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Les pratiques

CanadaQuand les banquiers font le coup de poing

Les pratiques | publié le : 23.11.2010 | LUDOVIC HIRTZMAN

Qui n’a pas rêvé un jour de boxer un collègue ou le confrère d’une entreprise concurrente ? A Toronto, des cadres de la finance, soigneusement préparés, affrontent régulièrement sur un ring d’autres banquiers ou courtiers.

« La plupart n’ont jamais touché à des gants de boxe. Cela crée ainsi un climat de saine rivalité lorsque j’oppose sur un ring deux personnes provenant d’institutions financières différentes », confie Mario Lechowski. Cet ancien boxeur professionnel canadien, qui a pris sa retraite en 2005, organise des combats de boxe entre des spécialistes de la finance dans le quartier de la Bourse de Toronto, Bay Street.

Au régime strict

Les protagonistes doivent être en bonne santé. Ils s’entraînent durement pendant de longues semaines avant de prétendre à un premier combat. L’organisateur refuse que, lors des grands galas de boxe qui se tiennent deux fois par an à Bay Street entre financiers, les combats ne tournent au désastre faute d’entraînement. Les boxeurs doivent donc suivre un régime strict et ne pas boire d’alcool pendant trois mois.

Une douzaine de pugilistes se retrouvent sur le ring lors de galas où plusieurs centaines d’invités ont payé 200 dollars (142 euros) pour assister aux affrontements, mais aussi pour profiter d’un bon repas dans une ambiance cosy.

Au début, Mario Lechowski organisait des combats entre avocats criminalistes. Le challenge est plus grand avec les gens de la finance. Ces derniers, très compétitifs, veulent absolument gagner. « J’ai eu des médecins, des juristes et même des travailleurs du secteur de la construction, mais ceux de la finance ont l’ego le plus fort […] Lorsqu’ils montent sur le ring, c’est la guerre », souligne l’ex-boxeur professionnel.

Vers un respect mutuel

On oppose des professions qui ne s’aiment pas, les banquiers aux courtiers, les analystes aux conseillers financiers. Lors des combats de galas, qui ont lieu traditionnellement en avril et en novembre, les distingués hommes de Bay Street desserrent leurs cravates pour se rejoindre sur un ring et canaliser leur trop-plein de hargne. L’objectif de ces affrontements n’est pas que l’un des combattants démolisse son adversaire, mais plutôt qu’à l’issue d’un combat naisse une forme de respect mutuel. Les plus agressifs redescendent sur terre ; d’autres apprennent qu’un adversaire auparavant méprisé peut être d’un courage ou d’une ténacité insoupçonnés.

« Vous obtenez instantanément des résultats, pas juste physiquement, mais surtout mentalement”, a confié William Vastis au magazine Investment Executive. A 39 ans, ce conseiller financier à la Royal Bank of Canada Dominion Securities, estime que l’esprit compétitif de la boxe l’a aidé dans son emploi pour traverser la crise économique. Il considère aussi que c’est un très bon moyen de créer un réseau de contacts.

Des ego forts

Mario Lechowski aime organiser ces rencontres entre financiers : « Pour les professionnels de la boxe, c’est leur salaire, leur métier. Pour les amateurs, ces combats ne sont là que pour faire mousser leur ego. Cela les change du bureau et leur fait prendre confiance en eux. » Ils ne veulent pas échouer, car ils représentent à la fois leur profession et leur entreprise.

« On vit dans un environnement où la testostérone est forte […] Il n’est pas question de perdre », déclarait récemment au quotidien national The Globe and Mail, Jamie Landon, un courtier de la National Bank of Canada. Lors de ces combats, les bureaucrates en col blanc prouvent leur virilité et leur dynamisme. Tous leurs collègues de bureau s’attendent à ce que leur boxeur maison porte victorieusement l’étendard de l’entreprise.

Mario Lechowski accueille pour sa part une clientèle particulièrement lucrative. Si les clubs de boxe ont ainsi découvert un filon, certains de ces boxeurs amateurs ont pris le virus. C’est le cas de William Vastis, qui organise désormais, lui aussi, des combats de boxe. Il a créé une association, Fight for the girls, dont l’objectif est de recueillir de l’argent pour la lutte contre le cancer du sein.

Auteur

  • LUDOVIC HIRTZMAN