logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Enjeux

Travailler pendant l’arrêt maladie : rien de déloyal ?

Enjeux | LA CHRONIQUE JURIDIQUE D’AVOSIAL | publié le : 13.12.2011 |

Image

Travailler pendant l’arrêt maladie : rien de déloyal ?

Crédit photo

L’arrêt maladie est censé permettre le repos du salarié malade en vue d’un retour rapide au travail. Et l’employeur peut être tenté de sanctionner un salarié qui aurait profité d’un arrêt pour une activité autre que le repos. Pourtant, la Cour de cassation, par un arrêt du 12 octobre 2011 (1), a jugé par une formulation inédite qu’exercer une activité professionnelle pendant un arrêt maladie ne peut fonder un licenciement qu’à la condition de causer un préjudice à l’employeur. La Cour confirme que l’exercice d’une activité pendant un arrêt maladie ne constitue pas en lui-même un manquement à l’obligation de loyauté qui subsiste durant l’arrêt.

Pendant un arrêt maladie, le contrat de travail est suspendu et le salarié est dispensé de fournir sa prestation de travail : n’étant plus sous l’autorité de l’employeur, il est libéré de ses obligations contractuelles. Bien que le contrat de travail soit suspendu, le salarié reste tenu de son obligation de loyauté. Construction prétorienne, l’obligation de loyauté découle du Code du travail (2) selon lequel le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi et recouvre la non-concurrence, le secret et la confidentialité.

Il y a lieu de distinguer entre l’exercice d’une activité personnelle et professionnelle. L’obligation de loyauté ne peut être invoquée pour interdire au salarié d’exercer des activités personnelles durant un arrêt maladie, qui relève de sa vie privée, sous réserve de ne pas nuire à son employeur.

Concernant l’exercice d’une activité professionnelle, la Cour est plus restrictive. Exercer une telle activité durant l’arrêt maladie peut constituer une faute grave et donc un motif de licenciement. L’appréciation du caractère fautif de ce comportement sera réalisée selon son caractère habituel, lucratif et, surtout, concurrentiel.

L’arrêt du 12 octobre 2011 reprend les facteurs consacrés par la jurisprudence, mais clarifie les circonstances permettant à l’employeur de recourir au licenciement : l’exercice d’une activité professionnelle doit nécessairement causer un préjudice à l’employeur ! Ainsi, le licenciement n’est possible que si les activités exercées sont concurrentes (3), nuisent à l’image de l’entreprise ou à son fonctionnement. À défaut, le licenciement sera déclaré sans cause réelle et sérieuse, avec les conséquences indemnitaires qui en découlent, outre le remboursement des allocations de chômage.

Au cas présent, le salarié, chauffeur au sein d’une entreprise de menuiserie, a vu son licenciement pour faute grave déclaré abusif par la Cour malgré le fait qu’il avait travaillé avec son épouse sur son stand au marché.

La Cour rappelle que l’inobservation par le salarié de ses obligations à l’égard de la Sécurité sociale ne peut fonder un licenciement. Rappelons ici que le salarié malade, en sa qualité d’assuré social, est tenu à certaines obligations à l’égard de la Sécurité sociale : l’interdiction de s’absenter de son domicile en dehors des heures de sortie autorisées par le médecin et d’exercer toute activité, rémunérée ou non. En cas de manquement, l’organisme de Sécurité sociale pourra sanctionner le salarié par la restitution du versement des indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS).

De son côté, l’employeur pourra diligenter une contre-visite médicale afin, en cas d’avis divergent, de ne pas être contraint de maintenir le salaire. En cas de suspension par la Caisse du versement des IJSS, l’employeur pourra à son tour décider de suspendre le versement des indemnités complémentaires.

Si l’arrêt du 12 octobre 2011 a eu un large écho, il ne fait que reprendre un principe bien établi en cas de manquement du salarié à son obligation de loyauté à l’égard de son employeur : l’employeur devra être en mesure de rapporter la preuve du préjudice pour fonder un licenciement.

Appelons de nos vœux la Cour suprême à raison garder : le salarié qui ne met pas entièrement à profit son arrêt maladie en vue d’un retour rapide au travail ne cause-t-il pas nécessairement un préjudice à son employeur ?

(1) Cass. Soc. 12 octobre 2011, n° 10-16.649.

(2) Article L. 1222-1 du Code du travail.

(3) Cass. soc. 23 novembre 2010, n° 09-67.249.

Caroline Dirat, avocate au barreau des Hauts-de-Seine et au cabinet Ernst & Young, membre d’Avosial, le syndicat des avocats d’entreprise en droit social.