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IA : les femmes seront les premières touchées

Marché de l'emploi | publié le : 09.04.2024 | Gilmar Sequeira Martins

Transformed by AI: How generative artificial intelligence could influence work in the UK - and how to manage that

Le document de l'IPPR, Transformed by AI: How generative artificial intelligence could influence work in the UK - and how to manage that (Transformé par l’IA : comment l’intelligence artificielle générative pourrait influencer le travail au Royaume-Uni – et comment gérer cela), par Carsten Jung et Bhargav Srinivasa Desikan, a été publié le mercredi 27 mars.

Crédit photo capture d'écran

L’adoption de l’IA générative va-t-elle toucher en premier lieu les femmes ? C’est la conclusion d’une étude de l’institut anglais IPPR. Dans le domaine du secrétariat et de l’assistanat, un tiers des emplois pourrait être remplacés à très brève échéance par des systèmes d’IA générative. À terme, entre 4,4 millions et 8 millions d’emplois pourraient être supprimés au Royaume-Uni.  

Les emplois qu’occupent majoritairement les femmes seront-ils les plus touchés par l’adoption de l’IA ? Une étude de l’institut IPPR (Institute for Public Policy Research) publiée en mars1 accrédite cette hypothèse. Selon les auteurs, 11 % des 22.000 activités analysées sont exposées à l’IA générative dès aujourd’hui et cette proportion pourrait quintupler à mesure que ces outils seront plus intégrés dans les process des organisations.

L’étude de l’IPPR estime que la diffusion de l’IA générative va passer par quatre phases. Durant la première, que nous vivons actuellement, l’objectif sera d’atteindre les fruits « facilement accessibles » (« low hanging fruit »). Concrètement, les systèmes d’IA sont branchés sur les process existants sans toucher les organisations du travail existantes.

Leur impact est pourtant déjà très significatif puisque 11 % des activités peuvent être « fortement » affectées. Les plus exposées sont celles du « back office », telles que l’assistanat, les activités menées par les salariés juniors et celles à temps partiel. Selon l’étude, les femmes seront « notablement plus affectées », car elles sont plus présentes dans ce type d’activité ou de contrat. Dans les professions administratives, un tiers des emplois du Royaume-Uni pourraient être remplacés par des systèmes d’IA.

59 % des activités « exposées » à l’IA

Si les entreprises décident d’intégrer l’IA plus en profondeur dans leur process, l’étude d’IPPR estime que 5 fois plus d’activités, soit 59 % du total, seront alors exposées à un risque de remplacement. Les systèmes d’IA générative seraient alors autorisés à manipuler les données des entreprises ou à exécuter certaines activités, comme passer des commandes ou enregistrer des réservations. L’impact potentiel de cette seconde étape dépend en grande partie des décisions des entreprises sur leurs flux de travail et leur organisation. L’étude souligne qu’il est très probable que l’entrée dans cette seconde phase ne se produira pas de façon homogène, ce qui produira des inégalités entre organisations.

Figure 1
Figure 1 : En phase deux du déploiement de l'IA générative, les deux tiers des emplois au Royaume-Uni pourraît être transformé.
Crédit photo : capture d'écran de l'étude

 

Les auteurs mettent aussi en avant une conviction : l’ensemble des effets de l’IA générative vont dépendre du design des systèmes, de leur taux d’adoption et des politiques mises en œuvre par les autorités. L’étude estime que ces décisions pourront être prises selon deux optiques bien différentes : soit pour augmenter la productivité et obtenir de meilleurs résultats, soit pour remplacer les salariés, quitte à conserver le même niveau de production. Prenant en compte ces deux polarisations possibles, les équipes de l’IPPR ont construit trois scénarios.

  1. Dans le premier, l’ensemble des acteurs choisit d’augmenter les capacités des salariés en place grâce à l’IA générative sans supprimer aucun emploi. Une telle démarche, si l’IA générative se répand largement, pourrait conduire à une croissance du PIB de 13 %.
  2. Si l’optique inverse est adoptée, le nombre d’emplois détruits par l’IA pourrait atteindre 8 millions et le PIB n’enregistrerait aucune croissance.
  3. Entre ces deux extrêmes, les équipes de l’IPPR ont élaboré un scénario médian qui aboutit à la perte de 4,4 millions d’emplois et une croissance du PIB de 6,4 %.

Les auteurs de l’étude estiment qu’aucune voie n’est encore tracée et qu’il reste encore possible de choisir de quelle manière l’IA générative sera utilisée, et donc touchera l’emploi et la société.

Une stratégie publique

Pour concrétiser le scénario le plus optimiste, celui misant sur l’augmentation de la productivité sans destruction d’emploi, l’étude souligne qu’il faudra mettre en œuvre une stratégie publique comprenant trois volets pour atteindre trois objectifs :

  • protéger les emplois existants et procurer des avantages aux salariés ;
  • soutenir la création de nouveaux emplois et les transitions professionnelles ;
  • enfin, atténuer les impacts de la diffusion des systèmes d’IA (réduction du temps de travail, taxation de l’automatisation, extension de la protection sociale pour compenser la baisse de revenus).

Une telle stratégie exige d’après les auteurs la création d’une institution ad hoc capable de coordonner les actions correspondant à ces trois objectifs. L’étude met aussi en exergue la nécessité de poser des barrières (« ringfencing ») à l’automatisation par l’IA générative afin de conserver une part humaine dans le travail à réaliser et les décisions à prendre, en particulier dans le domaine médical et de l’enseignement.

Figure 2
Figure 2 : Piliers politiques pour une stratégie industrielle centrée sur l’emploi pour l’IA.
Crédit photo : capture d'écran de l'étude

Si les scénarios exposés montrent que l’IA peut générer des gains de productivité et de croissance, rien ne permet d’assurer, comme l’a reconnu le CEO de OpenAI Sam Altman2, qu’ils seront répartis « équitablement », ce qui l’a conduit à proposer une imposition spécifique sur la richesse et une réforme du système de Sécurité sociale. Il s’agit d’un côté de pousser les organisations à « internaliser » les coûts du déploiement de l’IA générative et, de l’autre, d’atténuer l’impact des effets encore mal mesurés de cette nouvelle technologie sur l’activité et le marché de l’emploi.


(1) Étude de L'institut IPPR, publiée le 27 mars 2024 : Up to 8 million UK jobs at risk from AI unless government acts, finds IPPR (Jusqu'à 8 millions d'emplois britanniques à risque dans le domaine de l'IA à moins que le gouvernement n'agisse, selon l'IPPR)

(2) Point de vue de Sam Altman, directeur général d'OpenAI, publié le 26 mars 2021 : Moore's Law for Everything (La loi de Moore pour tout)

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins