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Les seniors contraints à la prolongation… dans un désert managérial

L’actualité | publié le : 26.10.2010 | GUILLAUME LE NAGARD

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Les seniors contraints à la prolongation… dans un désert managérial

Crédit photo GUILLAUME LE NAGARD

Alors que la réforme des retraites acte le recul de l’âge légal de départ, le 10e baromètre Seniors en entreprise Entreprise & Carrières/Notretemps.com/Mercer constate que les seniors vont être obligés de travailler bien au-delà de ce qu’ils souhaitent. Et que, malgré les nouvelles contraintes légales qui pèsent sur elles, les entreprises ne sont pas encore prêtes à conserver leurs salariés âgés plus longtemps dans de bonnes conditions.

La loi de réforme des retraites, qui vient de passer en procédure accélérée au Sénat, va entériner les nouvelles bornes d’âges de départ, de 62 ans et de 67 ans pour une durée de cotisation incomplète. La 10e édition du baromètre Seniors en entreprise Entreprise & Carrières/Notretemps.com/Mercer confirme que la perspective de l’allongement de la durée de vie professionnelle ne séduit pas les seniors, qui se voient mal vieillir dans des entreprises dont le management reste défaillant à leur égard.

Pourtant, avant le débat actuel sur l’âge légal, l’allongement de la durée de cotisation mis en œuvre par la réforme de 2003, ainsi sans doute que la forte taxation des préretraites collectives, ont déjà largement fait évoluer les aspirations au départ en retraite, comme nous le constatons depuis le premier baromètre, en 2005.

Recul constant

Ainsi, l’âge de départ qu’auraient souhaité, dans l’idéal, les salariés seniors interrogés ne cesse de reculer depuis cinq ans : ils ne sont désormais plus que 27 % à aspirer à une retraite avant 60 ans, contre plus de la moitié lors des trois éditions de 2005 et 2006, et encore 47 % fin 2007. A l’inverse, les salariés seniors se réfèrent avec toujours plus de force – et peut-être déjà un peu de nostalgie – au repère des 60 ans : ils sont 53 % désormais, contre 47 % en mai dernier et 31 % à 37 % lors des éditions précédentes. Des chiffres qui traduisent aussi l’impopularité actuelle de la réforme.

Si les seniors ont réévalué leur âge idéal de départ, le fossé qui le sépare de l’âge qui leur permettrait d’obtenir une retraite à taux plein ne se comble pas, puisque la réforme actuelle ou, plus graduellement, celle de 2003, repoussent l’horizon de ce dernier. Ainsi, pour ceux qui ont fait leurs calculs, 22 % seulement peuvent encore prétendre à partir à 60 ans (contre 37 % au premier semestre de cette année et 42 % en 2008). La borne des 62 ans, futur âge minimal de départ, émerge nettement à 14 %, contre 5 % à 6 % jusqu’ici ; 7 % des salariés seniors interrogés devraient attendre au-delà de 66 ans pour toucher une retraite à taux plein (contre 2 % à 3 % jusqu’ici).

Les femmes, quant à elles, doivent attendre plus longtemps que les hommes : 13 % contre 10 % pour un départ à 65 ans ; 8 % contre 6 % à 66 ans et plus.

Par ailleurs, la réforme actuelle, dont certains contours restent à préciser, suscite une incertitude renouvelée, 29 % des seniors indiquant qu’ils ne savent pas à quel âge ils pourront prétendre à une retraite à taux plein, le pourcentage le plus élevé depuis le premier baromètre. Plus de la moitié des moins de 50 ans (5 % de notre échantillon) sont dans ce cas.

La pénibilité, point d’achoppement

Alors que la pénibilité est restée, jusqu’à la fin des discussions et de l’examen législatif, un point d’achoppement, le hiatus est particulièrement net chez les ouvriers, dont un quart doivent dépasser les 60 ans au travail, alors que 94 % ne souhaiteraient pas partir après cet âge. C’est aussi le cas de 65 % des cadres – 9 % d’entre eux imaginant en revanche sans déplaisir passer le cap des 62 ans au travail et 12 % celui des 65 ans. Quant à travailler au-delà de l’âge nécessaire pour une retraite à taux plein et bénéficier ainsi d’une surcote, le recul de l’âge légal refroidit un peu les ardeurs : ils ne sont plus que 21 % à le souhaiter, contre 26 % en début d’année.

