude, cette catégorie de salariés privilégie les canaux individuels de négociation avec ses supérieurs hiérarchiques et se positionne en retrait « des formes collectives et institutionnalisées de la participation en entreprise ».

L’étude relève aussi que les salariés estimant avoir de mauvaises relations avec leur direction ont une perception plus positive des syndicats que les salariés dans la situation opposée. À l’inverse, l’isolement au travail accroît la distance avec les syndicats, mais là encore, ce paramètre ne doit pas être considéré isolément. Dès lors que les salariés se sentent inquiets quant à la pérennité de leur emploi, leur attitude vis-à-vis des syndicats tend à devenir plus positive.


(1) Étude de l'Ires, de Tristan Haute et publiée en mars 2024 Europe. La perception des syndicats par les salarié·es : logiques politiques et sociales ou logiques nationales ?

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins