Dirigeant d’entreprise : l’intitulé même du poste subjugue au point qu’on omet souvent de considérer son rôle exact. Soumis à sa parole, on oublie aussi souvent de regarder si ce qu’il dit est conforme à ce qu’il fait. Afin d’optimiser les contenus des programmes de formation de cadres dirigeants, une équipe de chercheurs, à l’occasion d’une étude réalisée par la Maison de la recherche sur les pratiques professionnelles du Cnam, à la demande du Réseau des écoles de service public, est allée à la rencontre de cadres dirigeants de services publics et de TPE-PME, pour effectuer une comparaison des différents modes d’exercice de cette fonction.

Les résultats montrent une fonction prise dans le paradoxe d’une double logique de puissance et d’impuissance. Puissance d’être le maître à bord et fier de l’être, ­impuissance liée au sentiment d’avoir sans cesse une épée de Damoclès au-dessus de la tête : peur d’un incident avec le public, les clients, la sécurité, les syndicats…

Dans un temps dominé par l’action, la décision, les dirigeants sont des chefs d’orchestre pris dans des réseaux de contradictions, entre l’immédiat et le désir de ce qu’ils voudraient/devraient faire et n’ont pas le loisir ou l’opportunité de faire, entre la vision au long cours et l’urgence, entre leurs valeurs et la réalité plus prosaïque. Bref, des travailleurs coincés comme les autres entre les exigences de la tâche quotidienne – souvent très lourde – et le compromis ; des travailleurs mieux rémunérés que les autres, certes, en termes financiers et narcissiques, mais, de ce fait même, des travailleurs plus solitaires, voire trop solitaires.

Entre autres choses, cette étude leur aura permis de partager leurs réflexions sur ce qu’ils sont et sur ce qu’ils font.

Diriger : un travail

Sous la coordination de Jean-Marie Barbier, Christian Chauvigné et Marie-Laure Vitali, L’Harmattan, 270 pages, 24,50 euros.