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Les pratiques

Second plan de reprise à hauts risques pour l’emploi

Les pratiques | Retour sur… | publié le : 21.12.2010 | SOLANGE DE FREMINVILLE

Le géant américain Owens-Illinois pose des conditions drastiques au rachat de la Verrerie du Languedoc. Il y a quatre ans, la précédente reprise avait déjà imposé la suppression de 300 emplois. Les raisons d’un nouveau bras de fer.

Le couperet est de retour… Quatre ans après avoir été cédée par Nestlé Waters, la Verrerie du Languedoc, qui fabrique les bouteilles de Perrier et de San Pellegrino à Vergèze (Gard), est de nouveau en vente. Et le candidat à la reprise, Owens-Illinois, premier fabricant mondial de verre, demande la suppression de 68 postes sur 192 et celle d’une ligne de production sur quatre avant de signer le rachat.

Mesures d’accompagnement

Au chapitre des mesures d’accompagnement figurent des conventions de reclassement personnalisé, des incitations au départ volontaire et quelques reclassements au sein du groupe Owens-Illinois. Des mesures que la CGT, syndicat majoritaire, juge « inacceptables ». De même qu’elle ne cache pas ses craintes au sujet du plan de reprise : pas d’investissement annoncé, le risque de baisse des salaires et d’augmentation de l’intérim, aucune garantie concernant la pérennité de l’entreprise. « Et si le repreneur abandonnait le site pour récupérer les volumes de production ? », s’inquiète Christophe Englan, secrétaire de la CGT.

Une productivité améliorée

En 2004, la vente de la Verrerie du Languedoc, qui employait alors 475 salariés, à la Financière de La Croix-Blanche (FCB), une holding familiale dirigée par Michel Roquette, s’était faite à des conditions encore plus draconiennes : suppression de 300 emplois et baisse des salaires de 25 % à 30 %. Mais au terme d’un bras de fer, Nestlé Waters s’est résigné à financer la cessation anticipée d’activité de 270 personnes (âgées de plus de 50 ans) et à reclasser 30 salariés à la Source Perrier. Aucun licenciement sec n’a été prononcé. Pour le groupe agroalimentaire Nestlé, l’objectif était de se séparer d’une activité éloignée de son cœur de métier et mise à mal par le développement des bouteilles en plastique.

Résultat : quand la FCB a pris les rênes de la Verrerie du Languedoc fin 2004, il ne restait qu’un seul four et 175 salariés. En raison des départs massifs et des mesures d’âge, 60 % des salariés ont été contraints de changer de poste dans l’entreprise. Pour autant, le dispositif FNE formation, envisagé au moment du rachat, n’a jamais été signé. La formation des salariés, assurée par Saint-Gobain Emballage, s’est élevée à 8 % de la masse salariale en 2007, à 7 % en 2008 et à 4 % en 2009. Michel Roquette se souvient « d’une année 2007 calamiteuse, où l’on a craint un accident mortel », et les représentants des salariés déplorent une série d’accidents du travail.

Cependant, la production a été assurée, l’effectif s’est étoffé au fil des ans avec une quinzaine d’emplois en plus et, d’après la direction, la productivité s’est nettement améliorée. Le problème est ailleurs. L’entreprise gardoise est désormais pieds et poings liés. D’une part, elle se retrouve en position de sous-traitance vis-à-vis d’un client unique, Nestlé Waters, avec qui a été signé un contrat garantissant la fourniture d’un volume annuel jusqu’en 2016. Aujourd’hui encore, 90 % de la production lui est destinée. Le contrat est léonin : la CGT dénonce un prix de vente de 25 % inférieur au prix du marché. Michel Roquette déplore aussi « un tarif inférieur au prix du marché, mais qui a été corrigé fin 2009 ».

Coûts structurels élevés

D’autre part, l’entreprise se heurte à une difficulté majeure : les coûts structurels (salaires et équipements) sont élevés. En 2010, la seule réfection décennale du four a coûté 6,5 millions d’euros, couverts par un emprunt bancaire et des acomptes de Nestlé. Nécessaire pour sortir de l’ornière, la politique de diversification a donné trop peu de résultats. Seulement 10 % de la production est vendue à la clientèle viticole. D’après le dirigeant de la Verrerie du Languedoc, un investissement de 14 millions d’euros a été engagé en 2007 pour créer une ligne de production de bouteilles destinées au marché du vin. Mais il manque à l’entreprise, spécialisée dans le verre de couleur verte, un four équipé pour produire du verre ambré et du verre blanc à l’intention de la clientèle viticole.

La forte concurrence des grands verriers

En outre, l’entreprise s’est heurtée à la concurrence des grands verriers, en particulier d’Owens-Illinois et de Saint-Gobain, peu disposés à lui laisser une place sur un marché qui, en France, est à la baisse. D’autant que face à ces géants, la société gardoise s’est retrouvée en position de demandeur. En effet, Michel Roquette envisage depuis le début une solution : adosser l’entreprise à un géant du secteur. « Je ne serais pas venu si je n’avais pas eu la promesse de rachat de l’entreprise par Saint-Gobain », déclare le dirigeant de la société gardoise. Le projet est tombé à l’eau quand, en 2009, le groupe industriel a décidé de vendre sa filiale Saint-Gobain Emballage et de fermer des fours.

Depuis le 18 novembre, c’est donc Owens-Illinois qui est en lice, avec le soutien du dirigeant de la verrerie. Et un nouveau bras de fer est engagé avec les syndicats, très inquiets pour l’emploi et l’avenir du site.

Auteur

  • SOLANGE DE FREMINVILLE