Sous la direction de Benoît Collombat et David Servenay, La Découverte, 728 pages, 13 euros.

Cette réédition de l’histoire du patronat depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, parue il y a un an, présente un intérêt tout particulier dans le contexte actuel. Le sujet traité ici semble affleurer aujourd’hui la conscience collective et alimenter la grogne sociale qui a éclaté à propos de la réforme des retraites.

Les auteurs, tous journalistes, rappellent comment, discrètement, les élites de Vichy se sont reconverties dans les affaires pour mener tranquillement leur barque à l’ombre d’un Etat dit providence, avant de parvenir à le court-circuiter en s’attaquant non seulement au droit du travail, mais, plus sûrement encore, au compromis fordien qui consistait à acheter la paix sociale au prix de conditions de travail et de salaire convenables.

Paradoxalement, c’est la gauche qui a ouvert les vannes en opérant sa reconversion idéologique à la dérégulation des marchés. L’arrivée de Nicolas Sarkozy au pouvoir n’a pas véritablement marqué un point de bascule, tant l’Etat a aujourd’hui perdu la main dans le tourbillon de l’ouverture des marchés et de la dérégulation financière. Par contre, la proximité quasi permanente du monde politique avec le grand capitalisme rend pour ainsi dire naturel les services que l’on s’échange au fil des besoins. Argent pour financer les partis ou, juste retour des choses, coup de main au patronat en difficulté. Les habitudes sont tellement ancrées que l’idée que la crise financière pourrait être un coup de semonce moralisant un peu le jeu économique tient du pur fantasme.