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Les universités tentées de se rapprocher des entreprises

Les pratiques | publié le : 31.08.2010 | LAURENT POILLOT

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Les universités tentées de se rapprocher des entreprises

Crédit photo LAURENT POILLOT

La Conférence des directeurs de service universitaire de formation professionnelle continue veut capter 10 % de parts du marché de la formation professionnelle continue dès 2011, au lieu de 3,3 % actuellement. Elle propose d’intensifier les accords avec les milieux économiques et les réponses collectives aux appels d’offres publics.

Près de 420 000 personnes passent chaque année par l’enseignement supérieur public pour une formation continue. Pourtant, le monde universitaire français n’est pas encore un spécialiste de la formation tout au long de la vie, alors que le “long life learning” l’est pour les universités anglo-saxonnes et notamment américaines. La Conférence des directeurs de service universitaire de formation continue (CDSUFC) rapporte ainsi que ses membres réalisent 330 millions d’euros de recettes – dont 100 millions d’euros pour les Cnam. Ils ne détiennent que 3,3 % de parts de marché. La Conférence, qui s’est réunie en congrès national le 18 juin dernier, à l’université des sciences de Lyon 1, veut voir ce taux passer à 10 % dès 2011. « Pour l’heure, nous ne formons que 4,2 % des stagiaires, mais nous assurons 7 % des heures stagiaires, note Jean-Marie Filloque, président de la CDSUFC. La durée moyenne de nos formations est le double de celle des acteurs privés de la formation. »

Les cadres se forment ailleurs

Un autre indicateur significatif est le profil des personnes formées ; et c’est là qu’apparaît le retard français. « Seuls 10 % de nos étudiants sont des adultes en reprise d’études préparant un diplôme, contre 50 % dans certaines universités européennes », analyse Jean-Marie Filloque. Ce n’est pas une découverte : la plupart des techniciens et des cadres français vont se former ailleurs que dans les universités hexagonales.

Pour expliquer ce décalage, les directeurs invoquent les « faibles moyens » dont ils disposent et leur « vocation de service public ». « Nous apportons un accompagnement et un suivi des stagiaires plus approfondis qu’ailleurs », soutient Martine Carette, vice-présidente de la CDSUFC. Mais d’autres se plaignent, en aparté, de leur marginalité : « Beaucoup de services de formation ne sont pas associés aux projets des pôles de compétitivité, alors que leur université y siège », glisse un directeur parisien. « Sauf exceptions, les pôles ne se sont pas occupés de la formation », reconnaît Martine Carette.

Accepter l’idée d’aller vers les entreprises

L’isolement des établissements est aussi en cause. Lionel Collet, président de la Conférence des présidents d’universités, l’a clairement dit devant le congrès national des directeurs de services de formation continue : « Le vrai souci d’un certain nombre de nos universités est d’accepter l’idée de sortir de nos murs, d’aller vers les entreprises, d’avoir le souci de l’insertion professionnelle – une mission que nous a donnée la loi LRU depuis 2007 – et de nous structurer en conséquence. »

Miser sur la complémentarité

L’enjeu, selon lui, est de « peser sur le marché de la formation en jouant la complémentarité partout où c’est possible, et non pas la concurrence », faisant allusion à d’anciennes relations compliquées avec le Cnam. Comment ? En signant des conventions avec les régions, les milieux patronaux et les branches professionnelles, pour être reconnus comme des organismes incontournables. Exemple : dans le Nord-Pas-de-Calais, l’université des sciences et techniques de Lille a participé avec le Medef, Opcalia et l’Afpa, à un programme d’appui à la gestion des compétences et à la validation des acquis de l’expérience (projet Minerv) auprès de 150 PME-PMI, de 2008 à juillet 2010. Toujours sur le sujet de la VAE, elle travaille avec l’ensemble des certificateurs pour le compte de Leroy Merlin et, depuis peu, pour La Redoute, qui veut réaliser 150 VAE par an. Les deux présidents, Lionel Collet et Jean-Marie Filloque, souhaiteraient que ce genre de montage se multiplie. Les services universitaires sont aussi à l’affût des appels d’offres publics. Ils espèrent tirer parti du grand emprunt national, qui leur permettrait d’émarger sur une enveloppe “formation professionnelle” de 800 millions d’euros. Idem pour l’appel à projets du fonds d’expérimentation pour la jeunesse de Martin Hirsch, doté de 150 millions d’euros. Une trentaine d’universités ont déposé un projet, qui souvent consiste à proposer au sein des licences et masters des contenus de formation qui auraient valeur de titres intermédiaires, inscrits au Répertoire national des certifications professionnelles.

Ces réponses à appels d’offres sont de plus en plus collectives. C’est le cas pour les budgets formation des demandeurs d’emploi de Pôle emploi. Face à ce commanditaire, la Conférence recommande de se présenter en attelages avec les Greta, l’Afpa et le Cnam.

L’essentiel

1 Les services universitaires de formation professionnelle continue veulent tripler leur part de marché d’ici à 2011.

2 Cet objectif est-il compatible avec « les faibles moyens » dont ils disent disposer et avec leur « vocation de service public »?

3 Selon les universités, la solution passe par une politique d’alliances avec les milieux économiques, l’Afpa, les Greta et le Cnam.

VAE des « métiers du chiffre »

→ Exemple de synergie nationale bienvenue : le réseau des universités, le Cnam et les Dava échafaudent en ce moment une procédure de qualité de service commune pour la validation des acquis de l’expérience dans le secteur des “métiers du chiffre”, à travers deux diplômes de comptabilité et de gestion, de niveaux II et I. Près de 90 représentants de ces réseaux et de l’Ordre des experts-comptables, qui veille sans partage sur ces métiers, se sont rencontrés à Paris, le 8 juillet, pour discuter du mode opératoire. « Nous voulons offrir un accueil cohérent en tout point du territoire, à toutes les étapes d’information, d’orientation et d’accompagnement à la VAE sur ces métiers », commente Martine Carette, vice-présidente de la Conférence des directeurs de service universitaire de formation professionnelle continue.

→ Point de débat : les services universitaires seront absents des jurys de validation, sauf par l’intermédiaire de leurs enseignants experts-comptables. Lionel Collet, président de la conférence des présidents d’universités, estime pourtant que « la question purement académique nous revient. Sinon, on déposséderait l’université de ce qui est le cœur de sa mission : la délivrance et la reconnaissance du diplôme universitaire ».

Auteur

  • LAURENT POILLOT