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NorvègeLE PAYS OÙ LES SALARIÉS SONT AUSSI PAPAS

Pratiques | International | publié le : 05.07.2011 | ANNE THOMSON

90 % des salariés pères y prennent un congé paternel financé par l’État jusqu’à douze semaines. Un exemple observé par la France.

Petter Merok est un homme heureux : directeur du département de développement technologique chez Microsoft Norvège, il a bénéficié d’un congé paternité de trois mois avec une compensation salariale de 100 %. Une politique gagnant-gagnant revendiquée par son employeur qui, en préservant l’équilibre entre vie professionnelle et vie familiale de ses salariés, attire et garde les plus hauts potentiels. Non remplacé, il restait joignable et organisait de courtes réunions à son domicile. Une illustration de la culture et des pratiques RH qui valent à Microsoft d’être en tête du classement de l’institut Great Place to Work depuis 2004.

Tout aussi représentatif de cette nouvelle génération d’hommes impliqués dans l’éducation de leurs enfants, Steinar Line, directeur de groupe chez Kantega, société de services et conseils en informatique, a lui aussi pris trois congés de paternité de six, trois et cinq mois, en 2007, 2008, et 2009. Remplacé par un consultant externe indépendant, il estime que ces périodes passées en famille l’ont aidé à définir de nouvelles perspectives de carrière. Selon ses observations, la flexibilité et le respect de la vie familiale des salariés réduisent le turn­over. Kantega a d’ailleurs reçu en 2008 le prix du Bouquet doré de l’Association norvégienne pour la santé des femmes.

Même si leur entreprise fait mieux que la loi, ces deux pères ne sont pas une exception dans un pays où, selon le gouvernement, 90 % des pères ont profité de leur congé paternité en 2008. Exemplaires à cet égard, Audun Lysbakken, ministre de l’Enfance, de l’Égalité et de la Cohésion sociale, a pris un congé paternité de novembre 2010 à mars 2011, tandis que Knut Storberget, ministre de la Justice, s’est absenté du 1er janvier au 31 mars 2011. Tous deux ont été remplacés par des ministres femmes, dans un gouvernement à 50 % féminin.

Un quota incitatif

Face à ce pays pionnier, la France semble sous-évaluer la fonction parentale des hommes salariés : 11 jours indemnisés sont accordés aux pères en 2002, ajoutés aux trois jours d’absence autorisés à la naissance d’un enfant. L’évolution pourrait être accélérée par le Plan triennal sur l’égalité professionnelle annoncé par Roselyne Bachelot-Narquin le 28 juin.

Le dispositif du congé parental norvégien, voté en 1977, prévoyait un partage entre les deux parents. Au début des années 1990, seuls 2 % à 3 % des pères en profitaient. Plus incitatif, un quota paternel a été mis en place en 1993. Non obligatoire, mais perdu s’il n’est pas utilisé car non transférable à la mère, il a suscité de nombreuses vocations. Chacun des parents norvégiens bénéficie ainsi d’un congé automatique de deux semaines après une naissance ou une adoption.

Plafond à 60 000 euros

La durée du congé parental a régulièrement été allongée et, depuis le 1er juillet 2011, la famille dispose de 47 semaines de congés payés à 100 % ou de 57 semaines payées à 80 %. Un quota de douze semaines est attribué au seul père, les trois semaines précédant l’accouchement et les six semaines suivantes étant réservées à la mère. En pratique, le père remplit un formulaire traité par la NAV, l’Agence norvégienne pour l’emploi et Caisse d’assurance maladie, qui calcule le montant de l’indemnité versée sur la base du salaire. L’employeur, qui ne peut refuser ce congé, verse l’allocation légale, dont le montant est plafonné à un peu plus de 60 000 euros (au 1er mai 2011) pour l’ensemble de la période, et qui lui sera ensuite remboursée par la NAV. Nombre d’entreprises compensent la différence entre l’indemnité versée et le salaire excédant ce plafond.

Pour Anders Huuse Kartzow et Ole Bredesen Nordfjell, de Reform, centre de ressources pour les hommes, l’égalité des sexes au travail est perçue en Norvège non pas comme une victoire des féministes, mais comme un acquis pour les hommes. Øyvind Rongevær, responsable d’évaluation à LO (le plus grand syndicat en Norvège), souligne que ce quota favorise le taux d’activité des femmes, passé à 76 % en 2010.

Auteur

  • ANNE THOMSON