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Les pratiques

AllemagneLes conducteurs de train veulent leur propre convention collective

Les pratiques | publié le : 15.03.2011 | MARION LEO, À BERLIN

La grève illimitée annoncée le 7 mars par le syndicat allemand des conducteurs de locomotive GDL illustre les problèmes posés aux entreprises par le développement de petits syndicats corporatistes puissants et déterminés.

L’année 2011 avait si bien commencé pour Ulrich Weber, DRH de la compagnie publique Deutsche Bahn (DB). Le 17 janvier, il avait apposé sa signature au premier accord collectif de branche adopté dans le secteur ferroviaire régional, aux côtés du syndicat majoritaire des cheminots EVG et des six principaux opérateurs privés (Abellio, Arriva Deutschland, BeNEX, Keolis Deutschland, Veolia Verkehr et Hessische Landesbahn). Sous la pression du syndicat, les concurrents privés de Deutsche Bahn avaient accepté un accord prévoyant des salaires largement alignés sur les barèmes élevés de la DB : de quoi ramener la paix sociale au sein de l’entreprise publique tout en réduisant la concurrence exercée par les compagnies privées.

Accord de branche séparé

Mais c’était sans compter sur le petit syndicat des conducteurs de locomotive GDL. Après trois grèves d’avertissement, cette organisation a annoncé le 7 mars le lancement d’un mouvement national, voté par plus de 90 % de ses adhérents. Le syndicat corporatiste entend forcer la DB et ses concurrents privés à signer un accord de branche séparé, valable pour l’ensemble des 26 000 conducteurs de train (lignes régionales, grandes lignes et fret) et qui s’alignerait entièrement sur les salaires de la DB. Pas question pour le GDL de reprendre l’accord conclu par le syndicat EVG, parce qu’il n’est pas assez avantageux et parce qu’il considère contestable la représentativité d’EVG : le GDL, qui représente plus de 80 % des conducteurs de locomotive, estime être le seul syndicat habilité à conclure des accords pour ces derniers.

Principe d’unité tarifaire

Ce conflit illustre les problèmes posés aux entreprises par l’émergence de petits syndicats corporatistes, puissants et combatifs. Jusqu’à l’été dernier, elles en étaient protégées par le principe de “l’unité tarifaire” (“une entreprise, une convention collective”). Inscrit dans aucune loi mais confirmé par une importante jurisprudence, ce principe interdisait la coexistence de plusieurs accords collectifs contradictoires pour le même corps de métier dans une entreprise. Elément clé de “l’autonomie de négociation”, il avait pour avantage de limiter les risques de conflits sociaux, car pendant toute la durée d’un accord collectif les salariés sont obligés de respecter la clause de la paix sociale.

Eclatement du système

Mais en juin 2010, le Tribunal fédéral du travail a opéré une volte-face en reconnaissant la validité de conventions collectives concurrentes pour un même ensemble de salariés. A l’unisson, employeurs et syndicats du DGB, la principale confédération syndicale, avaient alors averti que la suppression de l’unité tarifaire pourrait mettre en danger la paix sociale. Elle risque de « conduire à l’éclatement du système des accords collectifs, à une division des salariés et à une multiplication des conflits sociaux », avait alerté Dieter Hundt, président de la fédération des employeurs allemands BDA. « Les syndicats corporatistes ne veulent prendre en compte que leurs propres intérêts. Ce n’est pas notre philosophie », avait renchéri un porte-parole du syndicat des services Verdi.

Alliance employeurs et syndicats majoritaires

Scellant une alliance peu ordinaire, les partenaires sociaux avaient alors exhorté le gou-vernement d’Angela Merkel à garantir le principe de l’unité tarifaire par voie législative. Selon eux, une telle loi devrait rendre obligatoire, en présence d’accords concurrentiels, la convention collective signée par le syndicat ayant le plus d’adhérents au sein de l’entreprise. Le gouvernement est précisément en train de préparer un projet de loi sur cette base.

Auteur

  • MARION LEO, À BERLIN