Dangereux et triste record : sur 17 millions de salariés polonais, plus de 6 millions seraient victimes du stress au travail, soit 35 % d’entre eux contre 28 % pour l’ensemble de l’Union européenne. « À l’origine de ce stress, il y a notamment le niveau de chômage de presque 13 % en Pologne et la précarité de l’emploi, explique Barbara Surdykowska, juriste au syndicat Solidarité. Aujourd’hui, 25 % des salariés redoutent de perdre leur emploi dans les six mois. Rythmes du travail, baisse du niveau de vie, pressions de la hiérarchie, protection sociale limitée sont les autres facteurs qui contribuent au stress… »

En Pologne, la durée hebdomadaire du travail est fixée à 40 heures, mais un quart des salariés travaillent plus de 48 heures par semaine et les dérogations en heures supplémentaires peuvent atteindre légalement 150 heures par mois, voire davantage.

Le nombre des salariés dépressifs ou souffrant de troubles psychiques (ces derniers sont 10 %) est en augmentation constante. Et tous sont atteints : les ouvriers comme les cadres. Depuis 1990 et le retour à la démocratie, la Pologne a traversé de grandes transformations économiques, sociales et politiques. Pour de nombreux salariés, cette évolution a entraîné une instabilité constante dont ils souffrent encore, selon les sociologues.

« Pour combattre le stress au travail, il faut commencer par renforcer le dialogue social et la consultation des salariés, estime le président de Solidarité, Piotr Duda. Il faut identifier les raisons profondes du stress, mesurer son niveau dans les entreprises, créer des outils. » Des préconisations reprises dans la déclaration conjointe des partenaires sociaux sur la prévention du stress de novembre 2008, pour laquelle le syndicat a été très actif (ateliers, organisation de conférences internationales, diffusion de bonnes pratiques, avec des financements de la Commission européenne).

Certaines grandes entreprises étrangères installée en Pologne font participer leurs cadres à des stages de formation. Les syndicats forment également leurs représentants. Mais cette déclaration conjointe constitue la seule déclinaison en Pologne de l’accord-cadre européen de 2004 sur le stress. Contrairement à une douzaine d’autres pays, dont la France, Varsovie ne l’a pas traduit dans sa législation ni dans des conventions collectives contraignantes.

« Pourtant, cela commence à changer et c’est un premier progrès, constate Halina Piasecka, Pdg de la société Piasecka et Zylewicz, spécialisée en formation. Avant, dans notre pays, on ne parlait pas du stress au travail. Aujourd’hui, on se pose la question, car beaucoup de travailleurs s’aperçoivent que ce fléau concerne directement leur vie de travail et aussi leur vie personnelle… Or, il faut savoir comment gérer le stress, car, dans trente ans, il sera trop tard ! ».