Nicolas Bouzou, éditions JC Lattès, 278 pages, 18 euros.

Les Trente Glorieuses ont fondé le pacte républicain sur le partage de la valeur ajoutée. Les salariés les plus impliqués dans un discours révolutionnaire avaient même fini par s’y laisser prendre. Ciblant l’essentiel de leurs revendications sur le pouvoir d’achat, ils acceptaient d’une certaine manière d’échanger de la prospérité matérielle contre l’acceptation de la logique capitaliste. Il semble que l’on assiste aujourd’hui à une sorte de détricotage du processus.

Non seulement les exclus de l’emploi et les précaires ont toutes les raisons économiques et sociales de ne plus cautionner le système, mais l’inquiétude semble gagner les classes moyennes. Cela concerne aussi les personnes qui ne sont directement concernées ni par la précarité ni par une baisse du pouvoir d’achat. Les retraités s’inquiètent du sort de leurs enfants tandis que ceux qui sont encore dans l’emploi se demandent ce que vont devenir les leurs, y compris ceux qui ont réussi à passer le filtre scolaire.

Des fractures multiples apparaissent, qui fragilisent le corps social tout entier. C’est déjà le cas entre catégories sociales différentes mais également parfois au sein de la même catégorie.

Cela est vrai jusques et y compris pour les professions traditionnellement valorisées. Elles ne mettent pas toujours leurs membres à l’abri du besoin, pour peu que l’exercice de la profession, dans un secteur géographique ou une spécialité peu porteurs, se double d’une situation familiale fragile : famille monoparentale, divorce, problèmes de santé, etc. La France d’en bas commence à avoir le moral dans les chaussettes.

Nicolas Bouzou est économiste, enseignant à l’université Paris 2-Assas.