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États-UnisDES AUMÔNIERS À L’ÉCOUTE DES SALARIÉS DE TYSON FOODS

Pratiques | International | publié le : 06.09.2011 | CAROLINE TALBOT

Le plus grand préparateur de viande de poulet, de bœuf et de porc du monde emploie plus de 120 aumôniers, version “Bible Belt”*, pour visiter régulièrement ses 117 000 salariés à qui ils apportent leur soutien.

Le petit-fils du fondateur du groupe agroalimentaire Tyson Foods, John Tyson, croit en Dieu. Ce natif de l’Arkansas, dans la « Bible Belt » américaine, en fait même une des valeurs de sa compagnie depuis son accession en 2000 à la tête de Tyson Foods (30,5 milliards de dollars de chiffre d’affaires, 117 000 salariés), entreprise « où on s’efforce d’honorer Dieu ». Le Pdg a immédiatement renforcé le service des aumôniers. Ils sont désormais 120 à temps plein ou partiel, visiteurs réguliers des usines de nettoyage, de tri, d’emballage de viande… « Dieu m’a aidé, il peut sûrement aider quelqu’un d’autre », a déclaré le patron, qui ne fait pas mystère de son ancienne dépendance à l’alcool.

Soutien compassionnel

Tyson n’a pas de psychologues du travail ni de coachs. Mais ses pasteurs sont prêts à fournir leur soutien compassionnel lorsqu’un « membre de l’équipe » a besoin de s’épancher. Rick McKinnie, le directeur des aumôniers, refuse toutefois toute approche prosélyte. Cet ancien de l’armée interdit à ses prêtres et pasteurs chrétiens de dire la messe en entreprise. De même, il refuse les prières de groupe et les études de la Bible : « Nous sommes là pour tout le monde, chrétiens, juifs, hindous, athées, explique-t-il. Nous servons tous les membres de l’équipe, croyants ou pas. » Contrairement à d’autres employeurs, Tyson a d’ailleurs veillé à ce que ses aumôniers ne soient pas systématiquement des protestants. Ils peuvent discuter du mariage, de divorce et de séparations, de problèmes financiers ou de la difficulté des relations avec des enfants adolescents, de la mort d’un proche.

Et pourquoi se confier à un pasteur plutôt qu’à un psychologue ? « Nous sommes plus intelligents », plaisante Rick McKinnie. Et de reprendre, plus sérieusement : « De par notre formation, nous comprenons les maux de l’âme. Nous sommes mieux équipés pour aborder la mort et les maladies. » Les recrues de ce chef de service ont pour la plupart un master en religion et des connaissances en sciences sociales.

La direction de Tyson croit à l’efficacité de son réseau d’aumôniers pour entretenir le moral de ses personnels, réduire le turn-over, gagner en productivité. Rick McKinnie dispose de peu de chiffres. Il cite cependant une enquête réalisée par les RH dans une petite usine de Russellville dans l’Arkansas. Tyson avait alors identifié une quinzaine de personnes activement soutenues par l’aumônier. Si les intéressés étaient partis, il en aurait coûté 75 000 dollars à l’usine pour recruter et former de nouveaux venus. Et le programme fait partie d’une politique sociale (couverture sociale, compensation & benefits, prévention des discriminations…) qui a réduit le turnover de 30 % depuis 2008, selon Tyson Foods.

Conflit d’intérêt ?

Mais des voix plus critiques suggèrent que ce programme d’aumôniers peut être le visage serein d’une opposition à la syndicalisation des sites, alors que l’entreprise prône la liberté d’association dans une “déclaration des droits du collaborateur”. Tyson Foods répond que 33 000 salariés aux États-Unis sont pourtant couverts par une convention collective négociée avec un syndicat. Autre grief : l’utilisation de ces hommes de foi dans la communication de crise, comme lors d’une action du département du Travail contre la société, accusée de ne pas payer le temps d’habillage sur un site de l’Alabama. Auprès des médias, ils avaient alors promu les nombreuses actions caritatives de Tyson. Ce qui a fait tousser certains représentants des associations d’aumôniers professionnels, prompts à déceler un conflit d’intérêt et une violation de l’éthique de la profession.

L’entreprise n’oublie pas ses clients, par exemple en diffusant avec ses produits un livret destiné à aider les familles à prononcer les grâces avant le dîner. Si Tyson Foods dispose à lui seul d’un imposant bataillon d’hommes et de femmes de foi, 3 000 à 4 000 aumôniers professionnels exercent aux États-Unis, par exemple à Coca-Cola, RJ Reynolds ou General Motors…

* Zone géographique et sociologique des États-Unis dans laquelle vivent un pourcentage élevé de personnes se réclamant d’un fondamentalisme chrétien.

Auteur

  • CAROLINE TALBOT