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La baisse de la TVA a profité aux salariés de Buffalo Grill

L’actualité | publié le : 21.12.2010 | FRÉDÉRIC BRILLET

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La baisse de la TVA a profité aux salariés de Buffalo Grill

Crédit photo FRÉDÉRIC BRILLET

La baisse de la TVA dans la restauration s’est traduite chez Buffalo Grill par un accord portant sur la redistribution de 9 millions d’euros aux salariés. L’exemple n’est pas isolé dans le secteur, lequel n’a en revanche pas créé les emplois promis ni baissé les tarifs de consommation.

« C’est la première fois que les syndi­cats signent chez Buffalo Grill un accord sur les hausses de salaires, qui plus est à l’unanimité », reconnaît Roger Malet, secrétaire du comité d’entreprise et élu FO chez le restaurateur. De fait, la chaîne a conclu, en juin 2010, un accord avec la CFDT, la CFE-CGC, la CFTC, la CGT et FO, portant sur les compensations sociales liées à la baisse de la TVA de 19,5 % à 5,5 % en juillet 2009.

Il est vrai que les négociations pour cet accord, qui concerne 5 500 salariés travaillant dans plus de 200 restaurants détenus par la maison mère, démarraient sous des auspices favorables. « D’habitude, les syndicats formulent des revendications salariales. Mais cette fois-ci, nous sommes arrivés en mettant d’emblée 9 millions d’euros sur la table pour discuter avec eux de la manière dont cet argent pouvait améliorer la situation des salariés », explique Hervé L’Homme, DRH de Buffalo Grill.

Avancées sociales

Résultat des discussions ? La direction et les syndicats ont décidé d’accorder 3 % d’augmentation générale des salaires de base et jusqu’à 15 % pour certains salaires minimaux de la grille. Ils ont étendu la complémentaire santé aux non-cadres ; institué une prime de transports de 200 euros par an (les Buffalo Grill se situent en périphérie des villes dans des zones souvent mal desservies par les transports en commun), et un décompte du temps de travail effectif par “badgeage”, pour mettre fin aux litiges. En outre, ils ont octroyé le paiement d’une journée d’absence par an pour enfant malade, sur présentation d’un justificatif médical, et une sixième semaine de congés payés.

Ces avancées sociales s’inscrivent dans les engagements économiques et sociaux pris par les restaurateurs en contrepartie de cette nouvelle niche fiscale. A l’origine, la profession s’était engagée en avril 2009 à répartir la baisse de la TVA en trois tiers entre les consommateurs, les salariés et le développement des entreprises (mises aux normes, ouverture d’établissements…). Le bilan sur les créations d’emploi et sur la hausse du pouvoir d’achat des consommateurs de ce cadeau gouvernemental de 2,4 milliards d’euros par an fait débat (lire encadré ci-contre).

Le seul impact positif confirmé concerne le volet social, avec notamment la signature d’un accord de branche sur la revalorisation des salaires, la mise en place d’une prime annuelle et d’une mutuelle santé. « L’accord a été suivi d’effets, les employeurs des petites entreprises ont joué le jeu, même si nous sommes conscients que cette attitude est liée à la baisse de la TVA », déclare Stéphane Fustec, secrétaire fédéral de la CGT commerce et services, signataire de l’accord.

Par ailleurs, il estime que « la plupart des grosses entreprises » du secteur ont attribué à leurs salariés des avantages supérieurs à ce que prévoit l’accord de branche. Dans un rapport titré “Une mesure qui a fait ses preuves”, remis le 28 octobre dernier au gouvernement, le sénateur Michel Houel affirme de son côté que la mesure a notamment permis de distribuer 1 milliard d’euros sous forme de hausse de salaires.

Niche fiscale remise en cause

Sera-ce suffisant pour sauver la baisse de la TVA, qu’une partie de la classe politique envisage aujourd’hui de remettre en cause, considérant que trop peu de restaurateurs ont joué le jeu ? « Il y a un risque que cette mesure ne s’inscrive pas dans la durée », estime Stéphane Fustec, qui ne voit pas la situation évoluer en 2011, mais peut-être en 2012. « Va-t-on revenir à 19,6 %, ou à un taux intermédiaire ? », s’interroge le syndicaliste. Il reste d’ailleurs très partagé sur l’opportunité d’une mesure qui a permis « un grand pas en avant » sur les conditions de travail, mais qui coûte cher à l’Etat.

« Si l’on revient à une TVA à 19,6 %, l’accord de branche pourra être remis en cause, mais nous ne toucherons pas à l’accord entre Buffalo Grill et les partenaires sociaux », promet de son côté Hervé L’Homme, qui craint cependant l’impact d’une hausse de la TVA sur les prix, la fréquentation et in fine, sur l’emploi.

L’essentiel

1 La baisse de la TVA dans la restauration devait, selon ses promoteurs, réduire l’addition des clients, créer des emplois dans le secteur et augmenter les rémunérations des salariés.

2 Les deux premiers objectifs ne sont pas atteints, en revanche les entreprises ont redistribué une partie de la baisse de la TVA à leurs salariés, à l’image de Buffalo Grill.

3 La direction a proposé une enveloppe de 9 millions d’euros, qui a permis, après négociation, d’augmenter les salaires, de distribuer des primes et de procéder à des améliorations sociales.

Le secteur a négligé les consommateurs et l’emploi

→ La baisse de la TVA n’a guère profité aux consommateurs : l’Insee constate que les additions n’ont reculé que de 1,7 %, loin des 3 % promis par la profession. « La baisse de la TVA n’a pas entraîné de baisse des tarifs à la consommation », confirme Stéphane Fustec, secrétaire fédéral de la CGT Commerce et Services.

→ Côté recrutements, le secteur a enregistré sur un an près de 6 000 créations d’emploi, selon le Conseil des prélèvements obligatoires, organisme rattaché à la Cour des comptes, alors que les restaurateurs s’étaient engagés sur 20 000 emplois pérennes en deux ans. Il est vrai qu’entre-temps, la conjoncture s’était assombrie et a pénalisé la fréquentation des restaurants.

→ De son côté, le sénateur Houel, dans son rapport remis au gouvernement, affirme que la baisse de la TVA a permis de créer 20 000 emplois. « J’ai des doutes sur la manière dont le sénateur Houel a comptabilisé les emplois créés », déclare Stéphane Fustec, qui a été auditionné dans le cadre de ce rapport.

Auteur

  • FRÉDÉRIC BRILLET