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LA RELATION CLIENT peine à valoriser ses métiers

Pratiques | publié le : 18.10.2011 | SABINE GERMAIN

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LA RELATION CLIENT peine à valoriser ses métiers

Crédit photo SABINE GERMAIN

À mesure que les centres d’appels achèvent leur mutation pour devenir des centres de contacts plurimédias, le niveau de qualification des téléconseillers s’élève : sans bac + 2, point de salut. Pourtant, les rémunérations stagnent, rendant illusoire la volonté – pourtant réelle – de revaloriser la filière.

Le 20 juin dernier, environ un quart des 60 000 salariés des centres d’appels externalisés (les outsourceurs) ont débrayé pendant une heure, en réponse au mot d’ordre lancé par l’ensemble des syndicats sur le thème « 80 % des salariés au smic, ça suffit ! » Une révolution culturelle dans une filière jusqu’à présent peu revendicative. Les téléconseillers semblent avoir compris que leur emploi n’est plus un job transitoire « en attendant mieux » ; il s’est pérennisé. Y compris chez les outsourceurs, dont 82 % des salariés sont aujourd’hui en CDI et 91 % à temps plein, selon l’enquête réalisée par Bearing Point pour SP2C, le Syndicat des professionnels des centres de contacts (qui fédère 90 % des outsourceurs). En dix ans, l’âge moyen des salariés est passé de 25 ans à 30,8 ans. Quant au turnover, il ne dépasse plus 9 % par an.

Niveau d’exigence accru

Parallèlement, le niveau de qualification des téléconseillers n’a cessé de s’élever : « Il n’y a pas si longtemps, ils étaient recrutés au niveau bac à bac + 2, se souvient Loïc de Villers, directeur général de TeleRessources, cabinet de conseil RH spécialiste des centres d’appels. Aujourd’hui, il est difficile de trouver un poste sans un bac + 2. » L’enquête de Bearing Point pour le SP2C le confirme : 40 % des téléconseillers sont des diplômés bac + 2 et 11 %, des bac + 4.

C’est une réponse à l’évolution rapide des métiers de la relation client : « Les appels sans valeur ajoutée sont de plus en plus rares, explique Éric Dadian, président de l’AFRC (Association française de la relation client). Quand un client décroche son téléphone, il est déjà allé s’informer sur Internet. Les appels sont donc souvent plus longs et plus complexes. » A fortiori depuis que les centres d’appels se transforment en centres de contacts multimédia : le téléconseiller peut être amené à confirmer un entretien par un courrier personnalisé ou assurer des sessions de chat en ligne. « L’aisance relationnelle ne suffit plus. Les téléconseillers doivent avoir une bonne orthographe, parler plusieurs langues, maîtriser des offres commerciales de plus en plus complexes, etc. », estime Loïc de Villers. Bref : le niveau d’exigence s’est considérablement accru.

Salaires à deux vitesses

Mais pas les rémunérations : le salaire moyen n’excède pas 18 620 euros brut annuels chez les outsourceurs, contre 22 000 euros dans les centres intégrés (voir graphique p. 16). On peut réellement parler de salaire à deux vitesses : « Dans les centres d’appels internalisés, à peine 10 % des salariés sont payés au smic, estime Loïc de Villers. Les autres gagnent en moyenne 30 % de plus que le salaire minimum. » Chez les outsourceurs, en revanche, les grilles de salaires restent calées sur le smic : « C’est vrai, l’écart entre le salaire moyen des outsourceurs et le smic tend à se réduire, admet Laurent Uberti, président du SP2C. Il n’est plus que de 12 %, alors qu’il a pu, par le passé, dépasser 15 %. Mais le smic a augmenté de 50 % en cinq ans. La branche n’a pas pu suivre : avec 2 % d’augmentations annuelles, elle a vu sa grille de rémunération se tasser. »

Non seulement les salaires sont bas, mais ils progressent peu et de façon encore trop souvent arbitraire : « Le malaise ne porte pas seulement sur la rémunération elle-même, observe Loïc de Villers. Les salariés réclament de véritables perspectives d’augmentation et davantage de transparence dans l’attribution de la part variable. » Ce qui est vrai chez les outsourceurs l’est aussi dans les centres internalisés, où « les salariés ne voient dans leur passage dans un centre d’appels qu’un marchepied vers des fonctions plus valorisantes et mieux rémunérées, poursuit-il. Compte tenu du niveau d’exigence des employeurs, 22 000 euros par an, ce n’est pas cher payé… » Ce que confirment, en filigrane, les résultats du Baromètre 2011 de la relation client*: quand on les interroge sur les freins au développement de leur profession, 49 % des dirigeants d’établissement citent sa grille de rémunération et 58 % sa mauvaise image.

Stratégie de revalorisation

La stratégie de revalorisation de l’image de la filière s’est ainsi heurtée à une réalité imparable : « Pour pallier le manque de formations professionnalisantes préparant aux métiers de la relation client, nous avons créé trois diplômes, du bac pro à la licence professionnelle, explique Éric Dadian. Dix-sept classes ont ainsi été ouvertes en bac pro… mais elles n’ont attiré que 150 candidats par an. » La profession ne fait manifestement pas rêver les jeunes.

