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La Halde est morte… vive le Défenseur des droits ?

L’actualité | publié le : 01.02.2011 | EMMANUEL FRANCK

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La Halde est morte… vive le Défenseur des droits ?

Crédit photo EMMANUEL FRANCK

Un projet de loi en cours d’adoption transfère les compétences de la Halde au Défenseur des droits. Les pouvoirs restent à peu près les mêmes, mais ils sont davantage concentrés entre les mains du Défenseur. De sa personnalité dépendra la politique de lutte contre les discriminations, notamment au travail.

Les entreprises n’aimaient pas beaucoup la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde); aimeront-elles davantage le Défenseur des droits ? La réponse dépendra pour beaucoup de la personnalité de celui ou de celle qui occupera le poste. Cette nouvelle « autorité constitutionnelle indépendante » doit en effet absorber la Halde ainsi que trois autres autorités administratives. Ce sera donc désormais le Défenseur des droits qui traitera des discriminations au travail. Le projet de loi, encore très instable la semaine dernière, doit être étudié par les sénateurs en deuxième lecture ce 1er février. Il devrait repasser devant les députés le 15 du mois. « Il y a un lobbying terrible, tout peut encore changer », prévient Agnès Cloarec-Mérendon, avocate associée au cabinet Latham & Watkins, qui travaille pour les directions d’entreprise.

Perte de collégialité

Deux éléments semblent cependant acquis : le Défenseur des droits disposera à peu près des mêmes compétences que la Halde en matière de lutte contre les discriminations ; ces pouvoirs seront transférés du collège vers le Défenseur. En effet, les décisions de la Halde étaient prises par un collège de 11 personnes, alors que, dans la nouvelle configuration, celui-ci n’a qu’un pouvoir consultatif.

Des amendements adoptés la semaine dernière en commission des lois du Sénat visaient d’ailleurs à atténuer cette tendance à l’individualisation et à restaurer de la collégialité. Dans sa version du 26 janvier, le projet de loi rendait obligatoire la consultation du collège par le Défenseur ; le collège s’ouvrait davantage à la société civile (nomination de deux membres par le Conseil économique, social et environnemental); le Défenseur devait exposer ses motifs au cas où il s’écarterait des délibérations du collège ; et les adjoints du Défenseur disposaient de davantage de pouvoirs.

C’est cette perte de collégialité qui inquiète le plus les acteurs de la lutte contre les discriminations. « Le Défenseur sera nommé en conseil des ministres, cela pose un problème d’indépendance », estime Adria Houbairi, secrétaire confédérale à la CFDT, en charge des questions de liberté et de justice. La semaine dernière, c’est Françoise de Panafieu, élue UMP de Paris, qui était favorite pour occuper le poste. « Comment le Défenseur, nommé par le gouvernement, pourra-t-il s’exprimer sur une décision du gouvernement ? », s’interroge Arnaud de Broca, secrétaire général de la Fnath, l’association des accidentés de la vie. Il ajoute : « Les décisions prises par le seul Défenseur risquent d’être moins pertinentes. »

Répartition des pouvoirs

Certes, le Défenseur disposera d’un adjoint dédié à la lutte contre les discriminations – peut-être Eric Molinié, actuel président de la Halde –, mais « c’est le Défenseur des droits qui décide des pouvoirs qu’il lui transfère », remarque Agnès Cloarec-Mérendon.

Enfin, « la Halde est devenue incontournable parce que les gens savent que tous les dossiers sont traités, or le Défenseur décidera selon des critères connus de lui seul de ce qu’il traite ou non. Les gens devront aller davantage devant la justice », regrette Arnaud de Broca.

La semaine dernière, toutes les questions portaient donc sur la répartition des pouvoirs au sein de la nouvelle autorité. Cela dit, ses pouvoirs en matière de lutte contre les discriminations sont à peu près les mêmes que ceux de la Halde.

Compétences similaires

D’après le texte en cours d’adoption, le Défenseur disposera, comme la Halde, du pouvoir de demander des explications aux personnes mises en cause ; de se rendre dans les locaux, quitte à saisir le juge ; de s’autosaisir d’un dossier et de saisir l’autorité compétente ; de faire la publicité d’une décision ; d’organiser une médiation ou une transaction ; de mener des actions d’information ou de formation dans ses domaines ; de désigner des délégués territoriaux. Enfin, les procédures entamées sous la Halde sont reprises par le Défenseur.

Plus de 30 000 réclamations reçues depuis 2005

La Halde a vu le jour en 2005, en application de la loi du 30 décembre 2004 transposant la directive européenne du 29 juin 2000 « relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique ».

Indépendante, la Halde peut s’autosaisir ou être saisie par tout citoyen de tous les cas de discrimination prohibés par la loi française et les engagements internationaux signés par la France. L’autorité administrative dispose de plusieurs compétences : émission de recommandations (par les 11 membres du collège), témoignage devant des juridictions, proposition de modification législative ou réglementaire, promotion d’actions de lutte contre les inégalités. Le collège peut s’appuyer sur les avis d’un comité consultatif, composé de 18 membres issus de la société civile. Le tout s’appuyant sur le travail d’une vingtaine de salariés et de 150 correspondants locaux bénévoles.

Une majorité de dossiers irrecevables

Entre 2005 et 2009, la Halde a reçu près de 31 000 réclamations, avec l’origine comme premier motif de discrimination, devant l’état de santé ou le handicap. Seuls 1 752 cas de discrimination ont fait l’objet d’une instruction approfondie de la part de la Haute autorité, la majorité des dossiers étant jugés irrecevables.

Parmi les cas pris en charge, 394 ont donné lieu à des délibérations (dont 212 avec passage devant les tribunaux), le reste ayant été réglé par accord amiable, rappel à la loi, ou grâce à l’intervention des correspondants locaux. Enfin, la Halde compte à son actif deux actions de « testing » réalisées en 2006, sur l’accès au logement et sur les procédures d’embauche. Son budget global annuel en 2009 était de 12 millions d’euros (contre 3,2 en 2005).

CATHERINE DE COPPET

Auteur

  • EMMANUEL FRANCK