logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

L’actualité

L’alternance peut-elle faire décoller l’emploi des jeunes ?

L’actualité | publié le : 23.11.2010 | ÉLODIE SARFATI

Image

L’alternance peut-elle faire décoller l’emploi des jeunes ?

Crédit photo ÉLODIE SARFATI

Doubler le nombre d’apprentis et les contrats en alternance, comme l’a annoncé le président de la République, résorbera-t-il le chômage des jeunes ? La question du financement et celle des bénéficiaires de ces nouveaux contrats restent cruciales.

A peine retrouvés ses bureaux de la rue de Grenelle, Xavier Bertrand s’attellera avec Nadine Morano, nommée ministre de l’Apprentissage et de la Formation professionnelle, au développement de l’alternance des jeunes. Tel est en tout cas l’objectif que lui a fixé, le 16 novembre, le président de la République, en annonçant le doublement du nombre de jeunes en contrat d’alternance (contrats d’apprentissage et contrats de professionnalisation), de 600 000 actuellement. Une feuille de route ambitieuse mais guère surprenante : en mai dernier déjà, Nicolas Sarkozy avait indiqué un objectif de 800 000 jeunes en alternance à l’horizon 2015.

Développer l’alternance, mais comment ? Au cours d’une visite dans un centre de formation des apprentis parisien, le 18 novembre, Nadine Morano affichait pour sa part sa volonté de « changer l’image de l’apprentissage », notamment par des campagnes de communication à destination des familles.

Un quota de 3 % d’apprentis

Pourtant, depuis dix ans, l’apprentissage a déjà évolué, et se décline de plus en plus dans les filières supérieures de formation, comme celles des ingénieurs ou des écoles supérieures de commerce. « L’idéal serait que chaque entreprise d’au moins 10 salariés ait un apprenti », a poursuivi la ministre. Aujourd’hui, les entreprises de plus de 250 salariés doivent appliquer un quota de 3 % d’apprentis.

De son côté, le Conseil d’orientation pour l’emploi (COE) recommande, pour améliorer la connaissance du milieu professionnel par les étudiants, de généraliser l’alternance dans la dernière année de tous les cursus de formation. « Par ailleurs, il faudrait, en période de retournement conjoncturel, intégrer des modules en alternance dans les contrats aidés du secteur non marchand », ajoute Marie-Claire Carrère-Gée, présidente du COE, qui préconise aussi de développer « puissamment » l’apprentissage dans le secteur public (lire encadré ci-contre).

Reste à savoir si le développement de l’alternance permettra de résorber le chômage des jeunes actifs (non scolarisés), dont le taux dépasse les 23 %. Les syndicats sont dubitatifs. Pour la CFTC, ces contrats « ne sont pas à la hauteur du problème de l’emploi des jeunes. Si on se limite à l’alternance, on n’aura pas résolu le problème dans cinq ans ». Les aides à l’embauche des jeunes en contrat de professionnalisation ou d’apprentissage doivent par ailleurs prendre fin en décembre. François Chérèque, de son côté, s’interroge sur la façon dont le chef de l’Etat « compte s’y prendre » pour convaincre les entreprises d’accueillir davantage de jeunes en alternance.

Contraignant pour les entreprises

« Depuis vingt-cinq ans, aucun des objectifs fixés en matière d’alternance n’a été atteint, remarque Jean-Jacques Arrighi, chercheur au Céreq. Pour une entreprise, accueillir un jeune en alternance est contraignant : cela suppose de remettre à plat son organisation du travail, de trouver des tuteurs, mais aussi d’avoir de la visibilité, car ce sont des contrats de travail relativement longs, et de prendre le risque de former un jeune qui ira travailler ailleurs. Pour les PME, l’intérim et le CDD sont des formules plus souples, d’autant que les jeunes arrivent sur le marché du travail de mieux en mieux formés. »

De plus, les contrats d’alternance n’échappent évidemment pas à la contraction du marché de l’emploi. Malgré des politiques de soutien, comme le plan jeunes lancé en avril 2009, le nombre de bénéficiaires est en berne : fin 2009, ils étaient 20 000 de moins que l’année précédente. Et le niveau d’insertion professionnelle des apprentis souffre lui aussi de la crise, d’après des statistiques du ministère de l’Education nationale publiées en octobre. Sept mois après leur fin d’études, les apprentis n’étaient plus que 67,3 % à être en emploi en février 2009, contre 75,8 % pour la promotion précédente. Une dégradation qui concernait tous les niveaux de qualification et toutes les spécialités.

Au bénéfice des plus qualifiés

Se posent également des questions plus structurelles. Sur les bas niveaux de qualification, « l’alternance ne mord pas malgré les politiques de soutien. Or c’est là que se trouvent les populations les plus menacées par le chômage, et c’est là aussi que l’alternance a le plus d’effet en matière d’accès à l’emploi », pointe Jean-Jacques Arrighi. Le développement de l’alternance risque donc de se faire au bénéfice des niveaux de qualification les plus hauts, pour lesquels ces contrats ont le moins de valeur ajoutée en termes d’insertion professionnelle. A niveau bac ou bac + 2, les entreprises, souvent de grande taille, utilisent l’alternance comme outil de prérecrutement pour des jeunes « qu’elles auraient recrutés de toute façon », poursuit le chercheur. C’est d’ailleurs dans ces catégories que les taux de rupture des contrats d’apprentissage sont les plus faibles. Globalement, d’après les données du Céreq, 17 % des apprentis ne vont pas au bout de leur contrat : 8 % dans les filières de l’enseignement supérieur, mais 22 % pour un diplôme de niveau V. Enfin, le développement de l’apprentissage dans les filières supérieures pourrait avoir un autre effet, souligne-t-il : celui « d’étouffer » le financement des CFA et des chambres des métiers au profit des établissements d’enseignement supérieur.

Le secteur public, terra incognita pour l’alternance

→ En octobre 2009, Laurent Hénart, député UMP de Meurthe-et-Moselle et ancien secrétaire d’Etat à l’Insertion professionnelle, remettait au Premier ministre un rapport dans lequel il proposait de porter à 100 000 le nombre de jeunes formés en alternance dans la fonction publique en cinq ans, soit 2 % de l’effectif global. Un objectif ambitieux au regard des pratiques actuelles : en 2008, la fonction publique a accueilli… 6 400 apprentis ! Le rapport Hénart suggérait d’intégrer systématiquement les apprentis du secteur public dans le calcul de la subvention de fonctionnement versée par les régions aux CFA. Le coût résiduel des formations serait pris en charge, pour les fonctions publiques territoriales et hospitalières, par le Fonds national de développement et de modernisation de l’apprentissage (FNDMA), mais également par le Centre national de la fonction publique territoriale (qui collecte les cotisations versées par les collectivités locales) et par l’Opca de la fonction publique hospitalière (ANFH). Parallèlement, Laurent Hénart imaginait un système de bonus-malus de la dotation budgétaire pour inciter les administrations de l’Etat à recruter 1 % de leur effectif en alternance.

Auteur

  • ÉLODIE SARFATI