logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Pratiques

Les entreprises prennent le “fun” au sérieux

Pratiques | publié le : 20.09.2011 | HÉLÈNE TRUFFAUT

Image

Les entreprises prennent le “fun” au sérieux

Crédit photo HÉLÈNE TRUFFAUT

Des business games aux soirées poker, les entreprises qui recrutent débordent de créativité pour attirer des candidats. Des formules ludiques et conviviales qui fonctionnent plutôt bien, mais qu’il faut sans cesse renouveler.

En avril dernier, une équipe de cinq étudiants de l’ICD (école de commerce du groupe IGS) raflait la victoire au business game de la Fnac. Opposant différentes écoles, le challenge portait cette année sur la commercialisation de l’Ipad, avec un CDI à la clé ! De quoi permettre aux lauréats de sécuriser au mieux leur sortie d’études.

Attirer les futures recrues en jouant la carte ludique ? De plus en plus d’employeurs s’y essaient. Ainsi les jeux d’entreprise sont largement utilisés par les grandes organisations pour séduire la fameuse génération Y, en adoptant ses codes et en flattant son goût du défi. Pionnier en matière de business game (avec l’organisation, dès 1993, d’un jeu consacré au marketing), L’Oréal continue d’exploi­ter le filon avec Reveal, son jeu internatio­nal en ligne (lire encadré p. 15). Au printemps dernier, c’est SFR qui donnait le coup d’envoi de “Wh@t a challenge !”, mettant en jeu des contrats d’alternance et des stages.

Sortir des sentiers battus

Toutefois, ce type de dispositif – qui débouche rarement sur des embauches en CDI – demande un investissement important, et il n’est pas si facile d’en évaluer précisément les bénéfices. La filiale française de Hilti, fournisseur de professionnels de la construction, a pris une autre option : « Pour séduire les jeunes aujourd’hui, il faut sortir des sentiers battus, leur montrer comment on travaille et les laisser venir à nous avec leur créativité en cherchant à partager des valeurs », soutient Pascal Launay, son directeur grands comptes. Dans le cadre d’un partenariat avec BEM (école de management de Bordeaux), il a su piquer la curiosité des étudiants de l’école en les conviant à décorer des dalles de béton. Puis à les détruire avec le tout nouvel outil brise-béton maison, musique et pique-nique à l’appui. L’opération a attiré 250 étudiants (préalablement inscrits sur Facebook), auxquels les cadres de l’entreprise ont présenté les métiers et les opportunités de carrière, en proposant aux 50 candidats les plus motivés un parrainage pour un stage ou un emploi. L’initiative a également suscité un vif intérêt au sein du groupe : « Nous allons la reproduire dans d’autres pays », se félicite Pascal Launay.

Se faire connaître

L’enjeu, pour Hilti, était de combler son déficit de notoriété auprès des étudiants. Car le problème de la plupart des DRH est de parvenir à boucler le plan de recrutement 2011 sur un marché de l’emploi qui s’assèche. Et d’anticiper sur 2012 en coupant l’herbe sous le pied des concurrents. « Attirer des candidats redevient de plus en plus compliqué non seulement dans l’informatique et le conseil, mais aussi dans d’autres secteurs comme celui de l’assurance, confirme Serge Zimmermann, directeur de business unit au sein du cabinet de conseil en recrutement Hudson. Les acteurs concernés sont, du coup, obligés de travailler davantage leur attractivité par le développement de leur marque employeur. »

Ève Royer, directrice du recrutement France d’Akka Technologies, en convient : « Pour initier les premières rencontres avec des candidats qui ne répondent plus aux annonces, il faut redoubler d’originalité. » Du coup, le groupe d’ingénierie multiplie les initiatives. Depuis dix ans, le Challenge Akka permet à 150 élèves ingénieurs de passer trois jours à Serre Chevalier pour skier… et plus si affinités. Une vingtaine de recrutements ont été réalisés par ce biais cette année.

Speed recruiting, job dating…

Depuis un an, la formule est complétée par des opérations de speed recruiting ou de job dating qui se veulent aussi conviviales. Telles les soirées Bar Akka pour les étudiants en quête d’un stage, mais aussi les after works, destinés cette fois aux professionnels en poste, organisés dans des établissements branchés. « Nous attirons entre 300 et 400 personnes par soirée, dont environ 10 % intègrent Akka. Ce qui est un excellent taux de transformation pour cette méthode de recrutement non traditionnelle », assure Ève Royer.

Pas sûr, en revanche, que les 90 % des candidats restant y trouvent leur compte. Certaines SSII ne recourent d’ailleurs au job dating que pour les stages et préfèrent concocter des rencontres ludico-festives avec un nombre restreint de participants pour les jeunes diplômés et informaticiens aguerris.