Peu de formations

Si le gouvernement et le Medef pensent que ce recul augmentera automatiquement le taux d’emploi des 55-64 ans, qui plafonne à 39 % en France, les entreprises comme les salariés concernés ne semblent pas prêts pour ces nouvelles échéances.

Les seniors interrogés sont d’autant plus réticents à allonger leur durée de vie professionnelle que le management des entreprises où ils travaillent leur semble toujours aussi insatisfaisant, des lacunes qui sont même, sans doute, accentuées par la crise. Ainsi, 33 % seulement d’entre eux ont été formés une ou plusieurs fois au cours des trois dernières années, quota le plus faible depuis 2005. Le taux d’accès des seniors à la formation professionnelle est donc très inférieur à celui de la moyenne des salariés, dont environ un tiers est formé chaque année. En revanche, contrairement aux éditions précédentes, les salariées seniors ont été plus formées que leurs collègues masculins (35 % contre 29 % depuis trois ans). Les promotions et mobilités ont ralenti (83 % n’en n’ont pas bénéficié depuis trois ans) et les augmentations de salaire individuelles ont reculé (75 % n’en n’ont pas reçu depuis trois ans). Dans ce domaine, la crise a certainement pesé sur d’autres populations avec des enveloppes réduites et une sélectivité renforcée.

En outre, les employeurs des seniors interrogés tardent à mettre en œuvre les dispositifs légaux les concernant. Par exemple, les bilans professionnels de seconde partie de carrière, droit du salarié à partir de 45 ans, n’ont encore profité qu’à 16 % des seniors interrogés. Quant aux plans de maintien dans l’emploi des seniors, obligatoires depuis janvier ou avril dernier selon la taille de l’entreprise, 83 % des seniors n’ont pas connaissance des mesures qu’ils contiennent (77 % dans les entreprises de plus de 1000 salariés et 90 % dans celles de moins de 100).

Approche différente des fins de carrière

« La plupart des sociétés rencontrent des difficultés quant aux réalisations concrètes de ces plans, précise Philipe Caré, responsable gestion des seniors chez Mercer. En contrepartie, elles ont tendance à proposer des bilans retraite – un senior sur cinq en a déjà bénéficié. Mais le GIP information retraite diffuse aussi, et gratuitement, ce type d’information. La prise de conscience des entreprises ne va démarrer que maintenant, car les salariés commencent à avoir une approche différente de leur fin de carrière, et ils ne peuvent plus être mis à la retraite par leur employeur. »

Il reste malaisé pour ces seniors de se projeter quelques années de plus dans leur entreprise, alors que les conditions de travail sont jugées assez difficiles ou difficiles par 57 % d’entre eux. Les ouvriers les ressentent plus durement que la moyenne (77 %, dont 33 % “difficiles”). Enfin, le sentiment de l’existence d’un harcèlement moral lié à l’âge dans l’entreprise ne faiblit pas depuis les premières éditions du baromètre : plus du tiers l’éprouvent encore.

Méthodologie

→ Baromètre semestriel, 10e vague. Questions mises en ligne sur le site notretemps.com, du 30 septembre au 12 octobre.

→ 3 597 questionnaires exploités. La taille de l’échantillon autorise des marges d’erreur de 0,7 à 1,6 point selon les pourcentages obtenus.

→ Profil des répondants. Moins de 50 ans : 6 % ; 50-54 ans : 18 % ; 55-60 ans : 60 % ; 61 ans et plus : 15 %.

Hommes : 37 % ; femmes : 63 %. Secteur privé : 69 %; public : 31 %.

Auteur

  • GUILLAUME LE NAGARD