Le fossé se creuse entre les salariés et les directions : les DRH en ont pris conscience. C’est la double conclusion - inquiétante et rassurante - à laquelle parvient l’enquête croisée d’Entreprise & Personnel et de Sociovision, qui sera rendue publique le 19 janvier lors de la première université d’hiver d’Entreprise & Personnel, consacrée aux proximités managériales, territoriales et syndicales (lire ci-contre). Comme elle, de multiples enquêtes d’engagement ou de climat social, notamment le baromètre du stress de la CFE-CGC, constatent de façon récurrente la distance prise entre les salariés et leur direction.

Face à ce risque renouvelé de désengagement, les managers de proximité redeviennent l’objet de toutes les attentions. L’Association nationale des DRH (ANDRH) a fait du soutien à cette population l’une des priorités pour 2011 qu’elle présentera le 24 janvier. Et elle se penchera sur la question - liée à la performance de l’entreprise comme à la prévention des risques psychosociaux - lors d’une des étapes de son Tour de France (1).

« La sortie de crise n’est pas simple, expose son président Jean-Christophe Sciberras. Les collaborateurs ont à réaliser des tâches de plus en plus complexes dans un contexte tendu. C’est la qualité et la proximité du management qui feront toute la différence. » Et de rappeler l’importance, pour le cadre intermédiaire, de fonctionner en binôme avec un RH de proximité qui pourra l’épauler.

En septembre dernier, déjà, l’enquête internationale du Boston Consulting Group (BCG) soulignait la dimension clé du management de proximité pour renforcer l’engagement des collaborateurs - item classé dans le peloton de tête des enjeux actuels de la fonction RH. En marge de l’enquête, le BCG a publié un livre blanc prônant un new deal pour ces cadres. Le document conseille notamment de réduire leur nombre pour élargir leur rôle et accroître leur autonomie ; de développer leur capacité à décider et à organiser ; de consacrer des moyens à leur évolution de carrière ; et de les associer à l’élaboration de la stratégie de l’entreprise (lire Entreprise & Carrières n° 1017). Syntec Conseil en Management (syndicat de la Fédération Syntec regroupant 85 cabinets) s’associe à ce concert de préconisations, en incitant les entreprises à « réhabiliter leur management de proximité ».

Une étude menée par l’un de ses membres auprès de 200 entreprises françaises, dévoilée en mai 2010 (2), révèle que les cadres intermédiaires se concentrent essentiellement sur les activités opérationnelles.

Chapeautant en moyenne une équipe de neuf collaborateurs, ils ne consacreraient à chacun que 10 % de leur temps, selon les dirigeants et les DRH interrogés. Soit un accompagnement individuel réduit à une vingtaine de minutes par semaine. Trop peu pour entretenir la motivation du personnel.

« Les DRH et directeurs généraux sont convaincus de la nécessité de s’appuyer sur les managers de proximité pour développer la performance des collaborateurs, soutient Patrick Roth, administrateur de Syntec Conseil en Management et directeur associé du cabinet Hommes & Performance. Mais ils reconnaissent aussi le décalage entre ce que l’on attend d’eux et ce sur quoi ils sont effectivement évalués. »

D’après l’étude, 3 % seulement des entreprises ont mis en place des indicateurs qualitatifs sur le mode de management. Outiller l’encadrement de proximité avec des moyens appropriés est devenu nécessaire. « Mais c’est une démarche qui prend du temps », prévient Patrick Roth.

C’est déjà l’analyse de Thales Air Systems, qui encourage depuis l’année dernière la création de communautés de managers, afin qu’ils puissent s’épauler et se conseiller dans leur quotidien ou dans des situations difficiles, comme par exemple le suicide d’un salarié. En 2011, l’entreprise va également sonder un échantillon de managers sur leurs attentes spécifiques.