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Reconstruire avec une démarche durable

Pratiques | RETOUR SUR… | publié le : 18.10.2011 | SÉVERINE CHARON

Agronutrition SCPA a été totalement détruite en septembre 2001 par l’explosion de sa voisine AZF. Après l’abandon par l’État d’un projet de privatisation de cette entreprise publique, les salariés l’ont remise sur pied et l’ont rachetée. Dix ans plus tard, l’entreprise prospère, ayant développé des actions durables tant en matière d’environnement que d’emploi.

Quand l’explosion d’AZF se produit le 21 septembre 2001, les locaux d’Agronutrition SCPA, situés juste en face, sont entièrement détruits. Recruté en 1997 pour superviser puis privatiser cette entreprise qui appartient à l’État et qui produit des oligoéléments anti-carentiels pour les cultures, Cédric Cabanes est en séminaire à Banyuls. De retour sur le site, il constate le désastre : « Les dégâts sont heureusement surtout matériels, se rappelle-t-il. Un chauffeur, resté prisonnier de son camion retourné par le souffle de l’explosion, a miraculeusement survécu. Dix collaborateurs ont été blessés par des débris de verre, mais personne trop gravement. Une assistante perdra quand même son œil. Et tous ont gardé quelques séquelles, auditives notamment. »

Deux jours après l’explosion, le 23 septembre, nouveau coup de massue : l’État, actionnaire de cette entreprise, annonce la fin du projet de privatisation. L’activité s’arrêtera là.

Projet de privatisation

Cédric Cabanes « refuse la fatalité » et propose aussitôt à son équipe de 27 collaborateurs de se battre pour convaincre l’actionnaire de revenir sur sa décision. Un contrat d’assurance “valeur à neuf” apporte 2,2 millions d’euros à Agronutrition pour reconstruire les équipements. De son côté, le groupe Total, propriétaire de l’usine AZF, s’engage à couvrir les pertes d’exploitation subies d’ici à la reconstruction de l’outil de production. L’État accepte de relancer l’activité et de maintenir l’objectif de privatisation. Le pari semble jouable. Reste à trouver un nouveau site de production.

« Nous butons, au printemps 2002, sur une nouvelle déconvenue : aucun maire de la région toulousaine n’accepte plus d’accueillir d’entreprise qui travaille dans la chimie. Si les métaux manipulés par Agronutrition ne présentent pas de risque d’explosion, un accident qui aboutirait à la possible pollution des nappes phréatiques existe », relate Cédric Cabanes.

Développement durable

L’équipe trouve la solution : faire du développement durable un principe directeur de sa stratégie. S’engageant sur des principes forts de protection de l’environnement et revoyant du coup son catalogue de produits, Agronutrition trouve un site d’accueil sur la commune de Carbonne. En juin 2003, l’outil industriel est reconstruit et la production à nouveau possible.

L’État ouvre le processus de privatisation pour 2004. Une dizaine d’acquéreurs sont intéressés. Mais, en dépit des efforts demandés par l’État sur le volet social, le plus généreux s’engage à ne reprendre que 50 % des effectifs.

Cédric Cabanes propose alors aux salariés de racheter l’entreprise via un LBO. L’État accepte de vendre pour 2,2 millions d’euros. Les salariés d’Agronutrition apportent 178 000 euros. Un complément de 172 000 euros d’apports et de 350 000 euros de prêts est mis sur la table par un investisseur. Ces 700 000 euros permettent de lever 1,5 million auprès des banques.

Mobilisation générale

L’équipe a réussi à convaincre l’investisseur : De Sangosse, un distributeur concurrent originaire d’Agen. Spécialisé dans la protection des plantes et les semences, il a été également repris par ses salariés en 1989.

Tout le monde se mobilise. « Le personnel employé dans les bureaux a participé par exemple pendant quelque temps à des tâches manuelles pour soutenir la production », se rappelle Cédric Cabanes.

Les années passent et le succès est au rendez-vous, avec un chiffre d’affaires qui passe de 4,4 millions en 2004 à 6,5 millions d’euros en 2006 et à 13,5 millions en 2009 : de quoi rembourser les emprunts en temps et en heure. Ce processus s’est accompagné d’une démarche durable en matière de ressources humaines : évolution de carrière pour suivre le développement du groupe, actions de formation, amélioration des conditions de travail. Résultat : les seuls salariés absents parmi l’équipe initiale sont ceux partis à la retraite.

Des valeurs d’entraide

« La solidarité est forte entre les 27 d’origine qui ont vécu cette aventure commune. Ces valeurs d’entraide, ils les transmettent aux embauchés les plus récents. Notre démarche de développement durable renforce aussi la cohésion des salariés, qui ont l’impression de travailler à quelque chose d’utile », commente Cédric Cabanes, président de l’entreprise, qui compte désormais 69 personnes.

Agronutrition fait aussi appel aux seniors. Une idée née de la conviction personnelle du président, qui a adhéré au Réseau d’emploi durable (RED). Deux chercheurs retraités, âgés de 64 et 67 ans, apportent leurs compétences et leurs réseaux : embauché en CDI à temps partiel, l’un travaille en binôme avec la jeune responsable de la R & D, tandis que l’autre, prestataire, épaule Cédric Cabanes (lui-même ingénieur agronome) sur la veille technologique.

Embauche de seniors

Place aux seniors également dans les équipes de production et de manutention : un cariste (55 ans) et un opérateur de production (56 ans), remarqués pendant leurs missions d’intérim pour leur sérieux et leur motivation, ont été recrutés en CDI. « Il y a beaucoup de jeunes peu diplômés à la production. Les collaborateurs seniors ont un rôle d’aîné vis-à-vis des jeunes salariés, qui va même au-delà de la seule activité professionnelle », estime le président.

La politique de rémunération a aussi été plutôt volontariste. Outre la participation, l’intéressement, mais aussi l’actionnariat salarié – qui concerne 45 personnes – ont été mis en place. « En dehors du fait qu’il permet de préserver l’indépendance du capital, le dispositif intéressement-participation-actionnariat est un indéniable facteur de motivation », résume Cédric Cabanes. Il n’y a pas eu d’intéressement l’année dernière, mais 4 000 euros pour tout le monde il y a deux ans. Cette année, les résultats pourraient permettre d’en distribuer à nouveau.

Auteur

  • SÉVERINE CHARON