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L’égalité de traitement

Enjeux | Chronique juridique par AVOSIAL | publié le : 14.12.2010 |

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L’égalité de traitement

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Depuis l’arrêt Ponsolleconsacrant le principe “A travail égal, salaire égal”, l’égalité de traitement a fait du chemin.

Il n’est plus seulement nécessaire que la différence d’avantage consenti à des salariés résulte d’une différence objective de situation ni que cette différenciation repose sur un critère pertinent. Il faut désormais que cette différence objective et pertinente le soit au regard de l’avantage octroyé. Il nous semble que cet aspect n’a pas été suffisamment souligné et c’est pourtant celui qui suscite à notre avis le plus d’interrogations. Si l’on suit le raisonnement de la Haute juridiction dans l’affaire Bensoussan, si le salarié cadre devait avoir des titres restaurant comme un non-cadre, c’est parce qu’il a besoin de manger comme un non-cadre ou, à tout le moins, il fallait que les juges du fond s’en expliquent. Si dans l’arrêt DHL, le non-cadre et le cadre doivent a priori bénéficier des mêmes jours de repos, c’est que, là encore, les juges du fond n’ont pas expliqué pourquoi le travail de celui-ci requiert davantage de repos que celui de celui-là…

Et il en résulte, dès lors, une série d’interrogations telles que la pertinence d’un régime de retraite différent selon les catégories professionnelles. Et que dire du préavis et des indemnités de licenciement ? De même, que dire d’un régime de prévoyance différent selon les catégories professionnelles ? Pourquoi les héritiers d’un salarié non cadre auraient-ils un capital décès de 200 %, alors que les héritiers d’un cadre bénéficieraient d’un capital décès de 300 %? Ne sommes-nous pas tous égaux devant la mort ?

A y regarder de plus près, ne pourrait-on pas s’interroger sur le salaire lui-même ? En quoi, au regard du salarié (et non de l’entreprise), une différence de salaire se justifie-t-elle ? Certains salariés auraient-ils moins besoin d’argent pour satisfaire leur quotidien que d’autres ? En quoi le cadre supérieur aurait-il davantage besoin de rouler en Porsche Cayenne que son assistante ?

Si l’on revient au principe “à travail égal, salaire égal”, on voit pourtant bien que la dimension du travail accompli, c’est-à-dire le fruit qui en est retiré par l’entreprise, constitue l’une des deux branches du principe, et que ce n’est donc pas au regard de l’avantage procuré au salarié que le caractère pertinent de l’avantage doit être examiné.

Ce n’est qu’à travail égal que salaire égal. Or, les différents avantages (préavis, indemnité de licenciement, retraite, prévoyance) ne sont rien d’autre que des éléments d’un “paquet de rémunération”. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la Haute juridiction exige que le principe “à travail égal, salaire égal” soit respecté dans l’octroi de ces différents avantages. Et il nous semble qu’à partir du moment où l’on reconnaît qu’un travail différent permet une rémunération différente, il n’y a pas lieu d’examiner ensuite sous quelle forme celle-ci est octroyée. Il s’agit là d’un choix de l’employeur ou, mieux encore, d’un choix des partenaires sociaux lorsque les avantages sont issus d’un accord collectif qui n’a pas nécessairement à être contrôlé, d’autant que l’appréciation de la pertinence de cette différence est nécessairement subjective.

La politique de rémunération d’une entreprise – a fortiori dans des activités de service – n’est-elle pourtant pas l’un des éléments clés du succès, fruit d’un choix de l’entreprise ou des partenaires sociaux ?

En définitive, il nous semble que la Haute juridiction, en exigeant une corrélation entre l’avantage octroyé et la différence de situation du salarié au regard de celui-ci, est allée trop loin. Il semble que la Cour de cassation en ait conscience. Il semble qu’elle attende une occasion pour tempérer l’interprétation qui peut être faite des arrêts précités…

Cela nous paraît d’autant plus nécessaire que, si les contentieux sur l’égalité de traitement se multiplient, ceux sur la discrimination (hormis la discrimination syndicale) restent pourtant limités. Or, c’est peut-être sur ce terrain que les attentes sociales sont les plus fortes. Comment intégrer tous ces jeunes de banlieue qui, chaque jour, se voient refuser des embauches ?

Il y a, nous semble-t-il, beaucoup plus d’urgence sociale de ce côté-là que du côté des politiques de rémunération des grands groupes.

Joël Grangé est avocat associé au cabinet Flichy Grangé Avocats, membre d’Avosial, le syndicat des avocats en droit social.