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INTERNATIONAL QUELLE GRH POUR LA CHINE ?

Pratiques | publié le : 29.11.2011 | ÉRIC DELON

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INTERNATIONAL QUELLE GRH POUR LA CHINE ?

Crédit photo ÉRIC DELON

Dans ce pays continent dont la croissance avoisine encore les 10 %, le recrutement, la fidélisation, la gestion de l’encadrement et la RSE font partie des priorités des DRH. Mais les entreprises étrangères s’y prennent différemment selon leur origine. Exemple avec un comparatif franco-allemand.

La crise ? Quelle crise ? Loin de la crise européenne des dettes, la Chine poursuit son expansion économique. Si le taux de croissance du PIB est descendu à 9,1 % au troisième trimestre 2011 (contre + 13 % en 2007 !), l’économie chinoise demeure vigoureuse, et le rythme des investissements étrangers n’y a pas faibli. La présence française sur place, en augmentation de + 70 % depuis 2002, est répartie entre 900 entreprises environ, sur 1 800 sites : aux “historiques” Alstom, EDF, Total, Citroën ou Valeo, sont venues s’ajouter des entreprises familiales moyennes, comme Seb ou Somfy, les distributeurs Auchan et Carrefour ainsi que des sociétés plus petites comme Biomerieux, Saft ou DMC.

Des différences d’approche

Et, contrairement aux idées reçues, les entreprises occidentales y déploient un management et des politiques sociales souvent bien différents. Telle est en tout cas la conclusion d’une étude comparative menée par Entreprise & Personnel* début octobre sur les stratégies d’implantations de groupes français et allemands : « Alors que les entreprises allemandes privilégient une logique collective, multipliant les partenariats et les accords de coopération innovants en conservant des prérogatives managériales locales, marquant ainsi leur implication, les sociétés françaises sont plus individualistes dans leur approche et ont tendance à davantage déléguer le management aux équipes chinoises », analyse Martine Le Boulaire, co-auteure de l’étude.

Quelles que soient ces différences d’approche, pointe l’étude, les firmes tricolores et allemandes sont confrontées aux mêmes problématiques locales : attirer et fidéliser des salariés qualifiés et développer la responsabilité sociale de leur entreprise (RSE), tout en tenant compte des différences culturelles.

Cursus universitaire inadapté au marché du travail

L’absence notable de cursus éducatifs véritablement adaptés au marché du travail, notamment dans le domaine de l’ingénierie et du management, oblige les entreprises occidentales à investir de manière significative en formation et développement des compétences. Certaines entreprises françaises ont par exemple développé en propre des dispositifs, à l’image du groupe de restauration collective Sodexo avec la Sodexo Management Academy, qui permet à ses salariés chinois d’acquérir les compétences nécessaires à leur évolution professionnelle. De son côté, Schneider Electric a créé un programme destiné à ses jeunes talents locaux afin qu’ils puissent partir en mission à l’étranger et acquérir des compétences techniques, mais aussi s’approprier les valeurs de l’entreprise.

Pour faire leur marché des “compétences”, les groupes concluent également des partenariats avec des universités. Ainsi, le groupe Safran (aéronautique, défense, sécurité) vient de signer, début octobre, un nouvel accord de coopération avec AVIC University, prévoyant notamment des sessions de formations internationales pour ses salariés et l’accueil de stagiaires en son sein.

Centres de formation par apprentissage

Si l’activisme tricolore en matière d’effort de formation à l’intention de ses collaborateurs chinois est loin d’être insignifiant, il apparaît toutefois moins développé et coordonné que celui mis en œuvre par les entreprises allemandes, à l’instar de BBDC (Daimler) et Siemens, qui ont par exemple créé des centres de formation par apprentissage, une modalité jusqu’alors inconnue en Chine. Quant au centre de formation de Taicang, près de Shanghai, monté en collaboration avec les institutions chinoises et soutenu par les entreprises allemandes, il a vocation à former des mécaniciens outilleurs pour une centaine d’entreprises.

Sur le plan des relations sociales, entreprises allemandes et françaises sont confrontées de la même manière à la faiblesse du système : « La RSE, concept neuf en Chine et sans ramifications dans la société civile, est aujourd’hui centrée sur le respect de l’application de la loi », souligne Martine Le Boulaire. Les firmes françaises et allemandes, conformément à leurs principes de RSE et se sachant sous surveillance, s’y emploient en étant particulièrement attentives au paiement des heures supplémentaires, aux congés payés, au respect des conditions de travail et de sécurité, bien plus que nombre d’;entreprises chinoises.