« Nous ne voulons pas noyer les candidats dans la masse, explique Stéphanie Floiras, responsable du recrutement de Micropole. Nous misons donc sur des soirées VIP pour rencontrer, via l’approche directe, le bouche-à-oreille et un peu de buzz sur les réseaux sociaux, des informaticiens expérimentés qui ne prendraient pas la peine de se déplacer pour un entretien classique. » L’appât ? Un atelier cuisine et recrutement pour une vingtaine de personnes, en compagnie d’un chef. Après une édition parisienne, qui a permis à la SSII d’embaucher la moitié des participants, l’expérience a été menée à Lille en juin dernier et sera renouvelée cet automne.

De son côté, Additeam s’est illustrée en organisant récemment un tournoi de poker ouvert à une quarantaine de candidats. « Ce jeu requiert certaines qualités intellectuelles qui peuvent nous intéresser, affirme Éric Decalf, créateur et dirigeant de la SSII. Mais l’objectif n’était pas de recruter en fonction des résultats, et nous n’avons pas analysé les comportements de manière formelle, pour préserver l’ambiance conviviale de la soirée. Nous avons engagé la discussion avec les joueurs dès leur sortie de table pour jauger leurs motivations et leur projet professionnel, avant de leur proposer un vrai rendez-vous. »

Soirées poker à bord d’une péniche, d’un Airbus ou au stade : GFI Informatique, qui a étrenné ce format de rencontres décalées en 2008 avec une initiation à la salsa dans un bar nantais, ne cesse depuis de le décliner aux quatre coins de l’Hexagone. En préparant chaque édition avec soin : « Les équipes RH et managériales se mobilisent pour faire en sorte que les participants aient suffisamment d’interlocuteurs, développe Stéphanie Guiho, responsable RH de GFI Ouest. Le jour J, les candidats sont accueillis par une douzaine de responsables opérationnels qu’ils apprécient de rencontrer dans une ambiance décontractée. » En moyenne, un tiers des informaticiens présents se laisseraient convaincre de rejoindre l’entreprise. Mais la guerre des talents que se livrent actuellement les SSII – comme en 1999-2000 – les oblige à revoir constamment leur copie. Bon nombre de responsables de recrutement avouent être déjà en train de réfléchir à de nouveaux moyens de séduction.

Soirées « prétextes »

Une fuite en avant qui laisse dubitatif le responsable du recrutement et des relations écoles de Devoteam, entreprise de conseil et ingénierie informatique : « Ces soirées ne sont que des prétextes et peuvent être perçues comme opportunistes », estime Benoît Castel. Qui aimerait bien que l’on en revienne à des réflexions plus structurelles pour regarnir le vivier d’ingénieurs disponibles.

La limite à ne pas dépasser ? Pour Philippine de Reilhac, responsable marketing et communication du cabinet Hudson, il faut surtout veiller à « rester en phase avec les valeurs de l’entreprise ». En n’oubliant pas que, si l’on peut ferrer un candidat avec un concept original, « la rétention des talents nécessite, elle, un travail de fond ! »

L’ESSENTIEL

1 Pour développer ou consolider leur attractivité auprès des étudiants, les entreprises misent de plus en plus sur des outils ludiques comme les business games.

2 Soirées conviviales, cours de cuisine ou tournois de poker sont également utilisés pour rencontrer d’éventuelles recrues, jeunes diplômés ou expérimentés.

3 Dans certains secteurs comme l’informatique, la guerre des talents est relancée et les recruteurs doivent redoubler d’originalité pour attirer des candidats très sollicités.

L’Oréal veut faire jouer tous les jeunes

Lancé début 2010, Reveal by L’Oréal se veut la nouvelle arme de recrutement mondial du groupe de cosmétiques. « L’investissement répond à une vision stratégique du marché des talents et des besoins de l’entreprise en sortie de crise. Il est d’ailleurs porté par la direction internationale du recrutement », souligne François de Wazières, à la tête de ce département.

Ancré dans le long terme, ce jeu pédagogique en ligne est destiné à alimenter le vivier des futurs managers de L’Oréal. Ouvert à toutes les filières de formation, il concerne l’ensemble des métiers. « Les nouvelles générations se distinguent par leur ambition, leur envie de toucher à tout. Mais le monde de l’entreprise reste pour elles très nébuleux, poursuit-il. L’objectif de Reveal est de leur faire vivre l’aventure L’Oréal de l’intérieur, en les aidant à décoder leurs aptitudes, leur style et à découvrir ce pour quoi ils sont faits. » Pour ce faire, les intéressés passent entre cinq et dix heures à résoudre des énigmes relatives aux différentes fonctions de l’entreprise dans un univers graphique légèrement “mangaïsé”. « Plus de 150 managers ont contribué à la conception du jeu », souligne François de Wazières.

À l’issue des épreuves, les candidats obtiennent des scores fondés sur le référentiel de compétences managériales interne – assortis d’un prix pour les vainqueurs – et peuvent embrayer sur une demande de stage, principale voie d’accès au CDI des jeunes diplômés chez L’Oréal. Le nouveau dispositif a rapidement trouvé son public, avec, à ce jour, 70 000 participants dans 164 pays.

Auteur

  • HÉLÈNE TRUFFAUT