Alors que l’accord-cadre national pour le développement de l’emploi et des compétences, signé le 28 juillet 2009, est en cours de déploiement (lire l’encadré ci-dessous), un nouveau projet est en train d’émerger : « La création d’un campus national de la relation client, avec un institut dans chaque région proposant des contenus et des diplômes homogènes », poursuit le président de l’AFRC.

Tous les projets de formation rencontrent toutefois un problème très concret : les centres d’appels internalisés sont rattachés à la convention collective – donc à l’Opca – de leur maison mère (banque, assurance, télécoms, transports, etc.). Quant aux outsourceurs, ils relèvent de la convention collective du Syntec, et pour le financement de la formation professionnelle, d’Agefos-PME. Lors des Rendez-vous de la relation client, organisés le 12 mai dernier, Joseph Thouvenel, secrétaire général adjoint de la CFTC, a plaidé une nouvelle fois pour la création d’une convention collective propre aux métiers de la relation client, avec une grille de rémunération adaptée.

Ce sera sans doute nécessaire si la profession veut encore se développer. Elle garde en effet un potentiel de croissance considérable : « En France, la filière compte 260000 salariés, soit quatre fois moins qu’en Grande-Bretagne, où elle emploie 1,1 million de personnes », observe Éric Dadian, qui voit dans les services publics (notamment les collectivités territoriales) et les PME deux gisements de croissance.

5 % de croissance en 2011

De fait, le marché de l’outsourcing a plutôt bien traversé la crise, avec 4,2 % de croissance en 2009, 6,6 % en 2010, « et autour de 5 % en 2011 », explique Laurent Uberti, président du SP2C, qui rappelle toutefois qu’« entre 2000 et 2005, le marché connaissait une croissance à deux chiffres ». Outsourceurs et centres intégrés confondus, les métiers de la relation client ont vu leurs effectifs augmenter de 4 % en 2010, selon les chiffres de l’AFRC. Ce qui représente plus de 10 000 emplois. Soit précisément l’objectif avancé par Laurent Wauquiez en 2009, lorsqu’il a convoqué les professionnels de la relation client pour les sommer d’arrêter les délocalisations et de créer de l’emploi.

Depuis, la filière a effectivement créé de l’emploi et l’offshoring s’est stabilisé autour de 22 % du chiffre d’affaires global des outsourceurs. « Nous sommes ravis de lui faire plaisir, mais cela n’a évidemment rien à voir avec l’injonction gouvernementale », sourit un professionnel. Quand la masse salariale représente 75 % des charges d’exploitation d’une filière, les créations d’emploi et leur localisation se décident sur d’autres critères…

*153 dirigeants d’établissements interrogés en mars 2011 par Ipsos et Agefos-PME.

L’ESSENTIEL

1 Les métiers de la relation clients deviennent de plus en plus qualifiés, mais la filière se heurte au manque de formations professionnalisantes.

2 Les entreprises peinent à séduire les candidats, rebutés par des salaires trop bas, en particulier dans les centres d’appels externalisés.

3 Pourtant, même si l’offshoring pèse pour 22 % du chiffre d’affaires des outsourceurs, la filière reste créatrice d’emplois en France.

L’Adec, deux ans plus tard

La mission nationale de la relation client, créée fin 2008 pour structurer la filière et « donner une nouvelle impulsion au développement de l’emploi et des compétences », a été chargée de décliner en régions l’accord-cadre national pour le développement de l’emploi et des compétences (Adec), signé le 28 juillet 2009.

Objectif : former 5 300 salariés en trois ans en s’appuyant sur le réseau d’Agefos-PME. « Fin 2011, c’est-à-dire à mi-parcours, environ 2 000 salariés ont suivi une formation dans l’une des neuf régions* dans lesquelles nous avons expérimenté l’accord », explique Olivier Coone, conseiller formation à Agefos-PME. Il s’agit essentiellement de téléconseillers et de managers, qui ont suivi des formations courtes (pas plus de 20 heures) à la relation client ou au management.

Cinq autres régions (Bretagne, Poitou-Charentes, Alsace, Midi-Pyrénées et Picardie) sont en cours de déploiement. La mise en œuvre de l’Adec devrait donc s’accélérer courant 2012.

* Nord-Pas-de-Calais, Centre, Île-de-France, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Haute-Normandie, Rhône-Alpes, Aquitaine, Lorraine et Pays de la Loire.

CHIFFRES CLÉS

→ 260 000 salariés : 200 000 dans des centres internalisés ; 60 000 chez des outsourceurs.

→ 4 % de croissance des effectifs en 2010.

→ 3 500 centres d’appels : 2 700 centres internalisés et 800 outsourceurs.

Source : AFRC

Auteur

  • SABINE GERMAIN