Pour Bernard Doray, psychiatre, psychanalyste et anthropologue, le tournant néolibéral des années 1980 n’a fait qu’aggraver la situation du travail telle qu’elle résultait du taylorisme. Poser le travail comme une mécanique de rentabilité au détriment de la santé des hommes était déjà le parti pris des théories organisationnelles de l’ère fordienne. L’auteur est l’un des quelques chercheurs à avoir fondé la psychopathologie du travail dans les années 1970, à une époque où la question n’intéressait que très peu de gens. À gauche, la théorie marxiste se refusait à prendre en compte les aspects psychologiques de l’aliénation, tandis qu’à droite, on s’accommodait au contraire trop facilement des théories d’inspiration psychanalytique qui faisaient reposer les aspects pathologiques de l’activité professionnelle sur l’inconscient individuel plutôt que sur les situations objectives vécues par les travailleurs.

Dans cette logique, non seulement on ne distinguait pas les traumatismes liés au travail de tout autre traumatisme psychique, mais encore, le sujet dans les deux cas était au fond seul responsable, son symptôme étant supposé résulter de l’élaboration fantasmatique de la réalité plutôt que de la réalité elle-même. C’est sa double obédience psychanalytique et marxiste qui a peu à peu conduit Bernard Doray à joindre les aspects psy et les aspects sociaux du travail.

L’ensemble de textes présenté dans cet ouvrage s’étend sur presque quarante ans et a le mérite de retracer la lente émergence d’un concept qui, aujourd’hui, paraît presque consensuel.

Psychopathologie du travail

Bernard Doray, Érès, 216 pages, 15 euros.