Activités philanthropiques

Sous les injonctions gouvernementales par ailleurs, elles développent aussi des activités philanthropiques. À l’image du groupe Areva, présent en Chine avec près de 900 salariés : « En ce qui concerne la RSE vis-à-vis de l’extérieur, nous réalisons de nombreux projets avec le soutien de notre fondation. Par exemple, l’implantation d’une bibliothèque dans une école primaire de la province du Sichuan, où nous possédons une joint-venture de fabrication. Cela illustre notre responsabilité vis-à-vis de la communauté locale », explique Antoine Zhang, vice-président ressources humaines Asie-Chine. Même démarche pour le groupe Alstom (8 000 collaborateurs), présent dans le pays depuis les années 1950, qui, via sa fondation, soutient plusieurs ONG spécialisées dans l’amélioration des conditions de vie des populations locales et dans les actions en faveur de l’environnement. « En outre, tous nos managers chinois sont sensibilisés à la RSE, grâce notamment au programme de formation e-learning baptisé “E-ethics”, des cas pratiques mettant en situation diverses problématiques éthiques que l’on peut rencontrer dans son travail quotidien », explique-t-on à la direction des ressources humaines du groupe.

« Siniser » l’encadrement

Quant à l’opportunité de “siniser” son encadrement local, il apparaît que les entreprises françaises confient plus spontanément que leurs homologues allemandes le management aux équipes locales, réservant l’expatriation aux experts chargés de transférer les compétences : « Conscients du rôle des réseaux, les Allemands ont jusqu’à présent largement misé sur l’expatriation et restent très impliqués dans la conduite des affaires locales », souligne Martine Le Boulaire.

Chez Alstom, la DRH confirme à l’inverse qu’elle met en œuvre une localisation des postes clés, auparavant occupés par des expatriés : « Nous comptons aujourd’hui de plus en plus de membres de notre comité de direction d’origine chinoise. À titre d’exemple pour Alstom Transport, le Managing Director Chine est une Chinoise francophone, et le DRH est chinois. Nous faisons cependant toujours confiance à des expatriés sur certains postes pour lesquels il est difficile de trouver des compétences locales ou encore pour faciliter certaines interfaces avec l’Europe. »

* “Les entreprises françaises et allemandes en Chine : des pratiques de management contrastées dans un contexte en mutation”, Entreprise & Personnel, Sciences Po CERI, IAE Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Centre d’information et de recherche sur l’Allemagne contemporaine (Cirac).

L’ESSENTIEL

1 La Chine, avec sa croissance à deux chiffres, attire toujours les entreprises étrangères. Les sociétés françaises y sont 900, réparties sur 1 800 sites.

2 Pour attirer des compétences et fidéliser leurs salariés, toutes les entreprises déploient des dispositifs importants de formation.

3 Les entreprises françaises jouent moins l’effet de réseau avec leurs consœurs et les partenariats avec les institutions locales que les allemandes. Mais elles délèguent plus volontiers à un encadrement chinois.

RECRUTEMENT

« Bien évaluer la personnalité des candidats »

Ralentissement (relatif) de l’économie ou pas, il est peu dire que le marché des talents est tendu en Chine. « Contrairement à il y a dix ans, les meilleurs candidats chinois regardent aujourd’hui l’ensemble des opportunités professionnelles dans des entreprises chinoises, étatiques ou privées, car l’écart de rémunération avec les multinationales s’y est largement réduit », explique Antoine Zhang, vice-président ressources humaines Asie-Chine d’Areva.

Une enquête récente indique d’ailleurs que seules 10 multinationales figurent dans le Top 50 des meilleurs employeurs en 2011, contre 34 sur 50 en 2003. Quoi qu’il en soit, la rémunération des chinois anglophones possédant une expérience à l’international, et donc ultra-courtisés par les entreprises étrangères, demeure deux à trois fois plus importante que celle des nationaux sortant d’une université classique et qui ne parlent que chinois. « Ces rémunérations augmentent, par ailleurs, en moyenne de + 30 % par an, à poste comparable », explique Éric Tarchoune, directeur du cabinet de recrutement Dragonfly Group, présent en Chine depuis dix-huit ans. « Si le CV est important, il est capital de passer du temps à évaluer la personnalité du candidat, notamment son aptitude à évoluer dans un environnement international », souligne Christophe Hinous, associé de Leaders Trust International.

Auteur

  • ÉRIC DELON